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Citations sur Les Allées sombres (90)

- Ecoutez, mais c'est de la folie, j'ai perdu la tête !
Mais elle arracha elle même son chapeau et le jeta sur le fauteuil. Ses cheveux aux reflets roux étaient relevés en chignon et retenus par un peigne droit en écaille, sa frange bouclait légèrement sur le front et dans son visage au hâle léger, ses yeux vides mais joyeux me regardaient. Je la déshabillai à la va-vite et elle s'empressa de m'aider. En un clin d'oeil je lui enlevai sa blouse de soie blanche et, tu comprends, ma vue se troubla tout simplement quand je découvris le rose de son corps, doré sur ses épaules brillantes, et la blancheur laiteuse de ses seins aux pointes dures et vermeilles que soulevait son corset, puis, lorsque je vis sortir de ses jupons tombés à terre, ses jolis petits pieds chaussés d'escarpins dorés et ses jambes dans des bas crèmes ajourés, avec ces larges pantalons de batiste, tu sais, fendus sur le côté, comme on en portait à cette époque. Ses yeux virèrent au noir et se firent plus grands encore, ses lèvres s'ouvrirent fébrilement... Je vois cela comme si je l'avais devant mes yeux ; il y avait en elle une ardeur folle...
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Je me réveillais tôt et pendant qu'elle dormait encore, je me promenais dans les collines et les forêts épaisses jusqu'au moment du thé que nous prenions vers sept heures. Le soleil brûlant, radieux et pur était déjà haut. Une brume parfumée, qui brillait comme de l'azur, se glissait parmi les arbres puis se dissipait ; au-delà des sommets boisés étincelait la blancheur éternelle des montagnes enneigées... Au retour, je passais par le marché de notre village où la chaleur se mêlait à l'odeur du fumier séché qui s'échappait des cheminées ; on y commerçait ferme, on s'y bousculait au milieu des gens, des chevaux et des ânes : le matin, il y avait là des montagnards en grand nombre, venus de tribus différentes. Les jeunes Tcherkesses marchaient gracieusement dans leur longue robe noire et leurs sandales rouges. Elles avaient la tête prise dans des tissus noirs, comme pour le deuil, d'où s'échappaient parfois, furtivement, leur regard d'oiseau.
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Ainsi j'ai survécu à sa mort, après avoir dit hâtivement que cela me serait impossible. Mais au souvenir de tout ce que j'ai connu depuis, je me demande toujours : mais finalement qu'y a-t-il eu dans ma vie ? Et je me dis : rien d'autre que cette soirée froide d'automne. A-t-elle vraiment eu lieu ? Oui, tout de même. Et c'est la seule chose qui ait existé dans ma vie ; le reste n'est qu'un rêve inutile. Et je crois, je crois avec ferveur qu'il m'attend quelque part là-bas, avec le même amour, la même jeunesse que ce soir là. "Fais ta vie, sois heureuse sur la terre et viens me rejoindre...". J'ai vécu, j'ai eu du bonheur, et maintenant je ne serai plus longue à venir.

3 mai 1944
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Vive et soumise, elle enjamba tout le linge qui traînait par terre et resta nue, grise et mauve, avec ce corps si particulier aux femmes quand il est pris de frilosité nerveuse, qu'il se tend et devient frais sous l'effet de la chair de poule, et dans ses modestes bas gris, aux jarretelles toutes simples, et ses pauvres petites chaussures noires ; elle lui jeta un regard ivre et triomphant, les mains à ses cheveux pour en retirer les épingles. Glacé, il la suivait des yeux. Elle était mieux faite, plus jeune de corps qu'il n'avait pensé. La maigreur des côtes et des clavicules répondait à celle du visage et à la finesse des mollets. Mais les hanches étaient vraiment fortes. Dans le ventre légèrement creux, disparaissait un nombril minuscule, et plus bas, l'on retrouvait dans le relief soyeux d'un triangle noir la sombre richesse de ses cheveux. Quand elle eut retiré ses épingles, ils roulèrent en masse épaisse sur les vertèbres saillant dans le dos trop maigre. Elle perdait ses bas et, en se penchant pour les retenir, laissa voir deux petits seins transis aux pointes brunes et fripées qui pendaient comme deux petites poires chétives, adorables de pauvreté. Il la força à goûter à cette impudeur extrême qui allait si mal à son visage et qui éveillait en lui pitié et tendresse, et passion... On ne pouvait rien voir à travers les lames relevées du store, mais elle y jetait des coups d'oeil de terreur exultante, écoutant les voix tranquilles et les pas sur le pont juste sous la fenêtre, et cela augmentait avec encore plus de fureur les délices de sa débauche. Oh ! comme ils sont près ces gens qui parlent et qui marchent, et aucun d'eux n'a idée de ce qui se passe à deux pas dans cette cabine blanche.
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Non, je ne suis point moine, ma bure et ma calotte ne sont que les signes de l'humble pêcheur, serviteur de Dieu, errant de par les terres et les eaux, en route depuis maintenant plus de six dizaines d'années. J'ai mon origine dans une contrée lointaine, au nord. Là-bas la Russie est obscure, immémoriale, elle n'est que lacs, forêts et marécages, rares sont les habitations. Il y vit une multitude de bêtes sauvages, des oiseaux sans nombre, on y voit le grand duc aux larges aigrettes, te fixer de son oeil d'ambre, perché sur un sapin noir. Y vivent l'élan au long nez et le cerf magnifique qui se lamente et brame après sa compagne dans le bois qui résonne... Il neige tout au long des hivers sans fin, le loup y conduit sa migration et s'approche jusqu'en dessous des fenêtres. L'été, l'ours danse dans les forêts et se balance sur ses grosses pattes ; dans les fourrés impénétrables le sylvain siffle, il hèle le passant et joue sur sa flûte ; la nuit sur les lacs, les ondines font comme une brume blanche et elles s'allongent, nues, sur la berge pour tenter de l'acte de chair et de la fornication insatiable ; il est plus d'un malheureux qui ne s'adonne désormais qu'à cette seule fornication restant la nuit à leur côté, dormant le jour et se consumant dans les fièvres, sans plus de souci de la tâche quotidienne.. Il n'est rien sur la terre de plus puissant que la concupiscence, qu'il s'agisse de l'homme ou du reptile, du fauve ou de l'oiseau, mais elle est plus redoutable encore chez l'ours et le sylvain !
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- [...] Je veux bien que la jeunesse passe pour tout le monde, mais l'amour... c'est une autre affaire.
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Il la chercha à Guélendjik, à Gagry et à Sotchi. Le lendemain de son arrivée à Sotchi, il se baigna le matin dans la mer Noire, se rasa, mit du linge propre, revêtit une tunique d'un blanc immaculé, déjeuna à la terrasse de son hôtel, but une bouteille de champagne, sirota un café avec un doigt de chartreuse et pris le temps de fumer un cigare. Revenu dans sa chambre, il s'étendit sur le divan, pris ses deux révolvers et se tira une balle dans chaque tempe.
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Demain c'est Venise.
Il y aura...l'odeur de l'eau pourrissante du canal, la gondole laquée comme un cercueil, avec sa hache dentelée et menaçante à l'avant, ballotant sur l'eau ; le jeune gondolier, dressé très haut à l'arrière, sa taille fine, serrée dans une écharpe rouge, penché en avant dans un mouvement invariable, appuyé sur sa longue rame, le pied gauche académiquement ramené vers l'arrière...

Heinrich
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La pluie, fraîche et odorante se faisait plus serrée ,redoublait son crépitement derrière la porte ouverte sur la terrasse ; dans la maison assombrie,tout le monde était allé dormir après le déjeuner, et Dieu comme ils avaient eu peur quand ce coq noir, aux reflets verts métalliques, a l'immense couronne flamboyante, avait lui aussi fait irruption du jardin, faisant cliqueter ses ergots sur le plancher, juste à la seconde brûlante où ils avaient abondonné toute prudence. Quand il les avait vu bondir du divan, il s'était penché et s'en était retourné sous la pluie, à toute allure, comme par délicatesse, la queue baissée, étincelante....
(Roussia) p.73
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Nous avons probablement tous un souvenir amoureux particulièrement cher ou bien un péché d'amour particulièrement grave.
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