«
Otages » est vraiment un superbe roman, un coup de coeur !
Nina Bouraoui est une auteure que je n'avais pas encore lue. Il aurait été dommage que je passe à côté de cette romancière talentueuse.
L'auteure, d'une jolie plume très incisive, brosse un éblouissant portrait de femme.
Nina a su, avec finesse et poésie, traiter un sujet sensible celui de la violence quotidienne faite aux femmes, toutes les violences même les plus insidieuses.
Le roman est écrit avec dynamisme, avec fièvre, comme pour mieux éclairer la personnalité énergique de l'héroïne
Sylvie Meyer, une femme pressée, pressurée sans s'en rendre compte.
Sylvie Meyer, la cinquantaine, est une acharnée du travail et a délaissé sa vie de femme, sa vie sentimentale et maritale. Elle s'est faite avalée par sa vie professionnelle au rythme endiablé de la société actuelle. Travaillant dans une usine de caoutchouc, elle satisfait pleinement aux exigences de son patron. Un patron, toujours inquiet et déprimé, qui ne semble pas être à sa place et qui se repose trop souvent sur sa collaboratrice.
Sylvie Meyer, a deux enfants et avait un mari qui l'a quittée sans explication.
Une rupture dont elle semble avoir absorbé la douleur, comme anesthésiée d'un « même pas mal !».
Mais voilà, un soir son patron, qui a une grande confiance en elle, lui confie une terrible tâche. Elle devra constituer un dossier sur tous ses collègues en vue d'un plan de restructuration et en conséquence de licenciements.
Sylvie accepte cette mission…surement trop vite !
C'est alors que l'armure qu'elle avait endossée depuis tant d'années, cette carapace qui la protégeait de toutes les trop grandes sensibilités et questionnements, va commencer à se fissurer.
Petit à petit,
Sylvie Meyer va se remettre en question, des souvenirs enfouis vont refaire surface, des blessures lorsqu'elle était jeune fille, mal cicatrisées dans le coeur, vont se remettent à saigner. Son âme va devenir poreuse, des sentiments de solitude, d'injustice, de regrets vont ainsi s'infiltrer en elle. Et puis arrivera cette sensation terrible de se sentir « sale ». Cette pensée de devoir composer cette « charrette », de devoir trancher qui restera ou partira dans son entreprise, lui donnera le sentiment d'être abjecte.
Lentement tout deviendra lourd, tout deviendra oppressant.
Lentement
Sylvie Meyer sera emportée dans un tourbillon étourdissant d'émotions qu'elle contenait depuis trop longtemps. Lentement ses silences, son mutisme, son calme, son self contrôle et ses facultés à encaisser les coups, vont faire place à de l'angoisse, puis de la colère.
Tout basculera en un soir.
La femme s'armera d'un couteau, se rendra à l'usine pour se diriger vers le bureau de son patron, dont elle sait qu'il travaille tard.
Sylvie Meyer va alors se libérer, va briser le carcan où elle s'est sentie être prisonnière, comme prise en otage.
Le roman se termine par une lettre des plus vibrantes, émouvantes, déchirantes. Une lettre écrite par
Sylvie Meyer à son mari.
Cette fiction bouleversante écrite d'un grand réalisme et d'une belle sobriété, aurait pu raconter une histoire vécue.
Un drame dur et rugueux de ces temps modernes que vivent des centaines d'hommes et de femmes. Des personnes en souffrance, qui à un moment de leur vie perdent l'équilibre et viennent se fracasser la tête sur le macadam d'un burn out ou d'une dépression grave.