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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Ce livre comporte tout ce que j'aime et tout ce que je déteste chez ce grand monsieur...
Un propos novateur, des idées et des exemples fournis, un véritable travail de penseur...mais une écriture compliquée et parfois pénible et un fatalisme caractéristique de Bourdieu !
Il y démontre de façon magistrale le système de domination masculine passant par le symbolique, la linguistique mais aussi par le comportement des dominés justifiant eux-même ce système...
Tout cela pour terminer par une note plus que pessimiste quant à l'évolution de cet état de fait !
A lire, sans aucun doute, mais en n'en attendant aucune piste pour des solutions d'évolutions sociales !
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S'il y a bien un domaine que je connais mal, c'est la sociologie… Alors pourquoi lire Pierre Bourdieu ? Sincèrement, j'ai emprunté La Domination masculine par curiosité. En tant que féministe du dimanche, dans le sens où je ne suis pas une militante bien que je sois désormais particulièrement sensible à cette cause, il me semblait logique de commencer un peu à m'intéresser aux bouquins sur le sujet. J'ai lu le Deuxième Sexe mais rien d'autres depuis. Or, j'ai pensé que débuter par l'ouvrage de quelqu'un à la réputation aussi établie que Bourdieu, du moins à première vue, était sensé.

Tu l'auras compris, ami-lecteur, en choisissant Bourdieu, je m'appuyais sur la conviction que l'essai d'un professeur de sociologie du Collège de France ne pourrait qu'être un bouquin passionnant, à la rigueur scientifique incontestable. Mais qu'en est-il au terme de ma lecture ?

Bon, bon, bon… Première remarque : si je devais conseiller un ouvrage sur le patriarcat, jamais je ne mentionnerais La Domination masculine. C'est radical, je sais… Laisse-moi donc, ami-lecteur, t'expliquer pourquoi... Sans doute que Pierre Bourdieu était un éminent sociologue et que nombre de ses ouvrages ont une influence majeure dans les sciences sociales aujourd'hui. C'est pas moi qui le dit, hein, c'est la quatrième de couverture. Vue ma méconnaissance de la discipline, je ne vais pas prétendre que c'est faux. Ce que je peux néanmoins dire, c'est que j'ai lu un chercheur mais jamais un professeur. La Domination Masculine est ardu à lire, volontairement inaccessible… En effet, depuis ma lecture, j'ai appris que Bourdieu défendait l'utilisation d'un vocabulaire et d'une syntaxe complexes. Et pour les utiliser, il les utilise... Au fil des pages, j'ai tant lutté pour comprendre au mieux les propos de l'auteur que je n'en ai éprouvé aucun plaisir. Même celui de la stimulation intellectuelle. Peut-être ne suis-je pas assez cultivée, ou intelligente…

Heureusement certains passages m'ont frappée par leur justesse. Ainsi lorsqu'il aborde la question des bonnes intentions, page 89 :

"Et l'on comprend, dans cette logique, que la protection « chevaleresque » elle-même, outre qu'elle peut conduire à leur confinement ou servir à le justifier, peut contribuer à tenir les femmes à l'écart de tout contact avec tous les aspects du monde réel «pour lesquels elles ne sont pas faites » parce qu'ils ne sont pas faits pour elle."

En vérité, j'adhère à nombre des propos de l'auteur, du moins quand il montre à quel point cette domination masculine imprègne tant notre société que remettre en question ses mécanismes ne suffit pas à la mettre complètement à mal.

Pourtant, j'ai été aussi beaucoup déçue par la vision que nous livre La Domination masculine. Tout le long, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que le bouquin tombait parfois dans le système dont il tente d'expliquer les mécanismes : l'androcentrisme, c'est à dire, au cas où tu ne connaisses pas le terme, un mode de pensée, conscient ou non, consistant à envisager le monde uniquement ou en majeure partie du point de vue des êtres humains de sexe masculin. Pourquoi je me permets une telle accusation ? Prenons un exemple, sur le harcèlement sexuel, page 37 :

"De même, le harcèlement sexuel, n'a pas toujours pour fin la possession sexuelle qu'il semble poursuivre exclusivement : il arrive qu'il vise la possession tout court, affirmation pure de la domination à l'état pure."

Il avance cette caractéristique comme si c'était une découverte or, pour moi, c'est foncer dans une porte ouverte : le harcèlement, sexuel ou de rue, est TOUJOURS, à mon sens, une histoire de domination. Point. Il suffit d'en être victime pour le ressentir…

de même, s'il parle de la circoncision en tant que rite d'institution de la masculinité, il n'en fait pas de même pour la femme et ne mentionne pas l'excision... Dommage de n'évoquer les mutilations sexuelles que lorsqu'elles concernent l'homme...

Finalement si Pierre Bourdieu nous parle de la domination masculine c'est exclusivement du point de vu de l'homme. Il va même assez loin puisqu'il ne cesse de tenter de mettre en parallèle les effets du patriarcat sur les hommes et les femmes, au détriment, sans doute, des réalités sociales. Je suis assez d'accord avec son point de départ, page 74 :

"Si les femmes, soumises à un travail de socialisation qui tend à les diminuer, à les nier, font l'apprentissage des vertus négatives d'abnégation, de résignation et de silence, les hommes sont aussi prisonniers, et sournoisement victimes, de la représentation dominante."

Donc oui, les hommes subissent la société patriarcale et c'est, entres autres, pour cette raison, que la cause féministe nous concerne tous. Là où Bourdieu exagère, c'est dans sa façon d'insister sur le poids subi par les hommes avec des tournures plus que maladroites : "des formidables exigences", "immense vulnérabilité", "hommes prisonniers, et sournoisement victimes",… J'ai eu l'impression désagréable de me trouver devant un de ces commentaires sous un post féministe, tu sais, du genre "oui mais les hommes aussi ils sont harcelés, hein, vous parlez toujours des femmes." Et puis alors que monsieur Bourdieu défend la complexité parce que, selon lui, elle apporte de la précision, il tombe ici dans des termes non seulement emphatiques et pathétiques mais, et c'est le pire, dans la subjectivité. En cela, La Domination masculine est doublement une leçon : déjà parce que Bourdieu nous offre quand même des pistes de réflexions passionnantes sur la manière dont le patriarcat est ancré dans nos inconscients, ensuite parce qu'il offre lui-même un exemple de combien peut être réductrice la pensée quand elle n'adopte qu'une vision masculine d'un système.

Pour finir, je voudrais mettre les choses au point sur un reproche qui a souvent été fait à Bourdieu : le fait qu'il traite de la domination symbolique, de la violence symbolique et qu'il évoque très peu la violence physique. Je n'entrerai pas dans ce procès car l'auteur nous explique de manière plutôt convaincante pourquoi il a fait ce choix.

Pour conclure, je n'irai pas jusqu'à regretter cette lecture qui m'a permis d'amorcer une vraie réflexion sur la question. Toutefois, cette découverte laborieuse et décevante sur de nombreux points, m'a donné envie d'éviter à l'avenir de lire ce monsieur.
Lien : http://altervorace.canalblog..
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Une référence.
À travers cet ouvrage, Bourdieu nous explique comment les institutions telles que la famille, l'État ou l'éducation instaurent cette différence entre les hommes et les femmes. nos architectures, nos publicités... Tout est ici pour établir cette domination masculine qui devient alors une construction sociale... À lire !
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Bourdieu a ses adeptes, et ses détracteurs. Lesquels lui reprochent principalement d'être pessimiste, et d'utiliser un vocabulaire trop complexe.

Ce livre n'échappe pas à ces deux caractéristiques. La langue y est un peu trop technique, et peut rebuter. Mais on peut aussi passer sur ces termes - certes parfois abscons, - et on comprendra très bien le sens de son discours: l'ordre, tel que nous le connaissons, est un ordre masculin. Les femmes doivent se contenter d'emplois moins nobles, elles ont moins de pouvoir, et les espaces qui leur sont réservés sont privés, c'est essentiellement le foyer. Comme le dit Bourdieu, la force de l'ordre masculin se voit au fait qu'il n'a même pas besoin de justification.

Et c'est là que l'on ne peut être que pessimiste. En effet, on voit mal ce qui pourrait changer. le féminisme, nous dit implicitement Bourdieu, est condamné à échouer: soit qu'il nie la différence, soit, au contraire, qu'il la revendique, il a le "défaut" de prendre sur les dominées... le point de vue du dominant. La comparaison qu'il établit avec la négritude est éclairante: Senghor lui-même a pris pour acquis des traits de caractère attribués aux Noirs par les Blancs.

À travers une analyse historique, Bourdieu montre que ce point de vue - intériorisé par les femmes - est le résultat d'institutions puissantes, toujours dirigées par les hommes: la famille, l'Eglise, l'Etat, l'école. Ces forces se sont admirablement adaptées au contexte, par exemple, en mettant la femme au travail, puis en l'en excluant, toujours dans un rapport de subordination. Il faudrait donc analyser en profondeur ces mécanismes pour les déconstruire, puis faire évoluer les institutions.

En fait, le problème des ennemis de Bourdieu est qu'il vise juste. Ces derniers s'en prennent toutefois rarement à ses analyses. On les comprend: ces vérités sont dérangeantes, surtout lorsqu'il analyse le comportement des dominants, comme il le fait ici à propos des rapports entre hommes et femmes, ou précédemment dans la Distinction.
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Dans les grandes lignes, je n'ai pas vu de différence avec le deuxième sexe De Beauvoir, publié cinquante ans plus tôt, si ce n'est que Pierre a dû trouver un moyen différent de celui de Simone pour contrer l'aporie de parler avec objectivité depuis l'intérieur du système : elle avait le prétexte d'être du côté dissident, Pierre ne l'avait pas. Il a alors choisi de parler d'une autre communauté au prétexte de parler de la sienne, mais l'ambiguïté s'installe : à qui parle-t-il au juste : aux nationaux, ou bien aux membres de cette autre communauté qu'il prend pour source d'information ? Ce pourrait être la raison d'être de cet essai pour justifier qu'il ne soit pas redondant par rapport à ce qui avait déjà été écrit en 49, en mieux et en plus détaillé ; mais aussi son discours un tant soit peu obsolète : en 98, la société française n'était pas sévèrement scindée comme il l'écrit et ses exemples d'une standardisation masculine puisée dans des discours extrêmes comme d'un "état" féminin dont l'ordinaire serait la soumission à un "ordre" masculin vaguement identifié paraissent bien théoriques, sinon fantasmés. Peut-être aussi serait-ce l'intérêt d'ouvrage excessifs de ce genre, qui en copient de plus anciens, que de rendre repoussant ce qu'ils évoquent pour mieux engager à s'orienter vers un mode d'organisation social résolument moins clivé ? Car à lire ce texte, on ne veut assurément être ni homme ni femme... Une annonce de ce que l'expérience sociale nous donne à vivre aujourd'hui, de manière peut-être plus affirmée qu'en 98, d'une société plus apaisée sur ces questions de genres ? Un ouvrage perlocutoire en quelque sorte, plutôt que descriptif, comme ultime justification de sa genèse ?..
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Il est évident que l'auteur est reconnu dans sa discipline. le propos est précis et l'auteur critique sa propre situation : comment un homme peut-il parler de la domination masculine ?
Toutefois, il est étonnant de noter au fil de la lecture des généralités être tirées d'exemples réduits à une donnée historique précise, traduite par l'étude d'un seul auteur.
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Processus et mécanismes sociologiques de la domination masculine. Intéressant et clair même si il ne donne pas assez, à mon sens, de moyens pour en sortir.
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J'ai beaucoup d'estime pour cet auteur et ce sociologue néanmoins son écriture est difficile et malheureusement pas vraiment accessible à tous.
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