Cette étroite bordure de trottoir, c'est la ligne qui sépare le sain d'esprit du fou. La plupart d'entre nous marchent bien au milieu, évitant d'arpenter cet espace frontière où se déroulent tant de choses intéressantes, mais où l'on risque d'être terrassé par le vertige. Virginia Woolf prend le risque. Le funambulisme devient un art. Jusqu'au jour où tout bascule. Parce que, pour marcher droit, pour garder l'équilibre quand on avance sur un fil, il faut fixer les yeux sur l'horizon, regarder loin devant.
Elle détestait qu'on la complimente pour ses écrits satiriques, sa veine caustique. Pour des choses qui lui paraissaient trop faciles.
Lire Virginia Woolf prend du temps. Son œuvre est longue, variée, touffue, et sa manière d'écrire si peu conventionnelle que l'on doit faire attention, être vigilant, avancer à petits pas pour ne rien perdre pour ne pas s'y perdre.
Lorsque Virginia Woolf n'écrit pas, elle se ronge, lorsqu'elle écrit elle s'épuise.
Cette conscience suraiguë de l'injustice faite aux femmes constitue le paysage mental de toute l'œuvre, de la Promenade au phare, à Orlando en passant par Les années, mis en abyme de destins féminins multiples de l'enfance à la mort, sans oublier Mrs Dalloway et sa détresse.
Les lettres sont une fenêtre ouverte, la lumière et la chaleur qui permettent de se remettre au travail
C'est l'un des nombreux paradoxes de Virginia Woolf : faire table rase, oui, mais en gardant la table, dont les quatre pieds seraient Homère, Shakespeare, Eschyle et Dante.
Les métaphores sont un des moyens qu'utilise Virginia Woolf pour révolutionner le roman. Elle en a soupé des histoires qui feraient presque croire que la vie a un sens, que l'existence s'organise selon un schéma simple et ordonné.
Quelle bénédiction ce serait de ne jamais se marier, de ne jamais vieillir et de passer sa vie dans une indifférente innocence parmi les arbres et les rivières qui seules conservent à l'être sa fraîcheur et sa nature d'enfant au milieu d'un monde troublé!
C'est la versatilité du temps qui affole, qui exige de l'écrivain scrupuleux, décidé à en rendre compte, une agilité extrême, une souplesse et une précision, qui rappellent, là encore, celles d'un danseur.