Portant les gants de cuir de ma mère, je me sens comme un bandit bas de gamme. Rebutée par les volants frettes, Jocelyne s’en sert pour conduire l’hiver. L’important reste de ne pas laisser de traces ou d’empreintes. Des mitaines de four auraient fait l’affaire, quoique peu pratiques pour les tâches minutieuses. Comme celle que je m’apprête à accomplir.
J’ouvre la pochette sur le côté du sac et prends ma carte étudiante agrémentée d’une photo sur laquelle j’arbore une expression de prisonnier. Je tente de forcer la clenche en tenant ma carte fermement entre le pouce et l’index, mais elle n’est ni assez solide ni assez longue.
Je m’en doutais, mais je me devais d’essayer. Après tout, je suis ici pour ça. Un carton plastifié risquerait moins de causer des dommages qu’un outil. Mais bon, je ne peux rien y faire, ce truc ne fonctionne que dans les films. Je sais par contre ce qui peut marcher. Ce qui va marcher !
Je sors un tournevis plat de la poche qui a passé la journée tapie au fond de mon casier, dissimulée sous mes vêtements de sport dans un sac de plastique Jean Coutu géant utilisé pour emballer les paquets jumbos de papier de toilette. Si, dans cette pharmacie, on trouve de tout, même un ami, à la poly, on trouve de tout, même des ennemis.
Accroupi, je plante le tournevis le plus loin que je peux, puis le ramène en forçant la clenche. Le mécanisme cède sans broncher. Cette serrure minable n’a pas été conçue pour résister aux assauts de voleurs. Qui cambriolerait une pauvre cafétéria de polyvalente dont l’article le plus cher au menu est une pizza végétarienne sur pain pita ?
Moi.
Daniel Brouillette: Quoi de neuf, Dan?