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Citations sur L'Euphorie perpétuelle : Essai sur le devoir de bonheur (32)

...il ne suffit pas d'être riche, encore faut-il avoir l'air en forme, nouvelle espèce de discrimination et de faire-valoir qui n'est pas moins sévère que celle de l' argent.C'est toute une éthique du paraître bien dans sa peau qui nous dirige et que soutiennent dans leur ébriété souriante la publicité et les marchandises.(p68-69)
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Nous sommes la première société dans l’histoire à rendre les gens malheureux de ne pas être heureux.
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L'abstraction même du bonheur explique sa séduction et l'angoisse qu'il génère. Non seulement nous nous méfions des paradis préfabriqués mais nous ne sommes jamais sûrs d'être vraiment heureux. Se le demander, c'est déjà ne plus l'être.
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Qu’est-ce qu’une habitude ? Une certaine technique d’économie de l’énergie. Elle naît du principe de conservation : ne pas avoir à tout refaire chaque matin, créer des réflexes pour absorber l’incident, le particulier. […] Le grand art ne consiste pas seulement à briser la routine mais à jongler avec plusieurs pour ne dépendre d’aucune. Et il ne faut pas trop de toutes nos vieilles habitudes pour en inventer une nouvelle. Cela s’appelle une renaissance. […] Obsédée d’originalité, l’Occident cultive une vision trop négative du répétitif. Il est des cultures où le retour d’un même thème, comme dans la musique arabe ou indienne, l’immobilité d’une note indéfiniment tenue finit par creuser d’imperceptibles différences. Ces mélodies d’apparence follement monotones sont travaillées d’infimes variations. […] En définitive ce n’est pas la régularité qui tue la vie mais notre incapacité à la magnifier dans un art de vivre qui spiritualiser ce qui est de l’ordre du biologique et hausse le plus petit moment au niveau d’une cérémonie.
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La vraie vie n'est pas absente, elle est intermittente
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Il y a plus de noblesse d'âme à se réjouir de la gaieté d'autrui qu'à s'affliger de son malheur.
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« Avouons l’existence du mal sans ajouter encore aux laideurs de la vie l’absurde complaisance de les nier. » Voltaire
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Le quotidien compose aussi un néant agité : il nous épuise par ses contrariétés, nous dégoûte par sa monotonie. Il ne m'arrive rien mais ce rien est encore trop : je m'éparpille en mille tâches inutiles, formalités stériles, vains bavardages qui ne font pas une vie mais suffisent à m'exténuer. C'est cela qu'on baptise le stress, cette corrosion continue à l'intérieur de la léthargie qui nous grignote jour après jour. Comme si l'insignifiance elle-même réclamait son tribut. Sous le calme trompeur de nos vies décolorées se joue une guerre sournoise où l'anxiété, les soucis nous plongent dans un état de tension sans intention. Risible malheur qui ronge n'importe lequel d'entre nous et ne constitue pas une tragédie. «La vie s'en va par le cerveau et les nerfs (...) La nervosité moderne est le cri de l'organisme qui lutte avec le milieu» (Rosolino Coella). Les mille désagréments supportés ne forment même pas un événement mais suffisent à nous plonger dans cet état moderne par excellence, la fatigue. Une fatigue abstraite qui n'est pas la conséquence d'efforts particuliers car elle jaillit du simple fait de vivre, fatigue qu'on aurait tort de chasser avec du repos puisqu'elle est elle-même fille de la routine. Le quotidien ou la réquisition permanente : l'intimation à toujours répondre présent, au bureau, en voiture, en famille et même dans nos rêves. Et quel meilleur exemple de cette urgence que le portable : dès la première sonnerie il convie chacun à se ruer sur son sac, ses poches pour attraper le petit animal clignotant et bourdonnant. C'est d'ailleurs tout le développement technologique qui met en demeure ceux qui n'y adhèrent pas d'être écartés du groupe. Il faut souscrire ou périr, surtout chez les adolescents.
Autant de rappels, d'enrôlements qui nous dé¬tournent de nous-mêmes, nous mobilisent en permanence. Bardé de son bip, de son portable, de son baladeur, de ses oreillettes et bientôt de micro¬puces dans le cerveau, d'écrans dans les yeux, le nouvel homme prothétique, dégainant à chaque instant, relié à l'ensemble du monde, a tout d'un soldat qui mène une guerre sans fin. Epuisement et surmenage, nos vices modernes, disait Nietzsche. En lutte continue avec des fantômes, nous sommes victimes de dommages incalculables, grands blessés de la grisaille. Et le contraste est saisissant entre la morosité de notre vie et l'allure trépidante des images et des médias : le train rapide du monde accentue le train-train de mon existence. Tout bruit d'exploits et de drames et ma vie est si plate. C'est un étrange paradoxe qui veut que la banalité vienne à nous sous les traits du désordre et que l'asthénie s'impose sous le masque de la vitesse et du tour¬billon.
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Notre perception funeste ou gaie de l'état des choses est souvent conditionnée par cet environnement étroit qui nous influence autant que nous l'influençons. Il y a donc un bonheur suscité par les autres mais dont le cercle se limite à quelques intimes et ne rayonne jamais jusqu'aux confins de la terre. L'idéal serait bien sûr de concilier agrément personnel et collectif et de s'accomplir dans un monde d'où toute oppression et misère auraient été bannies. Qu'à l'horizon de chaque moment de joie, il y ait une envie de rendre l'humanité meilleure, de partager cette allégresse avec tous est exact. Mais s'il fallait que les injustices s'estompent pour accéder au « nirvana », nous ne pourrions même pas esquisser un sourire sur nos lèvres. L'horreur, l'abomination nous environnent mais nous vivons, prospérons et nous avons raison car cette insensibilité est indispensable à l'équilibre. Sous quelque angle qu'on le prenne, il n'est de bonheur que dans l'insouciance, l'inconscience et l'innocence, ces rares instants soustraits à l'inquiétude, aux alarmes. Nous ne sommes heureux qu'en dépit : en dépit d'un ami qui souffre, d'une guerre qui tue, d'un univers malade et il n'y a nulle honte à en avoir car il y aura toujours des calamités, des massacres qui renverront l'état social parfait aux calendes.
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Chacun de nous, responsable de son tonus, de sa bonne humeur, n'a plus à renoncer mais à s'adapter selon les voies d'un perfectionne¬ment qui rejette toute inertie. L'ordre a cessé de nous condamner ou de nous priver, il nous indique les chemins de la réalisation avec une sollicitude toute maternelle.
On aurait tort de prendre cette générosité pour un affranchissement. Il s'agit là d'un type de coercition charitable qui engendre le malaise dont elle s'efforce ensuite de délivrer les êtres. Les statistiques qu'elle dif¬fuse, les modèles qu'elle affiche suscitent une nouvelle race de fautifs, non plus les sybarites ou les libertins mais les tristes, les rabat-joie, les dépressifs. Le bonheur n'est plus une chance qui nous arrive, un moment faste gagné tsur la monotonie des jours, il est notre condition, notre destin. Quand le souhaitable devient possible, il est aussitôt intégré à la catégorie du néces¬saire. Incroyable rapidité avec laquelle l'édénique d'hier devient l'ordinaire d'aujourd'hui. C'est une morale de battants qui investit la vie quotidienne et laisse derrière elle de nombreux battus et de nom¬breux abattus. Car il existe une redéfinition du statut social qui n'est plus seulement du côté de la fortune ou du pouvoir mais aussi de l'apparence : il ne suffit pas d'être riche, encore faut-il avoir l'air en forme, nouvelle espèce de discrimination et de faire-valoir qui n'est pas moins sévère que celle de l'argent. C'est toute une éthique du paraître bien dans sa peau qui nous dirige et que soutiennent dans leur ébriété souriante la publi¬cité et les marchandises.
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