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Citations sur L'Euphorie perpétuelle : Essai sur le devoir de bonheur (32)

Les sociétés démocratiques se caractérisent par une allergie croissante à la souffrance. Que celle-ci perdure ou se multiplie nous scandalise d'autant que nous n'avons plus le recours de Dieu pour nous consoler.
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Dès lors que le but de la vie n’est plus le devoir mais le bien-être, le moindre désagrément nous heurte comme un affront. »

« Désormais privée de ses alibis religieux, la souffrance ne signifie plus rien, elle nous encombre comme un affreux paquet de laideurs dont on ne sait que faire. »

« Or ce n’est pas la souffrance qui s’est évanouie mais son expression publique qui est interdite (hormis, répétons-le, dans la littérature).
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Le freudisme, en effet, en inventant l’inconscient, a donné un nouvel élan à l’art de l’introspection. Voilà chaque existence dotée, grâce à cette chambre d’écho inépuisable, d’une profondeur inattendue. Inflation inédite du commentaire : de même que les rêves sont cette profusion d’intrigues que nous offre le cerveau rien qu’en dormant, nos conduites les plus bénignes ont un sens, lapsus et actes manqués transforment les carrières les plus plates en cavalcades tumultueuses. Chacun peut gloser sur soi, plonger dans ses sous-sols, en ramener une provision de fables, d’énigmes qui instaurent une sorte d’embellissement de l’ordinaire. Il n’y a plus d’individus insignifiants, il n’y a que de grands personnages qui ne se connaissaient pas encore et déploient l’opulence psychique d’un Michel-Ange, d’un Borgia ou d’un Shakespeare.
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Quelle tristesse par exemple de penser qu'on va mourir d'une affection, d'un virus qui seront curables dans quelques années, que l'on part trop tôt (et l'on connaît à l'inverse le cas de ces sidéens qui, grâce à la trithérapie, ont dû faire le deuil de leur deuil et se reprojeter dans la vie). La douleur est un fait, nous n'avons pas besoin d'en faire une foi et l'on ne conclut avec la fatalité que des armistices provisoires. Nous avons vu tant de malheurs disparaître que nous ne pouvons nous résigner à souffrir ceux que nous endurons. Si «les pouvoirs de l'homme s'arrêtent devant les portes de la mort» (Aristote) il est au moins en son pouvoir de les garder closes le plus longtemps possible (et l'on sait qu'en ce domaine la recherche avance à pas de géant). Il y a dans le monde une grande impatience devant l'infortune car les progrès réalisés rendent odieuse l'immensité de ce qui reste à faire. La « bestialité » de la détresse (Pavese) interdit d'établir avec elle de justes rapports sinon chaotiques et heurtés. Toute sérénité en cette matière ne serait rien d'autre que l'argument de la fatigue.
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Méfions-nous des charognards du malheur que notre prospérité hérisse mais qui, au premier coup dur, accourent à notre chevet et se régalent de nos infortunes. Méfions-nous de tous ceux qui font profession d'adorer les pauvres, les perdants, les exclus. Il y a dans leur sollicitude comme un mépris déguisé, une manière de réduire les misérables à leur détresse, de ne jamais les considérer comme des égaux. C'est alors que sous le masque de la charité triomphe le ressentiment : amour du mal¬heur, haine des hommes. On ne leur pardonne d'exister que s'ils endurent.
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Comment chaque peuple, minorité, individu se bat pour occuper la place de la victime maximale au moment où les opprimés traditionnels sont désignés comme des nantis, confusion qui entraîne une concurrence victimaire entre tous ceux, Kurdes, Juifs, Bosniaques, Tutsis, Noirs, Amérindiens, femmes, homosexuels, qui se disputent la palme du martyre suprême. Comment s'est développé dans nos pays un marché de la souffrance lié à l'extension du droit, une véritable démagogie de la détresse où chacun rivalise avec autrui et affiche ses palmarès dans l'étalage de ses chagrins.
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C'est parce que toute vie est une cause perdue qu'elle peut être à la fois bonne et noble dans un alliage indissoluble de gloire et de déchéance. N'étant pas nécessaire, elle n'a nul besoin de réussir ou d'échouer, elle peut se contenter d'être agréable. Dans certaines faillites mondaines réside une grandeur, une bonté inavouée alors que d'admirables carrières charrient avec elles sécheresse et désolation.
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pour démolir l'imbécile heureux, il faut devenir soi-même un imbécile mais malheureux.
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Une autre vie existe, plus belle, plus ardente ! Quel enfant ou adolescent, se morfondant au sein d'une famille monotone, n'a entendu cet appel avec un fris¬son de plaisir? Nul n'est condamné à ses conditions de naissance, à son milieu social, parental, conjugal. Le simple fait de pressentir une destinée plus favorable permet souvent de renverser les murs qui nous emprisonnent. C'est le charme des départs, des ruptures que de nous basculer dans l'inconnu et de creuser au sein de la trame du temps une déchirure bénéfique. Aux principes de plaisir et de réalité, il faudrait en rajouter un troisième : le principe d'extériorité, en tant qu'il est le royaume de la diversité, de l'inépuisable saveur des choses. La vie procède aussi par révélations, quand nous est offerte soudain l'intuition d'autres mondes boule¬versants tel Pécuchet galvanisé par les ébats d'une paysanne splendidement indécente qu'il observe derrière une haie. Il faut laisser une porte ouverte sur le « pays du dehors » (Lewis Carroll), sur le mystère, l'inexploré et cette porte la franchir au moins une fois, répondre à l'appel des ailleurs, le désert pour les uns, l'Orient ou l'Afrique pour d'autres, pour d'autres encore la découverte d'une sexualité nouvelle, d'une vocation étouffée. Alors tout est suspendu à l'imminence d'une fuite, d'un saut qui nous délivrera des puissances asphyxiantes de la routine, de la petitesse. Moment lumineux de l'échappée belle qui nous porte vers de plus beaux rivages.
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Si glissements de terrain, inondations, avalanches donnent lieu à poursuites judiciaires, c'est que pour nous il n'y a plus de catastrophes naturelles, il n'y a que des négligences humaines. A chaque drame, il faut trouver un responsable. On est passés d'une attitude fataliste à un comportement pénaliste, on s'afflige moins qu'on inculpe surtout à une époque où les boucs émissaires sont assurés. Puisque l'homme a pré¬tendu façonner et maîtriser la nature, il est normal qu'il devienne comptable de ses dérèglements. Mais la formidable puissance qui lui revient en retour le sur¬prend et le terrasse. On peut porter plainte contre Météo-France pour des prévisions erronées et l'on intentera peut-être bientôt procès à notre Mère la Terre pour son mauvais caractère, ses frissons calamiteux, ses exhalaisons malignes. Mais quand survient dans notre Europe préservée un véritable cataclysme, la première réaction est de sidération, de désempare-ment, tant nous manquons d'une discipline des situations extrêmes (au contraire des Etats-Unis), tant nous avons évacué la notion de risque et de dureté climatique. Double volonté donc d'épouser le monde ou de nous affranchir de lui : la dépendance nous accable, nous humilie mais l'indépendance totale ne nous affecte pas moins car elle nous isole. Besoin de communion d'un côté, d'affirmation de soi de l'autre entre lesquels la conscience moderne, à mi-chemin de son rêve de maîtrise et de son rêve d'harmonie, ne peut choisir.
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