Citations sur Vanda (70)
C’est une ville tragique ou survivent les sans dents, les mal-nutris , les laids, les petits. On peut mourir au soleil comme partout, on peut souffrir sous le bleu, mais les gens auront toujours du mal à y croire
Qu'est-ce que ça peut bien foutre de manger bio ou couper le robinet en se brossant les dents, puisque c'est déjà mort. Puisque les cadavres d'animaux viennent faisander jusque sous les bikinis. Bientôt, les gosses mettront dans le même sac licornes et tigres blancs, sphinx et aurochs. Même eux ils vont crever. Elle en a une conscience aigüe, comme un animal avant la mise à mort, et ça la rend folle d'imaginer que lorsque ça arrive, Noé sera peut-être encore là.
Et puis ça remonte, l'écoeurement, elle a quitté la banlieue pour aller vivre à Paris, c'est pas pour revenir dans un endroit du même genre où elle a l'impression que les gens se sont habillés dans les poubelles ou avec ce qui leur est tombé sous la main, ou du camion. Ils sont laids, elle nierait bien sûr mais au fond c'est exactement ce qu'elle pense ; elle n'avait jamais réalisé à quel point elle aime ça, être entourée de gens qui, à défaut d'être naturellement beaux, font ce qu'il faut pour être élégants, assortis, qui font gaffe au regard des autres. ca lui fait honte, elle est de gauche.
Vanda voit surtout que ce sont deux choses contradictoires, un peu comme baisser le nombre d’enseignants pour promouvoir l’éducation ou faire sauter des allocs pour lutter contre la pauvreté. Elle n’est pas cortiquée pour ce type d’illogisme. Au rythme où se multiplient les non-sens, les hôpitaux psychiatriques vont se remplir de plus en plus, c’est tellement évident qu’il n’y a pas besoin d’avoir fait Science Po pour s’en rendre compte. Ça pourrait bien la rendre folle, et d’autres avec elle. Les pulsations, aux tempes, lui serrent la tête. Dire qu’elle a envie de renverser lu bureau devant elle est un euphémisme.
Quand il ressort, le ciel est rose et et nuageux comme une pâtisserie.
Simon n'est pas revenu depuis sept ans et ces quelques jours ressemblent à un mémorial de lui-même. Il n'est pas là pour rien, bien sûr qu'il ne serait pas revenu sans la mort de sa mère.
Les bars sont les mêmes, et chaque lieu lui donne l'impression de s'y voir " il y a sept ans ". çà donne de l'épaisseur et un statut d'homme mûr, il y a sept ans. C'est plein et symbolique, ça fait mec qui a vécu.
ce bar, c'est une fausse famille à force, des gens avec qui rire sans en avoir vraiment envie. des ivrognes qui deviennent plus familiers que les cousins avec qui on faisait les marioles ou ses propres gosses.
Mais il se refuse à juger sa mère, sa tante, ses cousins. Il l'a beaucoup fait avant de s'en aller, persuadé de mériter plus, conscient tout de même que les encouragements de sa mère, ses espoirs, son engouement l'ont façonné ainsi-à désirer mieux, à porter le regard vers une autre existence qui ferait briller les yeux de ceux qui restent. Il aimerait s'être fait tout seul, il doit tant à sa mère.
Vanda a admis très tôt qu'elle était seule, comme on est seul au jour de sa mort. Elle a consommé la douleur jusqu'à en faire une identité, une armure. Les autres comptent un peu, mais ils s'en vont, disparaissent.
Vanda garde ses bras autour du gamin, bien serrés. Elle sent monter l'angoisse, une vague noire qui va fondre sur eux. Elle le sait, la venue de l'autre et son insistance à la revoir sont autant de signes. Ça vient pareil à un grain, la couleur du ciel qui change avant la tempête. Le corps de son fils la rassure, une réalité palpable, ce qu'elle a de meilleur. Eux deux, tout seuls.