AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Luniver


Il y a des livres, parfois, qui n'ont aucune éducation : vous les achetez un samedi matin, pensant passer un après-midi tranquille à bouquiner, et au lieu de vous détendre comme tout livre respectable l'aurait fait, ils vous secouent comme un prunier, vous donnent quelques paires de giffles, et vous laissent un peu groggy, à vous demander ce qu'il vient de vous arriver.

Tel est "courir avec des ciseaux", autobiographie d'Augusten Burroughs : sa vie commence déjà sous les meilleurs auspices, avec un père alcoolique, et une mère folle à lier. Après quelques scènes d'insultes et de menaces de mort, les deux parents décident de divorcer. Pour tenter de se construire, la mère d'Augusten consulte un psychiatre, le docteur Finch, et, tout à sa reconstruction émotionnelle, abandonne complètement son fils. Finch devient le tuteur légal d'Augusten, qui s'installe chez lui.

Malheureusement, Finch est beaucoup plus déjanté que les patients qu'il est sensé soigner, et fait des choix douteux. Comme essayer de former des couples avec ses patients. Comme fournir un cokctail d'alcool et de valium à Augusten pour faire croire à une tentative de suicide et lui éviter quelques mois d'école. Comme "offrir" sa fille de treize ans à un de ses patients de quarante ans sous prétexte qu'elle est assez mature pour décider elle-même de sa vie. Ou encore laisser Augusten s'initier à la sexualité à douze ans avec Bookman, jeune homme d'une trentaine d'années, ancien patient et fils adoptif du docteur, avec une relation qui se situe à mi-chemin entre l'abus de mineur et le syndrôme de Stockholm.

Le plus surprenant, c'est que le ton du livre est léger : l'auteur arrive à nous présenter sa vie comme une série de petites anecdotes amusantes à raconter, en un curieux réflexe d'auto-défense :
«[...]écrire mon journal fut un des moyens d'y parvenir. Cela m'a permis d'élever une sorte de mur entre moi et la famille du docteur. Un mur physique, concret, le carnet lui-même, le stylo. Et puis un mur émotionnel, puisque j'étais toujours fourré dans ce journal, en train d'écrire. Ainsi j'ai pu me protéger.»
«Il y a de l'humour même dans la plus terrible des situations. En se focalisant sur cet humour, il est possible de réduire la gravité de la situation. J'ai été émotionnellement arraché à ma vie quand j'étais petit. Sans nécessité. Et ce détachement est rendu dans le livre. L'humour était le seul moyen de survivre au contexte.»

Difficile d'exprimer exactement ce qu'on ressent pendant la lecture : parfois vraiment amusé tellement l'auteur est détaché, parfois horrifié parce que quand même, il y a des viols et des maltraitances émotionnelles terribles, et avec une impression de voyeurisme à se demander s'il va encore lui arriver quelque chose de pire. Dans tous les cas, "courir avec des ciseaux" est un livre qui marque.
Commenter  J’apprécie          280



Ont apprécié cette critique (21)voir plus




{* *}