-
Dino Buzzati, vous connaissez ?
- ...
- Mais si,
Dino Buzzati, "
Le Désert des Tartares"
- Ah oui,
Dino Buzzati, celui qui a écrit "
Le Désert des Tartares" ?
- Lui-même. Je vois que vous le reconnaissez spontanément.
- Pensez donc, je ne connais que lui !
Tu parles. Bon,
le Désert des Tartares, c'est assez connu, et il y a le film de Zurlini de 1976, avec le regretté Jacques Perrin. Mais Buzzatti, qu'est-ce qu'il peut nous en dire de plus, ce type qui connaît tout de lui?
A sa décharge, beaucoup de gens sont comme ce quidam. Et c'est bien dommage. Car Buzzati (1906-1972) c'est un drôle de bonhomme. Pas tellement dans "
Le Désert des Tartares" (1940) qui est une allégorie - très belle, au demeurant - sur l'absurdité de la vie et sur l'emprise du temps sur nos existences. Mais surtout dans ses
nouvelles où il développe un univers à la fois réaliste et onirique, où le merveilleux s'insinue dans le quotidien, où il se délecte à jouer avec le lecteur. Oui, le fantastique italien existe, je l'ai rencontré. En la personne et l'oeuvre de
Dino Buzzati, entre autres (
Italo Calvino n'est pas mal non plus...).
"
Le K" (1966) est son plus célèbre recueil de
nouvelles, avec "
L'Ecroulement de la Baliverna" (1958). On y trouve une cinquantaine de
nouvelles de longueur variable, dont plus de la moitié relève du fantastique. Mais du fantastique à la Buzzati, à la fois ponctuel et intemporel. Dans "
Le K", par exemple (la nouvelle qui donne son titre au recueil), un homme passe sa vie à fuir un monstre qui, loin de lui faire du mal, allait lui apporter la fortune. Dans "
Pauvre petit garçon"... celle-là, si vous voulez savoir de quoi elle parle, rendez-vous en citation, car il est écrit "Tu ne divulgacheras pas". Dans "Le veston ensorcelé", un jeune homme achète un veston ensorcelé dont la poche droite fournit à la demande des billets de banque. Bonne affaire ? C'est à voir... Des histoires comme ça, il y en a cinquante, drôles ou tristes, noires ou roses, souvent teintées de fantastique, toujours attrayantes.
Buzzati, comme
Calvino, est un enchanteur.
Et avec des enchanteurs comme ces deux-là, nous n'avons pas de mal à être... sous le charme, n'est-ce-pas ?