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sur 98 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
N°1584 - Septembre 2021

l'âge du douteAndrea Camilleri – Fleuve Noir
Traduit de l'italien par Serge Quadruppani

Un yacht de luxe vient d'aborder dans le port de Vigatà avec, à son bord, le cadavre d'un homme défiguré et nu, trouvé en mer sur un canot de sauvetage. Cela promet des ennuis en respectives pour la propriétaire, la Giovannini, une femme autoritaire, carrément nymphomane qui est aussi passagère, le commandant Sperli et son équipage. Ils vont devoir attendre la fin de l'enquête. Les choses se compliquent un peu avec l'arrivée d'un bateau de croisières dont la présence au port paraît assez étrange, la révélation d'informations qui ne le sont pas moins et d'un mort supplémentaire.
Le commissaire Salvo Montalbano est de plus en plus tracassé par son âge (58 ans) et par la retraite qui s'annonce. Il peut d'ailleurs compter sur le médecin-légiste pour le lui rappeler, lequel ne s'en prive d'ailleurs pas. Il a conscience qu'une page s'est tournée dans sa vie sentimentale et que le temps a sur lui fait son oeuvre destructrice. Ses amours avec Livia, son éternelle fiancée génoise, sont lointaines et épisodiques et c'est sans doute pour tout cela qu'il a des doutes sur sa capacité de séduction. Elle va d'ailleurs être mise à l'épreuve par la rencontre, dans le cadre de cette enquête, avec Laura Belladona, la séduisante lieutenante de la capitainerie du port. Leurs relations éphémères oscillent entre la volonté de se laisser porter par les événements et d'en retirer le meilleur et celle de bousculer le destin, une sorte de valse entre hésitation et attirance avec la crainte de remettre en cause tous ses propres projets et ce qu'on croit acquit définitivement. Dans ce genre de situation les espoirs les plus fous germent dans les têtes et l'imagination n'a plus de limite. C'est que cette jeune femme bouleverse à ce point notre commissaire qu'elle le met, sans le vouloir vraiment, face à lui-même, avec son âge, ses désillusions, ses folles pensées, ses accès secrets de culpabilité, et malgré tout, son charme naturel continue à agir au point qu'elle même en est ébranlée. C'est une très belle femme, comme son nom l'indique, mais les phases de cette enquête vont la faire douter d'elle-même, de son avenir, sans qu'on sache très bien si elle choisit son destin ou si elle s'abandonne aux circonstances, entre prémonition et renoncement. La fatalité, le hasard ou une quelconque divinité régleront la tranche de vie de ces deux êtres qui peut-être envisageaient des moments intimes passionnés ou un futur commun différent, malgré tout ce qui pouvait raisonnablement les opposer, mais nous savons tous fort bien qu'en amour la raison est souvent mise de côté. Ce genre de doute arrive à tout âge et le nom que porte cette jeune femme est aussi celui d'un poison. C'est donc un roman policier bien construit, sans doute un des meilleurs que j'aie lu sous la plume de Camilleri, plein de rebondissements et de suspense qui tiennent en haleine son lecteur jusqu'à la fin, mais c'est aussi une réflexion sur la vieillesse, sur le pouvoir de séduction qui disparaît avec les années mais qui peut resurgir sans crier gare, une illustration des paroles d'Aragon : « Rien n'est jamais acquit à l'homme, ni sa force, ni sa faiblesse, ni son coeur et quand il croit ouvrir les bras son ombre est celle d'une croix, sa vie est un étrange et douloureux divorce, il n'y a pas d'amour heureux ». J'ai éprouvé ici, ce qui arrive rarement dans un roman policier, même sous la plume de Camilleri, ce supplément d'émotion qui fait que l'intrigue policière, pourtant intense et passionnante, passerait presque au second plan.
Mais restons pour cette enquête, dans le contexte de la séduction, puisque Montalbano charge son adjoint Mimi Augello, de séduire la propriétaire du bateau, mais dans le seul but de faire avancer l'enquête et de favoriser la manifestation de la vérité, évidemment ! Son côté « donnaiolo »(comme disent si joliment nos amis italiens) est bien connu du commissaire mais il y a fort à parier que cette fois il fera du zèle « professionnel »ce qui, accessoirement, suscitera chez son supérieur vieillissant une sorte d'envie.
Entre ses rêves parfois morbides, ses obsessions, ses jalousies, ses fantasmes, Salvo se débat comme il peut avec cette enquête qui finalement le dépasse, et les obsessions administratives du Questeur, entre improbables mensonges et investigations perturbées par ses tourments amoureux. C'est pour lui l'occasion de réfléchir sur l'amour, le désir sexuel d'une femme, de regretter les ravages de l'âge et le mirage des impasses ...En tout cas ça lui occasionne des états d'âme dévastateurs au point de se laisser aller à écouter la voix de sa conscience et de discuter avec elle. Ce soliloque serait plutôt le signe d'un vieillissement prématuré. Reste que cette enquête perturbe tellement notre commissaire qu'il y associe l'ombre de la mafia.
L‘âge qui paraît tant tracasser Montalbano n'entame en tout cas pas son appétence pour les pâtes ‘ncasciata, pour la caponata ou le rouget frit, et quand il ne profite pas de la carte alléchante de son ami le restaurateur Enzo, il se goinfre des réalisations culinaires d'Adelina sa femme de ménage, ce qui ne doit arranger ni son poids ni son taux de cholestérol !
Camilleri est, à tort ou à raison, considéré comme le Simenon sicilien. Il y est d'ailleurs fait, dans cet ouvrage, une référence à un de ses personnages. La figure de Montalbano a été popularisée en France par l'adaptation des intrigues policières de Camilleri pour la télévision. Il est incarné avec talent à l'écran par Luca Zingaretti mais je ne retrouve pas exactement, dans son jeu d'acteur, l'image que je me suis faite du commissaire à travers les romans.
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Quel plaisir de retrouver le commissaire Montalbano et la Sicile.

Fan d'Andrea Camilleri, de ses textes colorés, de son humour, de l'autoderision de Montalbano et de la superbe traduction de Serge Quadruppani.

Montalbano en proie à des questions existentielles liées à son âge, navigue entre doutes et baisses de moral entraînant des difficultés de concentration.

Heureusement qu'il trouve du réconfort dans les succulents plats préparés par Adelina ou Enzo.

Pour ma part, j'adore les passages où Montalbano deguste ces mets savoureux arrosés d'un Nero d'Avola qui lui permettent de trouver l'inspiration et le bonheur des choses simples.

Montalbano va être confronté à une enquête étonnante et il devra collaborer avec Laura la lieutenante de la capitainerie qui lui fait tourner la tête.

Un très bon moment de lecture et de détente.
Soleil, caponata, arancias et le parfum de la Sicile !...
C'est fleuri et drôle !






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Je me fixe très régulièrement des rendez-vous avec le commissaire Montalbano. Même si je déguste les livres d'Andrea Camilleri à doses homéopathiques désormais,maintenant qu'il n'est plus là.
Cet opus m'a enchantée. Davantage que l'intrigue en elle-même, ce sont les états d'âme du commissaire qui m'ont ravie : ne le voilà-t-il pas fou amoureux d'une "jeunette", lui, proche de la retraite ? Évidemment, il réagit comme un ado à cette situation. Mais cela nous vaut des situations cocasses et, notamment, ce coup de téléphone avec Livia, sa fiancée "officielle ". Il se retrouve également obligé de proférer d'énormes mensonges auprès de sa hiérarchie. Son entourage le croit devenu fou, voire sénile. Comme toujours, la traduction est impeccable et certains dialogues sont hilarants.
Vraiment un excellent moment de lecture. Vivement mon prochain rendez-vous !

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Une nouvelle enquête du célèbre commissaire Montalbano, par un Camilleri en pleine possession de ses moyens, malgré son grand âge. Ce n'est pas le cas de son héros qui, voyant la soixantaine approcher, commence à douter de ses moyens tant physiques que mentaux. Il va pourtant connaître une folle passion amoureuse qui va lui redonner, le temps d'une enquête particulièrement complexe, une seconde jeunesse. Malgré sa maladresse congénitale (l'âge n'expliquant pas tout) et sa façon bien à lui de donner toute sa place au hasard, au risque de mettre en danger ses propres collaborateurs, l'enquête progresse cahin-caha, jusqu'au dénouement, explosif. Un morceau de bravoure de l'étonnant Andrea Camilleri, agrémenté de ses savoureuses curiosités langagières savamment transposées par la traduction de Serge Quadruppani. Un régal…
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Quel plaisir de retrouver Montalbano (en français et en Italien) dans une aventure qui passe du presque burlesque au franchement tragique ! Camilleri ne faiblit pas dans la qualité.
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Ah, mon cher, cher Montalbano !!!
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