Criminal Loft

Une balle rebondit quelque part à un autre niveau. J'ai déjà perçu ce bruit hier soir. La même odeur de mort s'engouffre dans mes narines, libérant les particules fantasques de mon insatiable imagination. Un peu comme des électrons libres qui flottent dans une mare de sang...

Voilà ce que Waverly Hills a fait de moi. Une loque humaine, lobotomisée par la volonté de millions de téléspectateurs en quête de sensations fortes. Un pantin manipulé pour faire grimper l'audimat et remplir les poches des partis politiques qui encouragent la peine de mort.

Nul ne peut prétendre à la liberté s'il n'a pas connu la morsure des chaines.
J'ai pulvérisé les miennes à l'âge de six ans.

Je suis née le jour de Thanksgiving. Ce fut le jour le plus heureux dans l'existence de mes parents, mais également le plus tragique. Je poussai mon premier cri tandis que ma sœur jumelle mourait dans le plus grand silence. J'ai porté ce fardeau durant toutes les années qui ont suivi. Il ne s'est pas passé un seul jour sans que ma mère prononce le prénom de cette enfant mort-née. Je crois qu'elle voulait me faire payer le prix de sa souffrance. La culpabilité me torture encore à chaque instant. Pourquoi m'a-t-on laissée vivre, moi ? Je suis toujours restée dans l'ombre de ma sœur.

Je ne t’en veux pas, John. On connaît les règles. Pour gagner, il ne faut pas être meilleur. Il faut être pire.

J'aimais le contact ferreux de mon scalpel, comme si la lame effilée était devenue le prolongement de moi-même. Sans lui, je me sens amputé, à l'instar d'un écrivain privé de sa plume.

Tant qu’une injonction officielle n’est pas prononcée, Criminal Loft continue. Les Américains raffolent de ce reality show ! L’audience a pulvérisé tous les records connus. Les connexions Internet se comptent par dizaines de milliers. Les lettres « pro-Criminal Loft » affluent par centaines chaque jour !

Souviens-toi de la haine que tu éprouves, décuple-la, ajoute un zeste de cruauté et tu sentiras naître en toi l’embryon d’un tueur… Le perçois-tu ?

Nous ne sommes que des pions sur l’échiquier du Mal, engagés dans une partie dont l'issue est jouée d'avance.

La saveur du ketchup titille mon palais. J'avais oublié à quel point l'insipide peut paraître délicieux.