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Citations sur Sartor Resartus (10)

Le Passé est-il annihilé, ou seulement passé ; le Futur n’existe-t-il pas, ou est-il seulement futur ? Ces mystiques facultés qui sont les nôtres, la Mémoire et l’Espoir, déjà répondent : déjà, par ces mystiques avenues, toi, le fils aveugle de la Terre, tu évoques à la fois le Passé et le Futur, et tu communiques avec eux, bien qu’obscurément encore, et par signes muets. La toile tombe sur Hier, se lève sur Demain ; mais Hier et Demain tous les deux à la fois SONT. Perce à travers l’élément du Temps, regarde dans l’Eternel. Crois ce que tu trouves écrit dans le Sanctuaire de l’Ame humaine, ce qu’en effet tous les Penseurs, dans tous les Ages, ont lu religieusement là : que le Temps et l’Espace ne sont pas Dieu, mais des créations de Dieu ; et que, comme il est en Dieu un universel Ici, il est en lui un éternel Maintenant.
Et vois-tu là-dedans quelque indice d’Immortalité ? – O Ciel ! la blanche Tombe de l’être aimé, qui est mort dans nos bras, et qu’il a fallu laisser derrière nous, là ; cette Tombe qui se profile là-bas, comme une pâle Borne militaire reculant tristement, pour marquer combien de pénibles et amères étapes nous avons parcouru seul, - n’est qu’une pâle et spectrale Illusion ! L’Etre cher que nous avons perdu est encore mystérieusement Ici, comme nous sommes Ici mystérieusement, avec Dieu ! – Sache bien que les ombres seules du Temps ont péri, ou sont périssables ; que l’Etre réel de tout ce qui fut, de tout ce qui est, de tout ce qui sera, EST en ce moment même et pour toujours. Sur ceci, si malheureusement ceci devait te paraître nouveau, tu peux méditer à loisir ; pendant vingt années, ou pendant vingt siècles : tu dois y croire, tu ne peux le comprendre.
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Aux yeux de la Logique vulgaire, dit-il, qu'est-ce que l'homme ? Un Bipède omnivore qui porte des Culottes. Aux yeux de la Raison Pure, qu'est-il ? Une Ame, un Esprit, une Apparition divine ; un Moi mystérieux qui, sous toutes ses guenilles de laine, porte un Vêtement de Chair (l'enveloppe des Sens), tissé dans les métiers du Ciel ; par lequel il est révélé à ses semblables, vit avec eux à la fois UNI et DISTINCT ; par lequel il voit et se façonne pour lui-même un Univers, avec de bleus Espaces Etoilés et de longs Milliers d'Années. Profond est son ensevelissement sous ce Vêtement étrange ; parmi les Sons, les Couleurs et les Formes, qui, pour ainsi dire, sont à la fois ses langes et son linceul ; et pourtant ce vêtement est tissé dans le Ciel et digne d'un Dieu. L'homme, par là, ne se tient-il pas au centre des Immensités, au confluent des Eternités ? Il sent, il lui a été donné de connaître, de croire ; bien plus, n'est-il pas des moments, rien que des moments, il est vrai, où, même ici-bas, l'Essence de l'Amour, en sa céleste pureté première, rayonne à travers lui ?
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Cette rumeur étouffée de Minuit, lorsque tout Trafic est livré au repos, que des voitures, roulant encore ça et là par les rues lointaines, emportent la Vanité vers des demeures lambrissées et éclairées, pour elle, d'une lumière savamment ménagée, et que, seuls, le Vice et la Misère sont dehors, à rôder ou à gémir comme des oiseaux de Nuit ; oui, cette rumeur, soupir qu'exhale la vie inquiète en son sommeil tourmenté, est entendue dans les Cieux ! Oh, sous ce hideux couvercle de vapeurs, d'exhalaisons pestilentielles et d'inimaginables gaz, quelle cuve fermente et mijote, cachée ! Là sont les joies et les douleurs ; là, l'on naît, l'on meurt, l'on prie, ou, de l'autre côté d'une cloison de briques, l'on blasphème ; et tout autour, à l'infini, la vaste, la vaine Nuit.
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Contemple-toi dans la face de ton Frère, soit que dans ces yeux se joue le léger feu de la Bienveillance, ou que s'y exaspère la sinistre conflagration de la Fureur ; sens comme ton Ame, à toi, si paisible, aussitôt brûle involontairement du même feu, et comme vous flamboyez et vous vous réverbérez l'un sur l'autre, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'une seule et vaste flamme confluente d'enveloppant Amour, ou de Haine étreignant à mort ; et dis alors quelle miraculeuse vertu se propage de l'homme à l'homme. Et s'il en est ainsi, au travers de toutes les épaisses enveloppes pressées de notre Vie terrestre, que dire lorsque c'est au travers de cette Vie divine dont nous parlons, et lorsque le saint-des-saints de notre Moi est comme mis en contact avec le saint-des-saints d'un autre Moi !
C'est dans ce sens que j'ai dit que les Habits ecclésiastiques sont pour la première fois tissés et filés par la Société. La Religion extérieure provient de la Société, et, à son tour, la Société devient possible par la Religion.
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Il n'y a donc pas de Dieu ? Ou tout au mieux existe-t-il un Dieu absent, siégeant, oisif, depuis le premier Sabbat, par delà les confins de son Univers, et le regardant aller ? Le mot Devoir n'a-t-il donc pas de sens ; ce que nous appelons le Devoir n'est donc pas un Guide, un Messager divin, mais un mensonger Fantôme terrestre, fait de Désir et de Peur, d'émanations des Gibets et du Lit-Céleste du Docteur Graham ? La joie d'une Conscience satisfaite ! Est-ce que Paul de Tarse, que l'admiration des hommes a depuis déclaré Saint, ne se sentait pas "le plus grand des pécheurs"; tandis que Néron de Rome, l'esprit joyeux, dépensait le meilleur de son temps à jouer de la lyre ? Stupide débitant de Mots et Broyeur de Mobiles qui dans ton Moulin-à-Logique as un mécanisme terrestre pour le Divin lui-même, et voudrais bien m'extraire la Vertu des cosses du Plaisir, - je te dis : Non ! La plus amère aggravation du mal chez l'homme, ce Prométhée vaincu, non régénéré, ne gît-elle pas toujours dans cette conscience qu'il a du Bien, dans ce sentiment qu'il est victime, non pas seulement de la souffrance, mais de l'injustice ? Quoi donc ! L'inspiration héroïque que nous appelons Vertu ne serait-elle qu'une sorte de Passion ; quelque bouillonnement du sang, et dont les autres seuls tireraient profit ? Je n'en sait rien : ce que je sais seulement, c'est que si ce que l'on nomme le Bonheur est notre véritable fin, nous sommes alors complètement égarés. Avec la Stupidité et une bonne Digestion, l'homme peut affronter bien des choses. Mais que sont, dans ces temps grossiers, guère imaginatifs, que sont les terreurs de la Conscience auprès des désordres de la Bile ! Bâtissons donc notre fortune sur les fondements de la Cuisine et non sur ceux de la Morale : alors, brandissant notre poële-à-frire en guise d'encensoir, offrons au Diable les fumées qui lui plaisent, et vivons heureux de la graisse qu'il réserve à ses Elus !
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Oui, j'ai maintenant dressé ma tente sous un Cyprès ; la tombe est maintenant mon inexpugnable Forteresse ; à sa porte, je considère d'un oeil tranquille les armements hostiles, et les maux, et les pénalités de la Vie tyrannique, et j'écoute, avec un silencieux sourire, ses menaces les plus bruyantes. O vous, les aimés, qui dormez déjà dans la silencieuse Couche du Repos, vous que je n'ai pu ici-bas que pleurer sans remède ; et vous, qui, dispersés dans l'espace, peinez encore solitaires dans le Désert peuplé de monstres, teignant de votre sang le sol pierreux. - Encore un peu de temps, et nous nous retrouverons tous Là, et le sein de notre Mère nous abritera tous ; et le harnais de l'Oppression, et le fouet de feu du Chagrin, et tous les baillis de Géhenne qui patrouillent et habitent dans le Temps toujours agité, ne pourront plus nous tourmenter désormais !
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Il n'y a ni Espace, ni Temps : Nous sommes - nous ne savons quoi - des étincelles de lumière flottant dans l'éther de la Divinité !
Ainsi ce Monde, si solide en apparence, ne serait, en somme, qu'une image inconsistante, notre Moi la seule réalité ; et la Nature, avec ses myriades de productions et de destructions, que le reflet de notre propre Force intime, "la fantaisie de notre Rêve" ; ou, comme la nomme l'Esprit-de-la-Terre dans Faust, le vêtement animé et visible de Dieu :

"Dans les flots de l'Existence, dans la tourmente de l'Action,
Je vais et j'oeuvre, en haut, en bas,
J'oeuvre et je tisse, en un mouvement sans fin !
Naissance et Mort,
Océan sans bords ;
Prenant, donnant
La flamme de la Vie :
Ainsi sur le bruyant Métier du Temps je m'emploie,
Et tisse pour Dieu le Vêtement que tu Lui vois".
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"Un jour, il trouva son Etoile-du-Matin toute obscurcie, toute ternie ; la belle créature était silencieuse, préoccupée, elle semblait avoir pleurée. Hélas ! Plus une Etoile-du-Matin, mais un trouble mauvais Présage du ciel, annonçant que le Jour du Jugement dernier s'était levé ! Elle dit, d'une voix tremblante : qu'ils ne devaient plus se revoir !" L'Aéronaute ainsi foudroyé ne s'abandonna pas lui-même en cette heure terrible : mais à quoi sert ? Nous omettons les passionnés reproches, les prières, les indignations, puisque tout cela fut en vain, et qu'on ne lui accorda même pas une explication ; arrivons au dénouement. "Adieu donc, Madame !" Dit-il, non sans hauteur, car son orgueil blessé le soutenait. "Elle mit sa main dans la sienne, elle le regarda en face, des pleurs jaillissaient de ses yeux ; avec une audace farouche, il l'étreignit sur sa poitrine : leurs lèvres étaient jointes, leur deux âmes, comme deux gouttes de rosée, se fondaient en une seule, - pour la première fois, et pour la dernière !" Ainsi un baiser faisait Teufelsdröckh immortel. Et puis ? Et puis - "les toiles épaisses de la Nuit s'abattirent sur son âme, tandis que grandissait l'immense fracas du Jugement dernier ; et qu'à travers les ruines, comme d'un Univers brisé en éclats, il allait tombant vers l'Abîme."
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Notre Théorie de la Gravitation est à peu près parfaite : Lagrange, on le sait, a prouvé que le Système Planétaire durera éternellement sur ce modèle ; Laplace, encore plus astucieusement, suppose même qu’il n’eût pu être créé sur un autre. Grâce à quoi, du moins, nos Livres de Navigation sont mieux tenus; et nos transports par voie maritime se sont grandement améliorés. Nous sommes assez avancés en matière de Géologie et d’étude de la croûte terrestre : tant par les travaux de Werner et Hutton que par le génie ardent de leurs disciples, une bonne partie des Académies Royales est au courant que la Création d’un Monde n’est guère plus mystérieuse que la cuisson d’un beignet ; un problème qui présente même plus de difficultés pour certains esprits, qui ne comprennent pas comment les pommes y sont introduites. À quoi bon mentionner nos traités sur le Contrat Social, la Règle du Goût, les Migrations du Hareng? N’avons-nous pas également une Doctrine de la Rente, une Théorie de la Valeur; des Philosophies du Langage, de l’Histoire, de la Poterie, des Apparitions, des Liqueurs Toxiques? Toute la vie de l’homme et son environnement ont été mis au jour et élucidés; à peine s’il reste un fragment, une fibre de son Âme, de son Corps et de ses Possessions qui n’ait été révélé, disséqué, distillé, desséché, et scientifiquement décomposé: nos Facultés spirituelles, et il apparaît qu’elles sont nombreuses, ont leurs Stuart, leurs Cousin, leurs Royer-Collard; chaque Tissu cellulaire, vasculaire ou musculaire fait la gloire des Lawrence, des Majendie, des Bichat.

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Vu l'état d'avancement de notre culture actuelle, et comment l'on brandit la Torche de la Science avec plus ou moins d'effet depuis cinq mille ans, en la portant toujours plus haut ; comment, particulièrement à notre époque, non seulement la Torche brûle toujours, et avec peut-être plus d'acharnement que jamais, mais d'innombrables chandelles de suif et allumettes soufrées, qui se sont enflammées à son contact, illuminent dans toutes les directions, si bien qu'aucun recoin, aucune brèche dans la Nature ou dans l'Art, aussi minimes soient-ils, ne demeurent enténébrés - un esprit réfléchi pourrait être surpris de constater que rien jusqu'ici, et en tout cas rien d'un caractère fondamental, ni en Philosophie ni en Histoire, n'ait été écrit au sujet des Habits.
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