Le tribunal des âmes

Quand on n'a plus de ressources propres, tout ce qui reste est la foi en un Dieu en qui on ne croit pas.

L'idée de retourner là où elle avait failli être tuée ne l'enthousiasmait guère, mais elle voulait comprendre.

Tous les êtres vivants dans la nature tuent. Pourtant, seul l'homme, en plus de le faire par nécessité, le fait par sadisme, c'est-à-dire par plaisir d'infliger la souffrance.

Le désir, surtout quand il est incontrôlable, nous porte à accomplir des gestes dont nous ne nous pensions pas capables. Il corrompt, altère, et parfois devient un mobile pour tuer. En particulier quand il se transforme en danger.

Dans le cyberespace, les différences s'effacent.

Toutes les personnes impliquées jusque-là avaient subi un préjudice qui avait changé le cours de leur vie. Le mal ne les avait pas seulement frappées, sur son passage il avait aussi semé des spores. Certaines avaient pris racine, infectant leur vie. Comme un parasite silencieux, le mal avait grandi dans les métastases de la haine et de la rancoeur, transformant son hôte. C'était ainsi qu'il accomplissait ses métamorphoses. Des individus qui n'avaient jamais pensé pouvoir enlever la vie à un congénère étaient frappés par un deuil violent et ceci, avec le temps, les transformait à leur tour en trueurs.

- Quand on a toujours été traité de monstre, on s'habitue plus vite à cette idée. Avec le temps, on comprend que, dans le fond, c'est la seule chose qui nous distingue du commun : on n'est plus nul. Ta tête est dans les journaux. Quand tu t'assieds dans la salle de tribunal, les gens t'observent. Ne plaire à personne, c'est une chose, mais faire peur en est une autre. Tu étais habitué à l'indifférence ou au mépris, maintenant tout le monde est forcé de te voir. Les gens ne détournent pas les yeux parce qu'ils ont besoin de regarder ce qu'ils craignent le plus. Pas toi, mais être comme toi. Plus ils te dévisagent, plus ils se sentent différents. Tu es devenu leur alibi pour se croire meilleurs. C'est d'ailleurs à cela que servent les monstres.

La mort prenait les souvenirs, même les plus beaux, et les inséminait avec la douleur, rendant tout rappel insupportable. La mort maîtrisait le passé. Le doute était pire, parce qu'il s'emparait du futur.

La plus grande peur de tout être humain, même de celui qui a choisi de vivre en ermite, n'est pas de mourir. C'est de mourir seul.

Les enfants n'ont pas besoin de souvenirs, ils apprennent en oubliant.