La liste des ravissantes femmes qui s’étaient succédé au Valdenstein était longue. Toutes étaient reparties en larmes, ou tout au moins mortifiées dans leur amour-propre. Leur pouvoir de séduction s’était toujours révélé inférieur à l’idée qu’elles s’en faisaient. « Le roi est un amant généreux, attentionné et merveilleusement passionné, avait dit à la Belle une de ses amies. Mais il est également insaisissable et totalement indifférent au chagrin des femmes. » La Belle ne l’avait pas crue, sûre de conquérir le cœur de son souverain, même si le monde entier avait échoué avant elle.
Séduite à douze ans, elle avait en effet atteint la célébrité en passant de lit en lit jusqu'à jouer au Théâtre Impérial du Châtelet où elle avait rencontré le roi. Elle avait eu pour amants des ducs, des marquis et même un obscur prince italien, mais un monarque présentait à ses yeux un attrait autrement irrésistible. Comme il était en outre fortuné et tout prêt à lui assurer une vie des plus confortables, elle n'avait pas hésité à quitter Paris pour l’accompagner dans son royaume: le Valdenstein.
Le regard du souverain s’attarda sur ce corps exquis qui avait déjà ensorcelé Paris. Un sourire se dessina alors sur les lèvres de la Belle — c’était là en effet le nom qu’on lui connaissait sur les scènes parisiennes — et lentement, d’un mouvement presque imperceptible des épaules, elle fit glisser son déshabillé qui tomba à ses pieds. Elle avait une peau très blanche, une taille fine, des seins et des hanches galbés comme le voulait la mode mais qui atteignaient une perfection rarement égalée.
Les précédents amants de la Belle avaient toujours été à ses pieds : un mot d’elle pouvait les combler de bonheur ou les précipiter dans le plus profond désespoir. Or il en allait bien différemment du roi. Il la trouvait désirable, la remerciait généreusement du plaisir qu’il prenait à sa compagnie, mais elle n’était jamais sûre qu'il ne la renverrait pas subitement sans un mot d’explication.
Elle avait peur comme beaucoup de femmes frivoles avant elle, peur d’aimer un homme pour qui elle n’était qu’un corps magnifique et une sublime danseuse.