Beaucoup d'écrivains romantiques témoignent, dans leurs œuvres, d'une humeur sombre, d'une "mélancolie" qu'ils justifient par l'analyse de leur condition. Chez un Lamartine, vers 1820, cette mélancolie n'est encore que vague à l'âme, aspiration incertaine au bonheur. Chez un Musset ou un Vigny, au lendemain de 1830, elle est associée à la désillusion qu'entraîne la faillite des idéaux politiques, au désarroi que provoque la crise des croyances religieuses, au dégoût qu'inspire la tyrannie de l'argent. Chez le jeune Flaubert, vers 1840, puis chez Baudelaire, elle prend la forme d'une atroce angoisse. La mélancolie romantique exprime le malaise d'un monde bouleversé par les révolutions, les guerres, les troubles économiques ou sociaux, et qui cherche péniblement un nouvel équilibre. Aussi se prolonge-t-elle sous des formes de plus en plus accentuées pendant la seconde moitié du siècle, et jusque dans la littérature souvent désespérée du temps présent.