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Citations sur Et l'âne vit l'ange (16)

Quelques maisons acceuillirent la Folie comme locataire.
Ce fut lors d'une soirée humide et irréelle que Rebecca Swift, la jeune et modeste épouse de Sardus, l'entendit frapper dans sa tête -trop fort cette fois pour qu'elle l'ignore- et que le cœur tremblant, de ses minuscules mains frissonnantes, elle tira d'un coup sec le gros verrou noir et laissa la locataire entrer.
Rebecca était esclave d'une mélancolie accablante qui s'emparait à volonté de sa délicate personne puis restait, gisante, sur elle, comme un amant épuisé.
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Écoutez, c’est pas que je veuille dire du mal des morts, mais vous ai-je dit que ma mère était une conne de grosse vache ? Eh bien, c’est précisément ce qu’elle était – une sale conne de grosse vache, avec un asticot noir desséché en guise de cervelle.
La cradingue avait coutume de jouer à la pédagogue quand elle n’avait pas trop picolé pour être incapable de se tenir debout et de parler. C’était pas beau à voir.
Un certain soir où P’pa était allé se coucher de bonne heure, Man décida qu’elle allait m’instruire au sujet de mon patrimoine, mes aïeux, mon arbre généalogique, et caetera. J’écoutais, assis sur la chaise raide, et nous jouions à ce jeu auquel elle prenait tant plaisir.
Chaloupant devant moi, sa bouteille de grès dans une patte, une vieille tapette à mouches en plastique dans l’autre, elle donnait d’abord la leçon, ce qui pouvait prendre quelque chose comme une heure, parfois deux ; ensuite, elle me mitraillait de questions. Si la réponse était « oui », je devais lever la main droite, et si la réponse était « non », je devais lever la gauche. Si je répondais mal en levant la mauvaise main, elle me flanquait avec la tapette un coup cinglant sur le sommet du crâne. Si je ne répondais pas du tout, ce qui était fréquent attendu que mes deux mains avaient été attachées aux pieds de devant de la chaise, elle me tapait sur l’oreille droite, ou sur l’oreille gauche, suivant ce qu’elle pensait être la réponse correcte.
Parfois, quand elle arrivait au fond de la bouteille, elle réalisait qu’elle-même avait oublié la réponse, et je recevais alors un coup sur chaque oreille. Quand enfin elle ne pouvait plus se rappeler les questions, ou le sujet même de la leçon, ou, à la fin, plus du tout pourquoi j’étais ligoté à la chaise ni pourquoi elle avait une tapette à la main, elle s’emportait dans une frénésie de volée, coups, claques, revers de la main, empoignades, piétinements, jusqu’à ce que, finalement, elle s’effondre dans son fauteuil, épuisée. Je devais alors attendre que P’pa décide qu’il pouvait en toute sécurité entrer dans la pièce pour me détacher.
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Quelques mots en ce qui concerne la lignée ancestrale d’Euchrid. Ezra, le père d’Euchrid, naquit en 1890 dans les collines touffues du Black Morton Range, une région vallonnée à la végétation dense, fort connue quoique en grande partie inexplorée. Ici, de grands rochers nus pavent le fond de la vallée. Les lits des ruisseaux asséchés suivent les contreforts de la colline, la broussaille s’épaississant sur les pentes, devenant sombre et dangereuse entre les arbres de haute futaie et les entrelacs de ronces.
Un chemin de terre périlleux serpente à l’extrémité orientale de la région. Au tournant du siècle, ce sentier tortueux avait mauvaise réputation, du fait de la disparition inexpliquée d’une vingtaine de voyageurs qui avaient tenté de traverser la chaîne en quête de la prospérité qu’on leur promettait à l’est.
Les enquêtes sur la disparition des voyageurs du Black Range (« Morton » fut officiellement rajouté en 1902) conduisirent à la découverte puis à l’élimination d’un certain Toad Morton, ou, comme le gang de la presse l’étiqueta, Black Morton. Géant pauvre d’esprit, harcelé par les verrues, Toad avait été chassé du clan Morton par les siens, après qu’ils eurent trouvé le verrat familial crevé dans son enclos, couvert de mouches et de marques de dents humaines – sa patte arrière avait été arrachée net d’un coup de dents. Découvrant Toad recouvert d’excréments de porc, têtant une truie, ils l’avaient chassé de la vallée des Morton et il errait de par les goulets et ravins des collines extérieures, tel un Goliath chagriné rejeté par son propre sang, sans ami ni compagnon, hormis la troupe de démons qui grattaient et démangeaient les anfractuosités et les fêlures obscures de ce cerveau païen, fou et mauvais.
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Une unique ampoule nue pendait du plafond droit au-dessus de mon berceau. Elle vrombissait avec ardeur, impatiente et hypnotique, tandis que j’étais étendu sur le dos à contempler, avec un ennui grandissant, les insectes de nuit qui s’agglutinaient autour de ce point de mire bourdonnant. J’observais, impuissant, qu’une fois par minute à peu près un lépidoptère ou un cousin, ou une mouche trop zélée, entrait en collision avec l’ampoule de mort, fricassant ainsi jusqu’à les réduire en cendres ses petites ailes et ses appendices qui semblaient des poils. Leur vaine entreprise s’achevait en une chute terrifiée, atterissant invariablement à l’intérieur du cageot à fruits où j’étais couché. Des insectes amputés, tournoyant, encombraient ma couche – crevaient d’une mort horrible, agonisant sous mes yeux avec fracas, pour parvenir à la fin de leurs jours, privés de vie – raides morts.
Je compris alors pourquoi mon regretté frère défunt paraissait si abattu. Il ne restait plus trace de vie en lui. Seulement la Mort.
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Pas une seule âme n'était visible en ville, car pas une seule ne s'y trouvait - pas une, ni solitaire ni se baladant en couple. Il était de coutume, pour les doyens des Ukulites, de marcher par deux - c'est-à-dire en couple - bien que beaucoup flânaient seuls, comme c'est l'usage dans le monde entier pour les personnes âgées - c'est-à-dire que, dans le monde entier, il est tout à fait courant de voir les vieux se balader - deux par deux, ou seuls jusqu'à la fin de leur cœur, ou de leurs jambes, ou de leurs jours - seuls ou en couple, et cela jusqu'à leurs tombes.
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(...) j'en concluais que, de manière générale, la souffrance était une sensation relative, d'autant plus âprement ressentie qu'elle était confrontée à la félicité. Etant donné que la vallée et ses habitants étaient à cette époque enchaînés dans les fers de l'affliction, que mon propre lot de chagrin parût considérablement plus léger ne me surprenait guère.
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La mesure de ma jeunesse - le printemps de ma vie - je l'ai partagée entre cet obscur sanctuaire intérieur et son cruel extérieur, semé de pièges de l'ennemi impitoyable. Les mâchoires souriantes à belles dents de l'ignorance et du préjugé étaient grandes ouvertes, et j'étais leur proie malheureuse. Car elles guettaient à la maison et à la ville, aux champs proches de la ferme et aux champs éloignés. Que ce soit la nuit ou le jour, les seules choses qui émergent de mes tendres années de croissance furent le claquement du piège et la cisaille du collet.
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Ces profondeurs, ce cœur humide, cet humus surnaturel qui me réclament à présent sont le même sol sinistre dans lequel le noyau de ma jeunesse s'est fendu et a germé. De ces noirs labours est sortie à tâtons la tige tordue de ma condition humaine - aveugle, blanche et imberbe.
C'est ici, dans cette parcelle obscure, que j'ai construit mon refuge, loin de la sombre main de l'homme. Là, dans ce cercle ombreux, aux limites duquel les vertueux marteaux de la justice hésitaient à s'abattre contre eux tous, qui ne vivaient que pour me faire du mal.
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"S'il te plaît, Jésus, ne sois pas fâché après moi. Je suis désolée qu'ils t'aient frappé. Cela m'a fait mal aussi. D'abord ils m'ont dit de T'aimer, puis ils te chassent d'ici. Ce monde est trop cruel pour nous."
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"Beth leva les yeux. Elle vit Euchrid. Elle vit l'Ange, ciselé de marbre. Elle perçut l'écho inquiètant de leur attitude, de leur pose, de leur propos. Elle vit l'un ailé, aux os blancs et insufflé de grâce, et elle vit sa manifestation incarnée, misérable et couverte de boue. Et elle vit ses blessures, sa longue chevelure, ses pieds nus, sa poitrine palpitante"
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