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Critique de Aquilon62


Pour Dante, et pour nous, c'est le moment de soulagement. Revoir les étoiles. Par le même mot se termineront également les deux autres cantiques, Purgatoire et Paradis : les étoiles sont le signe du véritable destin de l'homme, de son élan ascendant, de son aspiration à l'ascension.

Étrange coïncidence, non ?, voilà les derniers vers de chaque

Et par là nous sortîmes, à revoir les étoiles.
(Enfer - Chant XXXIV - V 139 - traduction Jacqueline Risset)

pur et tout prêt à monter aux étoiles.
(Purgatoire - Chant XXXIII - V145 - traduction Jacqueline Risset)

l'amour qui meut le soleil et les autres étoiles.
(Paradis - Chant XXXIII - V145 - traduction Jacqueline Risset)

Dans son avant-propos à l'édition française de sa biographie de Dante, Alessandro Barbero écrivait : "Jacqueline Risset a écrit que l'histoire de la fortune de Dante en France est " l'histoire d'une absence" , et que" la France est probablement le seul pays européen à ne pas avoir intégré l'oeuvre de Dante dans l'histoire de sa littérature" . Lorsque j'ai lu cette affirmation pour la première fois, j'avoue que j'ai bondi. Il est vrai que Jacqueline Risset, la plus grande spécialiste française de Dante de notre époque, faisait une exception pour la génération des romantiques : Dante, comme l'avait déjà fait remarquer un autre grand spécialiste français, André Pézard, "devient tout d'un coup extraordinairement populaire vers 1830". C'est encore le cas à la fin du XIXe siècle, lorsque la partie sud de la rue du Fouarre, agrandie selon les plans d'Haussmann, est rebaptisée rue Dante, d'après l'hypothèse selon laquelle Dante y aurait vécu lors d'un éventuel séjour à Paris. Mais est-il resté aussi populaire par la suite ?
Aujourd'hui, bien sûr, il n'est plus aussi difficile de trouver de grands poètes et de grands écrivains français qui déclarent la centralité de Dante dans leur univers : Yves Bonnefoy parle de la « modernité surprenante » de la Divine Comédie, et même de la « révolution qu'a été cette oeuvre extraordinaire » ; Philippe Sollers s'enthousiasme : « Depuis que j'ai ouvert La Divine Comédie, elle ne me lâche plus, elle se récite en moi, elle revient sans cesse, elle est là, ici, maintenant, dans un présent perpétuel. Il suffit d'écouter. Quelle musique ! »

En revanche il est plus compliqué de trouver des ouvrages
- Qui remettent Dante et son écriture dans, son contexte ;
- Qui donnent les clefs qui ouvrent les portes notamment de la Divine Comédie ;
- Qui poussent à aller plus loin que l'Enfer qui ne représente finalement qu'un tiers de son oeuvre majeure ;
- Qui aident à comprendre l'homme dans son temps, et le temps de l'homme ;
- Qui donnent les grilles de lecture d'une oeuvre souvent méconnue voire incomprise ;

On pourrait déplorer le manque d'entrain ou de frilosité, voire les deux, d'éditeurs aptes à traduire les ouvrages des auteurs transalpins, qui nous donnent à mieux cerner l'homme et son oeuvre.
Il y eu bien en 2021 2 biographies, très bien réussies au demeurant, la traduction de Jacqueline Risset qui a rejoint la Pléiade, un ouvrage de la même Jacqueline Risset intitulé 33 écrits sur Dante, un "Que sais-je" de Carlo Ossola, et c'est à peu près tout.
Heureusement que nous étions sur une année anniversaire.....

Alors le lecteur français qui veut aller plus loin,doit se rabattre sur des ouvrages italiens, qui en plus son généralement de très bonne qualité tant sur le fond que sur la forme.
Pour la forme le livre édité avec les illustrations de Gustave Doré est juste magnifique ;
Pour le fond le choix est vaste, je suis tombé par hasard dans une librairie romaine sur celui ci : À rivere le stelle, et c'est une pépite

La technique narrative est irréprochable, La reconstitution du voyage vers l'au-delà s'enrichit de références à l'histoire, à la littérature et au présent et c'est imparable, c'est un régal de lecture.

Interpréter un poème ancien de plus de sept siècles à la lumière du présent serait une erreur. Il faut le remettre dans le contexte de son époque, et c'est cela le plu compliqué.
Mais ce serait aussi ignorer la jeunesse éternelle de la Divine Comédie. La poésie de Dante s'adresse à toutes les générations de lecteurs, et parle donc aussi de nous, du temps qui nous est donné dans le destin. Et cela permet à chacun de nous de penser que le pire est derrière nous. Que le meilleur soit encore à venir, pour nos vies dont Dante – poète de l'humanité – peut être considéré comme le fondateur ; parce qu'elle nous a donné non seulement un langage, mais surtout une idée de nous-mêmes.
En être conscient, et le prouver, serait déjà une bonne chose.
C'est le voeu que se fait l'auteur et à nous lecteurs, à la fin de ce voyage tourbillonnant que nous avons fait à la poursuite du génie agité de Dante Alighieri, qui nous a quittés – mais pas entièrement – il y a sept cents ans.

Son éternelle jeunesse et la vitalité de ses paroles, après 700 ans, résonnent encore, suggèrent, évoquent, et cet essai, qui porte principalement sur l'Enfer, qui est sans doute la partie la plus intéressante de la Divine Comédie, ne se pose pas comme un livre de critique littéraire, mais comme une histoire du voyage de Dante et comment ses mots ont contribué à créer l'identité italienne.
C'est un livre qui permet de dépoussiérer les souvenirs et de découvrir des points de vue et/ou des faits inattendus que vous ne pouviez même pas analyser. Toute la Divine Comédie est un long fait personnel. le poète parle de lui-même, de nous, de l'histoire italienne, des tragédies de l'humanité. Toujours, à chaque rencontre, il se met en jeu, il s'implique personnellement, il pleure, s'indigne, s'évanouit ; et cela nous implique. Il s'évanouit tellement de fois ! Et je ne m'en souvenais pas du tout. le livre m'a permis de donner un visage à ce poète, si illustre pour nous. Réfléchir différemment au bien et au mal. Les images de pouvoir, de sagesse et d'amour sont associées au bien et, en l'occurrence, les images de colère, d'ignorance et d'envie sont associées au mal. Si la douleur n'avait pas poussé Dante à pénétrer le désespoir et la grandeur de l'âme humaine, il ne l'aurait pas écrit ou en tout cas pas comme ça. le poème est un voyage urgent au plus profond de nous-mêmes, de notre histoire et de notre culture. Parce que l'Italie est née de la culture et de la beauté. le poème contient tant d'éléments géographiques, historiques mythologiques,et religieux.

La littérature sur le grand poète est évidemment infinie. En toute humilité l'auteur se reconnaît comme un non-spécialiste, mais cherche une relation aussi directe que possible avec les paroles de Dante. S'il y a des échos avec d'autres livres, ils sont aléatoires. L'éternité de la Divine Comédie, comme de la grande poésie, réside précisément dans les échos qu'elle est capable de susciter à travers les siècles, « jusqu'à ce que le soleil brille sur les malheurs humains ».
La Divine Comédie, se fit jour et absorba l'essentiel de son énergie créatrice : l'un des chefs-d'oeuvre de l'humanité, l'oeuvre d'un homme comparable uniquement à Homère et Shakespeare, dont les vers n'ont jamais cessé d'accompagner les esprits, dans les salles de lecture des grandes universités comme dans les baraquements des camps de concentration....

PS : je caresse un jour le doux espoir que soit traduit en français «L'Italia di Dante. Viaggio nel Paese della “Commedia”» de Giulio Ferroni qui a servi à Aldo Cazzullo de compagnon à l'écriture de ce livre.
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