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Critiques filtrées sur 1 étoiles  
Evaluer un travail écrit n'est pas chose facile et encore moins une science exacte : un jour, un enseignant, à qui l'on reprochait une trop grande sévérité dans sa notation, attribua 16,64 à une copie qui ne le méritait pas. Intriguée, l'administration interrogea notre pédagogue qui répondit : ben, 16,64, c'est une Kronembourg et, franchement, ça vaut pas plus … Je vous affabule pas, les copains, c'est véridique ! C'est du vécu !
Les Bagatelles de Céline, d'après moi, ça vaut moins que ça. Je les décore avec munificence d'une demie étoile, c'est-à-dire 2 sur 20, mais c'est juste pour pas laisser croire que j'aurais oublié d'évaluer la chose. Je pense qu'une Kronembourg, même si c'est pas terrible, ça se boit quand même, et quand on a soif, ça peut même faire du bien, mais Bagatelles pour un massacre, c'est imbuvable (j'ai abandonné après 50 pages) et ça fait mal. Autrement dit, et pour aller droit au but, la chose n'est même pas commercialisable. Voilà, c'est dit.

Mais pourquoi diantre perds-je mon temps (et vous fais-je gaspiller le vôtre !) en vous badigeonnant de mes avis houblonnesques sur un bidule pas même avouable ? Je vais sûrement être un peu long et je vous prie de bien vouloir m'en excuser, mais voyez-vous l'auteur du machin me tient à coeur et la question de la réédition de ses pamphlets n'est pas anodine. Elle va encore agiter et partager le petit microcosme littéraire, depuis que la veuve de l'écrivain, détentrice des droits d'auteur, est décédée en novembre 2019.

N'en déplaise aux absolutistes des deux bords, il y a bien plusieurs Céline, tout comme nos histoires individuelles et collectives comportent des époques. Ce livre appartient au Céline infréquentable et pamphlétaire des années 1937 – 1941, faisant suite au fracassant et malchanceux Céline du début (Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit, 1932-1936), avant le Céline reclus et pestiféré d'après-guerre (1944-1969). Céline y déverse sur plus de 300 pages toute une logorrhée antisémite accusant les Juifs de tous les maux, notamment celui de préparer une nouvelle guerre avec l'Allemagne. Par son milieu familial, petit bourgeois de droite, l'auteur avait « biberonné » à l'antisémitisme ambient des années 1930, encore tout empreintes de l'affaire Dreyfus, de l'opposition violente au Front Populaire dirigé par Léon Blum, un Juif (1936-1938) et du refus de la guerre qui revenait, quelques années seulement après le traumatisme de l'hécatombe 14-18. Il est important de le rappeler, ça n'excuse rien, évidemment, et ça aide à comprendre l'ambiance de l'époque. Rappelons aussi que ces pamphlets ont connu d'importants tirages à leur sortie.

Je vous épargne le « pitch » et les citations, vous les trouverez ailleurs, elles sont le plus souvent détestables, même s'il est possible d'extraire quelques bons mots et traits d'esprit.

Mais ne croyez pas que je roule pour les anti-Céliniens, pas du tout. J'ai même publié quelques avis élogieux sur cet auteur et je n'aime pas hurler avec les loups, prêts à jeter le bébé avec l'eau du bain. A les entendre, il faut tout rejeter puisque c'est le même homme qui a écrit romans et pamphlets. Les anti-Céliniens sont incapables d'admettre qu'un être humain puisse être grand et minable à la fois et qu'il soit capable du meilleur comme du pire. Ils sont légions, pourtant, les écrivains célèbres ayant commis bassesses et ignominies !

Ce dangereux esprit d'amalgame, qui diabolise l'auteur, aide aussi les idolâtres à sacraliser l'écrivain : il ne serait pas possible de faire la moindre distinction entre ses écrits, le génie de Céline se trouvant aussi dans ses pamphlets. Selon eux, il faudrait republier ces textes, même hautement contestables.

Ce total manque de discernement dans les périodes et les écrits, de la part des contempteurs comme des admirateurs, ne m'apparaît pas très intelligent. Il faut pourtant faire preuve de discernement car Céline n'est pas le monstre absolu qu'on nous rabâche et il est grand dans ses romans, quand il parle de lui, des Français, de la banlieue, de la nature humaine en général, de l'homme et de toutes les illusions dont il se berce au cours de son existence : il atteint l'universel. Il est drôle et tragique en même temps, il met le doigt là où ça nous fait mal, en nous renvoyant une image de nous-même déplaisante. Mais il parle vrai. Il « ne nous la joue pas » … Il est un authentique écrivain, avec un style révolutionnaire.

Mais le pamphlet, lui, est un sous-genre littéraire et Céline se change en pseudo-intellectuel : tout n'est alors que diatribes, répétitions, insultes. Les « bons mots » et les saillies peuvent parfois faire sourire mais ils sont au service d'un message criminel et condamnable. Bref, du sous Céline et c'est un comble, car il détestait et vilipendait les auteurs à « messaâge et manifesteu », comme il disait ! C'était un écorché vif, un émotionnel et sûrement pas un homme à idées. Ce rôle n'était pas pour lui.

Alors, les pamphlets peuvent très bien rester où ils sont, oubliés du grand public, et ne servir que de matériau aux historiens. Ils ont existé, ils ont eu un écho pendant les terribles années de l'Occupation mais ils n'ont rien à nous apporter. Ils ne peuvent que desservir le Céline écrivain.

Les Céliniens pur jus crieront à la censure, mais sacraliser une oeuvre pour aller jusqu'à admettre l'inadmissible, non merci. L'intérêt de republier de tels brûlots ne fait pas sens. Dans l'oeuvre de Céline, les pamphlets antisémites sont à part et doivent le rester. A part, c'est-à-dire en dehors. Comme des méfaits commis en parallèle à ses autres écrits, dont certains occupent une place de premier ordre dans la littérature française du XXe siècle.

En définitive, il n'est pas si difficile que ça de faire la part des choses avec Céline : presque tout est préférable à la lecture de ses pamphlets, même une bière bas de gamme !
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Bagatelles pour un massacre conduit une charge d'une grande violence contre les juifs. le style accusatoire, agressif, elliptique qui forme l'oeuvre de Céline, donne ici à son antisémitisme une allure de réquisitoire implacable et d'appel au peuple à agir contre les juifs.

La logique de l'auteur est la suivante : le juif est par nature belliciste (« pousse-au-crime » et « mégalomani[aque] conquérant[] »). Ses desseins : anéantir le peuple chrétien (et/ou « aryen ») au moyen des deux complots ; le judéo-bolchévisme et le judéo-capitalisme (Marx contre Rothschild). de cet affrontement, selon Céline, une guerre mondiale éclatera et verra triompher les juifs contre les aryens, espèce déclinante. Il justifie la possibilité d'un tel complot par l'existence d'une élite mondiale (notamment franc-maçonne) travaillant à « l'impérialisme » et « l'hégémonie juive » (Protocoles des Sages de Sion). A ce titre Céline accuse les juifs d'être racistes.

Céline a beau s'excuser par avance : « J'ai rien de spécial contre les Juifs en tant que juifs, je veux dire simplement truands comme tout le monde, bipèdes à la quête de leur soupe... Ils me gênent pas du tout. (...) Mais c'est contre le racisme juif que je me révolte, que je suis méchant, que je bouille, ça jusqu'au tréfonds de mon benouze !... ». Ça ne tient pas à l'épreuve des pages.

Car au rebord de cette accusation de belliciste, une autre face de l'antisémitisme de Céline se dévoile ; une attaque viscérale, ontologique. le juif fossoyeur de la culture, le juif arrogants, dominateurs, despote, le juif dans le délire de persécution, de martyr, maître-chanteur qui « vaporise toute objection possible », le juif-envahisseur, juif-rôdeur « autour du pot-au-feu » de l'aryen, ou encore le juif laid, physiquement repoussant, le juif nègre, etc. L'attaque menée par Céline contre les juifs est multiple, profonde, totale.

On s'étonnera de voir Céline-géopoliticien ne faire aucune mention du diktat imposé à l'Allemagne, de la misère sociale du peuple allemand de 37, de la remilitarisation de la Rhénanie en 36 ou encore des velléités pangermanistes d'Hitler. Céline prédit une guerre des européens... sans les européens.

Bien péniblement, au milieu de ce galimatias, filtrent quelques épisodes qui rendent la lecture possible : l'écriture des ballets, les assemblées générales de la S.D.N., les hôpitaux en URSS, la critique littéraire et les écrivains contemporains, sa visite de Leningrad. Un épisode en particulier fait sourire : Céline attribue la crise du livre en France (les français sont ceux qui dépensent le moins pour les livres) aux records de consommation d'alcool en France (davantage que tous nos voisins). Céline fait ici un paralogisme sans conséquence, il agite sa marotte sur dix pages, et c'est divertissant de le suivre.

Dommage qu'il n'en soit pas resté à bricoler avec ses bouts de ficelles, et que son antisémitisme viscéral ait trouvé à se déverser lorsqu'il s'est penché sur les problèmes du monde, ou comment un homme farouchement opposé à la guerre a pu faire le lit d'un idéal de destruction humaine.
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Un livre que j'ai lu en ayant une vague idée quand même de ce qu'il était - étant un inconditionnel d'une partie de l'oeuvre de Celine - pour me faire ma propre opinion sur l'antisémitisme dont il a été accusé, et voir si cela pouvait être soumis à interprétation ? le constat implacable, c'est que ce pamphlet, car c'en est un sans l'ombre d'un doute, est réellement une incitation à la haine raciale, un amalgame honteux, un mélange de faits, de réalités, noyé dans un tissus d'idées préconçues, de raccourcis, de conclusions hâtives probablement dressé dans une volonté de propagande contre les juifs qui ne sont pas vraiment différenciés des non-blancs. Une lecture difficile, vraiment pénible et désagréable que je ne conseille à personne, pas même à ceux qui comme moi ne pouvaient pas imaginer que Celine soit allé aussi loin dans cette voie détestable de la haine.
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J'ai trouvé ce pamphlet très... chiant. On peut comprendre qu'un mutilé de guerre avec une balle qu'est pas ressortie de sa tête se défoule en crachant sur l'humanité - même si dans la vie Céline était en fait un mec sympa - mais comme d'autres écrivains fous, Hemingway, Arthaud, il n'a tiré aucune leçon de la vie et se contente de vendre du papier.

Et je me suis pas senti émoustillé par le passage où il crache sur ses copains juifs parce qu'ils veulent pas le faire rentrer tout de suite dans leur réseaux de piston. A une époque où l'antisémitisme était à la mode, c'était vendeur, et, vu qu'on traverse une nouvelle époque où l'antisémitisme est à la mode, ça se vend toujours bien.
Lien : http://punkcoders.free.fr/
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