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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
De Louis-Ferdinand Céline, je ne connaissais que Voyage au bout de la nuit, une lecture longue et laborieuse pour moi dont je n'étais venue à bout qu'avec beaucoup de volonté et de persévérance…
Je suis tombée par hasard sur ce court récit, à peine 128 pages, ignorant tout d'abord que Semmelweis était en fait le sujet de la thèse de doctorat en médecine de l'auteur, soutenue en 1924, considérée plus tard comme sa première oeuvre littéraire, car republiée, à peine remaniée dès 1936.

En ces temps de pandémie de Covid-19, ce livre résonne de manière très particulière…
Semmelweis est un titre éponyme, du nom d'un médecin obstétricien hongrois qui, au milieu du XIXème siècle, s'attaqua aux causes de la fièvre puerpérale qui frappait les femmes après leur accouchement et provoquait leur mort dans des proportions considérables et batailla pour imposer le lavage des mains dans les pratiques médicales et hospitalières.
En fait, cette thèse de doctorat, au style paradoxalement très littéraire, retrace la vie et les recherches de Philippe Ignace Semmelweis et ses démêlés avec ses pairs et les grandes instances médicales de son époque.
Nous frémissons aujourd'hui en lisant que les étudiants en médecine passaient sans transition de la dissection des cadavres à l'examen gynécologique des femmes enceintes, que les médecins examinaient l'une à la suite de l'autre, des femmes atteintes de cancer, prêtes à accoucher, etc. sans la moindre hygiène des mains entre les différentes activités. Quant à l'inertie, voire l'attitude franchement négative de l'ensemble du corps médical face aux intuitions, puis aux recherches et finalement aux solutions de lavage et désinfections des mains proposées par Semmelweis, elles donnent vraiment à réfléchir sur les motivations profondes des preneurs de décision, sur leur incapacité à se remettre en question.

Voilà un texte, le premier livre de Céline, qui me réconcilie avec cet écrivain que je jugeais difficile. C'est argumenté, documenté, bien écrit, efficace et concis… On est loin de l'oralité et de la logorrhée de Voyage au bout de la nuit ; pourtant, il m'a semblé sentir comme une tension, une retenue entre les lignes, comme si l'étudiant en médecine était parfois sur le point de laisser transparaître son amertume ou sa colère, mais qu'il devait rester maître de lui devant le jury.
L'histoire de Semmelweis provoque chez le lecteur toute une panoplie d'émotions et de ressentis : admiration devant sa persévérance, colère devant le refus de voir l'évidence de la part de la communauté médicale, horreur devant le nombre de décès qui auraient pu être évités si on l'avait écouté plus tôt…
La fin tragique du médecin, qui se contamine peut-être volontairement, provoquant une septicémie, avant d'être interné en hôpital psychiatrique est révoltante, injuste mais révélatrice d'une société difficile à sortir de ses contradictions et de ses intérêts mal placés.
Aujourd'hui, le grand public se souvient de Pasteur… Qui connaît le nom de Semmelweis et son rôle de pionnier ?

Un court récit que je recommande.

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Thèse de Louis-Ferdinand Céline. La dédicace qui accompagne ce livre est de celles qu'on n'oublie pas.

Ignace Philippe Semmelweis est un médecin austro-hongrois engagé dans la lutte contre les maladies puerpérales et pour la promotion de l'asepsie. D'abord intéressé par la chirurgie, il a de grands projets. « Il ne sait pas encore par quel côté il va entreprendre une réforme grandiose de cette chirurgie maudite, mais il est l'homme de cette mission, il le sent, et le plus fort est qu'un peu plus, c'était vrai. » (p. 48) C'est finalement en obstétrique qu'il exercera ses talents. Convaincu que les infections puerpérales ont un lien avec les dissections cadavériques qu'effectuent les élèves étudiants qui procèdent également aux accouchements, Semmelweis tente d'imposer ses vues sur l'hygiène et la désinfection des mains. « Puisque, pensa-t-il, Kolletchka est mort des suites d'une piqûre cadavérique, ce sont donc les exsudats prélevés sur des cadavres qu'on doit incriminer dans le phénomène de la contagion. » (p. 69 & 70)

Mais il se heurte à son supérieur, le docteur Klin qui réfute ses idées. Semmelweis ne sait pas négocier ni imposer ses vues en douceur. « Nous devons à la vérité de signaler un grand défaut de Semmelweis : celui d'être brutal en tout et surtout pour lui-même. »(p. 41) Il s'oppose profondément et durablement au Dr Klin. Soutenu par une faible poignée de médecins viennois, dont ses maîtres Skoda et Rokitansky, il désespère de sauver les accouchées qui se pressent dans les hôpitaux et qu'une simple précaution pourrait épargner. Moqué et contredit par ses confrères viennois et européens, il rentre en Hongrie en 1848 pour retrouver un pays secoué par des troubles politiques. C'est là qu'il finira sa vie et sa carrière, sans atteindre une reconnaissance pourtant méritée. « Quant à Semmelweis, il semble que sa découverte dépassa les forces de son génie. Ce fut peut-être la cause profonde de tous ses malheurs. » (p. 101)

La collection L'Imaginaire de Gallimard ne sait pas me décevoir, cette fois moins que jamais. La préface de Phillipe Sollers est limpide et met en perspective le grandiose projet d'une vie funeste avec la grande Histoire. « Il y a la littérature, c'est-à-dire une tentative désespérée de compréhension de l'Histoire comme pathologie. » (p. 10) Dans un objectif follement scientifique, Céline voudrait tout assimiler à l'anatomie : les soubresauts du monde sont les manifestations cliniques de sa morbidité. le fait même que Semmelweis n'ait pas été reconnu est la preuve que ce pauvre monde nourrit son propre cancer.

Nul n'ignore que Céline était médecin. Il a choisi une grande figure du monde médical pour sa thèse. Difficile de ne pas faire le parallèle entre le médecin hongrois qui finit fou et l'auteur désespéré qui signa Bagatelles pour un massacre. Semmelweis expérimenta « le danger de vouloir trop de bien aux hommes » (p. 15) Céline fit la même déplaisante expérience. Si l'on peut dire de Semmelweis qu'« humainement, c'était un maladroit. » (p. 50), il est possible de tenir les mêmes propos au sujet de l'auteur français.

Cette courte lecture diffère radicalement de mes expériences avec Mort à crédit et Voyage au bout de la nuit. On est loin de l'oralité dont Céline s'était fait le chantre. Mais on retrouve une plume tourmentée qui s'élance et se retient tout à la fois. le plaisir que j'ai pris à cette lecture est sans doute le plus grand depuis un moment. Un texte qui fera date cette année.
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Semmelweis et Céline

C'est à l'occasion de la réédition de Semmelweis dans la collection "L'Imaginaire" (Gallimard, 1999) que la revue le Concours médical a, sous la plume de Francis Klotz, consacré cet article à cette grande figure de la médecine que Louis Destouches choisit en 1924 comme sujet pour sa thèse de doctorat en médecine. Évocation toujours d'actualité selon cet éminent praticien, chef d'un service de pathologie digestive en Bretagne.



Louis-Ferdinand Céline, écrivain et médecin, brossa un tableau morbide et cru de l'homme et de la société de la première moitié du XXe siècle. Avec un style truculent et un regard d'écorché vif, il tenta de transmettre cette vision blessée de la société à ses lecteurs et d'exprimer des idées contestées et contestables, basculant dans le délire provocateur à la fin de sa vie.

Le début de son oeuvre fut marqué de manière originale par la rédaction d'une thèse de doctorat en médecine, soutenue à la faculté de Paris en 1924 sur La vie et I'oeuvre de Philippe Ignace Semmelweis.

La réédition de cette oeuvre 1 vient fort à propos, à l'heure où les Comités de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) assurent et contrôlent l'hygiène hospitalière pour tenter d'infléchir certaines conséquences nuisibles de la médecine hospitalière moderne.

Nous sommes heureusement bien loin de l'obscurantisme vécu il y a à peine plus de cent ans par Semmelweis. Étudiant hongrois, il quitta Budapest pour apprendre la médecine à Vienne. Il eut des maîtres prestigieux : Skoda en clinique et Rokitansky en anatomie pathologique. Nommé maître en chirurgie en 1846, il devint professeur assistant de Klin, qui régnait sur une grande maternité de la ville de Vienne. Céline décrit avec brio, dans un style inimitable, la "danse macabre" de la fièvre puerpérale dans les maternités de la capitale autrichienne. Cette véritable hécatombe fauchait un pourcentage effrayant de jeunes femmes atteintes par cette fièvre des accouchées.

Semmelweis, avec perspicacité, mit au jour pour la première fois le rôle de la transmission manuportée du "processus pathogène". Les étudiants en médecine qui venaient examiner les femmes en travail après avoir disséqué des cadavres, sans s'être lavé les mains, furent désignés comme responsables. Il constata que les femmes examinées par les élèves sages-femmes, qui n'avaient pas accès à la salle d'anatomie, étaient beaucoup moins souvent atteintes par la fièvre puerpérale. Il nota également que les femmes qui accouchaient dans la rue, de peur de mourir à l'hôpital, étaient épargnées par la maladie.

Semmelweis, déterminé, engagea le combat pour que les étudiants et les médecins accoucheurs se lavent les mains avec une solution de chlorure de chaux avant d'examiner les patientes. Il eut immédiatement des résultats spectaculaires sur la mortalité, mais se heurta violemment au mandarinat obscurantiste des maîtres de l'obstétrique viennoise et subit toutes les vexations, y compris le sabotage de sa méthode.

Semmelweis était un être passionné et caractériel, persuadé de détenir la vérité. Il campa sur ses positions, seul contre tous, et sombra peu à peu dans la folie, finissant par se blesser volontairement lors d'une dissection. Il mourut, délirant, de "pourriture hospitalière" dans un asile d'aliénés ! Ce combat du précurseur de l'antisepsie, cette triste histoire humaine sont brossés de manière inimitable par Louis-Ferdinand Céline.

En cette période d'accréditation de nos structures hospitalières, la lutte contre les infections nosocomiales et la mise en place des moyens d'une hygiène hospitalière efficace sont des sésames incontournables. Les mots "vigilance" et "traçabilité" sont devenus notre quotidien, mais la rigidité des procédures ne doit pas nous faire oublier la clairvoyance de "veilleur de la société" que nous devons garder.



Francis KLOTZ

(HIA Clermont-Tonnerre, Brest-Naval)

1. L.-F. Céline. Semmelweis (préface inédite de Philippe Sollers), Éd. Gallimard, coll. "L'Imaginaire", 1999, 128 p. Cette édition comporte une utile bibliographie sur Semmelweis établie par Jean-Pierre Dauphin et Henri Godard, ainsi que différents textes parus après la soutenance de la thèse célinienne.




Lien : http://louisferdinandceline...
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Des décennies pour appliquer les méthodes simples d'asepsie qui auraient évité des milliers de décès, par la faute de médecins imbus de leur pouvoir et d'une certaine idée de leur fonction
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C'est la thèse de Louis-Ferdinand Céline, publié en 1924. C'est la vie et l'oeuvre de Philippe Ignace Semmelweis (1818-1865). Semmelweis est un génie bizarre, il a découvert l'asepsie mais a voulu l'imposer par l'entêtement et l'insulte à un monde médical qui n'a pas la moindre antériorité pour intégrer à sa pensée et à ses pratiques le fait de se laver les mains. S'ensuit un acharnement contre lui, alors qu'il avait absolument raison et que ce qu'il a mis fugitivement en place est en application partout.


Semmelweis a appliqué la méthode scientifique : il a observé. Il a observé que les femmes en couche mouraient fréquemment d'infection puerpérale. Tout d'abord, il a observé une différence de mortalité entre deux maternités voisines, les femmes le savent et le disent qui prient de tomber du bon côté (elles sont placées selon leur arrivée). Semmelweis a également observé que les femmes qui n'avaient pas le temps d'arriver à la maternité étaient moins atteintes. Il a cherché les « variables » : l'établissement le moins performant fait appel à des étudiants et l'autre non. Il fait déplacer les étudiants et la mortalité suit les étudiants. Ils remarquent que lesdits étudiants ont disséqué des cadavres, ils ont peut-être rapporté sur leurs mains des « choses » mortelles, ce qui était repérable à l'odeur de leurs mains. Semmelweis leur fait laver les mains et la mortalité baisse.
Se laver les mains n'avait aucun sens dans l'esprit scientifique de l'époque. Il faudra attendre Pasteur quelques années plus tard pour avoir une reconnaissance complète de ces animalcules porteurs de maladies, les microbes. Sommé de donner des explications, Semmelweis n'en a pas, il propose des « expériences pour voir ». Il voulait tenter le hasard. le pragmatisme devrait suffire : d'abord, on voit que cela fonctionne et on cherche ensuite d'où cela vient, les antécédents, les explications. Les médecins supportent mal le fait qu'ils pourraient être eux-mêmes vecteurs de la maladie : « les mains peuvent être infectantes ». Semmelweis est calomnié par le directeur de la maternité et doit partir.
D'autres maternités dans le pays pratiquent le lavage des mains, sans résultats, selon eux. Il semble bien que l'orgueil des médecins l'emporte sur toute autre considération, ils ne peuvent admettre que la maladie vienne d'eux.
« Mais décidément, la raison n'est qu'une toute petite force universelle, car il ne faudra pas moins de quarante ans pour que les meilleurs esprits admettent et appliquent enfin la découverte de Semmelweis. Obstétrique et Chirurgie refusèrent d'un élan presque unanime, avec haine, l'immense progrès qui leur était offert. »
Semmelweis et sa méthode a des soutiens chez les courtisans mais ils ne font pas le poids dans les rapports de pouvoir des commissions, du ministère…etc.
La mort de son professeur avec les mêmes symptômes que les accouchées victimes de la fièvre puerpérale à la suite d'une coupure lors de la dissection d'un cadavre conforte Semmelweis dans ses observations « statistiques ». le suicide d'un autre professeur qui déclare par écrit qu'il se sent responsable de la mort de sa cousine en couche parce qu'il n'a pas suivi les recommandations de Semmelweis l'affecte particulièrement.
On l'avait cru assagi, soumis à cet avis de la communauté scientifique : il attendit de devenir lui-même directeur d'une maternité pour reprendre son combat pour cette pratique hygiéniste, du côté de la santé, du côté de la vie, contre la mort. Sans plus de succès que la première fois. Il semble probable, puisque nous savons, nous, l'intérêt de la propreté des mains, que l'on ait volontairement infecté les accouchées pour donner tort à ce médecin à qui tout le monde donnait tort depuis si longtemps !
« Quand on fera l'Histoire des erreurs humaines, on trouvera difficilement des exemples de cette force et on restera étonné que des hommes aussi compétents, aussi spécialisés, puissent dans leur propre science demeurer aussi aveugles, aussi stupides.
Mais ces grands officiels ne furent pas qu'aveugles, malheureusement.
Ils furent à la fois bruyants et menteurs et puis surtout bêtes et méchants. »
Comme il est difficile d'admettre qu'il y ait des victimes, au sens de victimes parfaites, c'est-à-dire recevant l'agression sans y participer, sans pouvoir l'empêcher, Céline cite bien le mauvais caractère de Semmelweis, le fait qu'il insulte ses détracteurs, et considère que peut-être, d'autres à l'esprit plus large et plus ambitieux seraient parvenus à imposer cette hygiène des mains.
La science finit toujours par se mettre à l'école du réel et l'entêtement idéologique finit toujours par sombrer. Une des questions est de savoir combien de morts auraient été évitées si l'impératif scientifique avait été accepté et mis en oeuvre par les scientifiques eux-mêmes dès ses premières manifestations.
« Rien n'est plus fort qu'une idée dont l'heure est venue. » aurait dit Victor Hugo. Mais rien n'est plus dressé contre celle ou celui qui la dit, rien n'est plus dangereux pour l'auteur ou l'autrice qu'une idée dont l'heure n'est pas encore venue.
« Tout s'expie, le bien comme le mal, se paie tôt ou tard. le bien, c'est beaucoup plus cher, forcément. » et « La bonté n'est qu'un petit courant mystique parmi les autres et dont on tolère difficilement l''indiscrétion. » Céline aurait acquis dans cette thèse sa misanthropie, difficile en effet d'aimer la vie et d'aimer l'Homme quand on voit cet écrasement du bienfaiteur par les puissants installés au pouvoir, quand on voit cette malfaisance instituée contre l'évidence, contre les lois que lesdits hommes de pouvoir ont la charge de garder et de faire fructifier.

Lien : http://www.agoravox.fr/tribu..
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