(je ne sais pas vers quoi je marche ; mais je sais bien ä quoi je tourne le dos)
Quand un enfant naît, avant même de savoir s'il verra ou s'il entendra, nous savons qu'il mourra. La seule fée qui se penche sur tous les berceaux, c'est la Mort, Carabosse suprême. Elle vient planter la graine de toutes les peurs, de tous les désespoirs. Mais c'est de ce désespoir même qu'est né aussi tout ce que les hommes ont réalisé de beau, de grand, de vrai
Dans mes meilleurs moments j'éprouve devant la mort la curiosité tremblante des enfants qui attendent derrière la porte, le matin de Noël.
Il faut prendre toute douleur, toute contrainte, toute solitude involontaire comme un apprentissage de la mort. Toute joie aussi.
La mort inverse, d'un coup, la situation : elle nous fait retrouver ceux que nous aimions et nous languir de ceux que nous aimons.
(cet instant entre tout et rien - ou plutôt entre rien et tout)
Lorsque j'étais enfant, j'étais sûr que j'aurais eu le courage de mourir avec Jésus pourvu qu'à aucun moment je ne l'eusse quitté du regard. La recette demeure valable.
Il faut marcher du même pas dans la vie et vers la mort : c'est la seule façon de franchir la frontière sans trop d'appréhension. Mais choisissez votre pas à l'avance.
La bague de la morte,
Je l'ai mise à mon doigt
- et c'est une alliance
Plus forte que la vie
Qui m'a pris par la main,
Me guide et me conduit
Par le même chemin...
(ils auraient peut-être moins peur si, au lieu de songer qu'ils vont comparaître devant Dieu, ils songeaient que Dieu va leur apparaître.)