Le deuil ne nous a pas rapprochés. Au contraire, il nous aurait plutôt éloignés. Parce qu'il a brisé notre vie, parce qu'il nous a laissés, seul - chacun dans son coin, aspiré par son propre vide. J'ai découvert la solitude dans sa version écrasante.
Ce fut, dimanche 5 juillet, un joyeux moment. Mais cela restera pour nous, dimanche 5 juillet, notre ultime contact. L'extinction de sa voix, le fading, l'évanouissement du son. Sous peu, la syncope du sens. Ce fut, ce sera également, notre dernier vrai dimanche.
Il s'agit d'un été, de notre détresse ; et de la tentative où je me suis lancé, le 20 septembre, sans attendre aucun miracle de la langue, juste pour témoigner, comparaître en compagnie de Martin devant l'assemblée (the happy few) des lecteurs.
Si j'écris, c'est d'abord par amour.
Pour Martin ; que puis-je faire d'autre pour lui aujourd'hui ?
C'est aussi peut-être afin de ne pas succomber à l'hébétude, à cet effondrement qui vous laisse stupide, muet comme une tombe ; afin d'habiter les mots (les mots anciens, les mots nouveaux) avec lesquels nous vivons.
Martin est mort ! C'est par ces mots que j'ai appris la mort de mon fils. Ce sont les mots choisis par Anne pendant les trois heures épouvantables où elle a été - de nous deux - la seule à savoir.