Quand les âmes se font chant,
Le monde d'un coup se souvient.
La nuit s'éveille à son aube ;
Le souffle retrouve sa rythmique.
Par-delà la mort, l'été
Humain bruit de résonance
Quand les âmes se font chant.
L'infini n'est autre
Que le va-et-vient
Entre ce qui s'offre
Et ce qui se cherche.
Va-et-vient sans fin
Entre arbre et oiseau,
Entre source et nuage.
Mais l'oiseau point d'empreinte
Ne laisse. Son empreinte est
Son vol même. Nulle trace
Autre que l'instant-lieu,
Joie du pur avènement :
Lieu deux ailes qui s'ouvrent,
Instant un coeur qui bat.
Encore un pas nous serons au sommet.
Et nous verrons la mer d'entre les pins.
Ombre frangée d'or, odeur du rêve perdu,
Murmures d'un long après-midi terrestre.
Tout se retrouve : humus, résines, fumées,
Brise d'ici, brise d'ailleurs, trop lointains flots,
Plus loin encore blanche voile noyée de larmes.
Dis donc ce qui vient de toi.
Dis tout ce qui te soulève
Au- dessus des contingences.
Le monde attend d'être dit,
Et tu ne viens que pour dire.
Ce qui est dit t'es donné:
Le monde et son mot de passe.
Que de l'autre royaume nous revienne
Ce que nous croyions perdu. Que reviennent
Ceux qui en s'éloignant n'avaient rien dit ;
Que leur cri muet soit notre pain quotidien.
Que revienne entière l'âpre déchirure :
Morsure et remords sont d'un seul tenant,
Douleur et douceur se tiennent l'une par l'autre.
Lumière juste érigée
En chemins, en collines,
En cyprès...choses lointaines
Ou proches que jamais
Nous n'avons révélées,
Faute de mots exacts
Et d'un cœur transparent.
.
S’abîmer en toi au plus secret
De soi, au creux de ce qu’on n’avait
Osé dire et espéré. Le monde est là,
Tel qu’il était dans l’enfance, jailli
Du dedans, clair et rond, rond le ciel,
Ronde la terre. Plain-chant le fruit.
A l’unisson mésange et cascade.
Dis donc ce qui vient de toi.
Dis tout ce qui te soulève
au-dessus des contingences.
Le monde attend d'être dit,
Et tu ne viens que pour dire.
Ce qui est dit t'est donné :
Le monde et son mot de passe.
Nous avons contourné l'automne, résolus
À ne plus mourir de nostalgie, à laisser
Les arbres porter haut leur cime, et le pré
Dévaler vers l'étang où une feuille, en sa chute
Troue le reflet du ciel. Entre racine et feu
Nous advenons regard, nous advenons visage
Et le mot sera dit, et "tu ne mourras pas".