Le devoir de mémoire. Un sujet plus complexe qu'il n'y paraît, jusqu'où peut-on aller pour creuser les tréfonds de l'Histoire.
1918, 1944, 2020. Un passé pas si lointain, quelques rares témoins encore présents d'une époque, la seconde, dont les liens sont indéfectiblement liés au début du siècle et au siècle nouveau. Les traces sont là, il faut arriver à les suivre.
Mon coeur restera de glace n'est pourtant pas un livre de guerre, pas au sens premier. L'histoire se déroule en trois temps, mais les scènes durant les deux conflits sont davantage des instantanés qui mettent en avant des individus ordinaires, que le sang va lier à travers le temps. Jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un témoin, du côté allemand, dont on attend qu'il raconte. La grandeur de l'Histoire n'est en fait que la combinaison de petites histoires.
Voilà un récit court mais percutant, sombre mais strié de rais de lumières (qui font tout aussi mal, à leur manière), brutal mais d'une vraie beauté stylistique.
Ce roman est une arme à deux coups. Métaphoriquement, le premier vous frappe au coeur à travers un récit qui ne peut laisser insensible. le second vous touche à la tête, tant l'écriture est ciselée, travaillée. Émotions et réflexions.
Voilà un livre qui n'est pas facile à appréhender. Pas le genre qu'on peut lire en pensant à autre chose. Il mérite investissement et attention pour apprivoiser cette écriture subtile et parfois violente.
Eric Cherrière est écrivain, réalisateur et scénariste (Grand Prix du festival de Cognac pour le film « Cruel »). Un talent protéiforme, très personnel, original. Une approche poétique dans la manière de donner de la force aux émotions par le pouvoir de mots choisis, par le soin apporté au style.
Et c'est bien cette écriture si travaillée qui rend ce roman inclassable. L'histoire est forte (certaines scènes sont vraiment dures), les personnages tout autant, et c'est cette plume ambitieuse qui rend la lecture singulière.
On pourrait croire, avant de le lire, que le roman est bien court. Mais au final il est très bien ainsi. La puissance de ces mots n'a pas besoin de davantage d'espace, et la profondeur de la forêt où se déroule une partie du récit vous happe en quelques pages. Ambiance.
Il est question de transmission, de ceux qui gardent une part d'humanité ou au contraire retournent vers leur animalité, quel que soit le camp.
Si vous êtes à la recherche d'un roman à l'écriture soignée et à la construction atypique, mises au service d'âpres émotions, votre coeur ne devrait pas rester de glace à la lecture du nouveau livre d'
Eric Cherrière.
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