Citations sur Bone (22)
Mais dans ce pays, quand vous perdez, vous perdez pour de bon. On vous donne juste de quoi survivre, et en échange, on vous vole votre amour-propre. Cette société ne vous laisse pas mourir, elle vous en donne envie.
Cette femme avec sa beauté très particulière possédait une forte emprise sur son âme. C'était sa voix qui avait tracé ce chemin sonore qu'il avait suivi pour émerger de l'oubli ; c'était sa ténacité et sa compassion, en fin de compte, qui lui avaient sans doute sauvé la vie.
- Vous ne pouvez pas imaginer l’état de certaines personnes que nos patrouilles des rues…
- Les patrouilles des rues ?
- C’est ainsi que nous appelons les équipes mobiles qui travaillent pour la HRA, la Human Resources Administration, un organisme municipal. Les individus qu’ils nous ramènent souffrent très souvent de maladies telles que la tuberculose ou la gale, ils ont des engelures, j’en ai même vus atteints de la peste ou du choléra. On doit presque tous les épouiller avant de les installer dans un lit. En hiver et au début du printemps, pas un jour ou presque ne se passe sans que nous devions amputer un clochard à cause de la gangrène consécutive aux engelures, et il n’est pas rare que nous soyons obligés de couper les doigts ou les orteils d’une personne que nous avons déjà soignée. Bref, par rapport à tous les sans-abri que nous accueillons ici, vous constituez une exception frappante.
- Comment la municipalité peut-elle tolérer ça ?
- Tolérer quoi ?
- Que des gens sans foyers meurent de la tuberculose et des autres maladies que vous avez mentionnées. Comment peut-on laisser des gens mourir de froid en hiver ?
Dormir auprès de Jésus l'avait toujours protégée jusqu'à maintenant ; mais ce soir, les voix électriques avaient réussi à pénétrer dans ce sanctuaire. Voguant sur les vents âpres du début avril, enveloppés de ténèbres, copiant le langage primitif et le zézaiement de la pluie, les Orateurs — ils étaient trois cette fois-ci — l'avaient retrouvé peu après minuit. En d'autres occasions, quand les Orateurs l'avaient découverte à cet endroit, Jésus les avait convaincus de s'en aller et de la laisser en paix ; mais ce soir Hô Chi Minh n'avait eu de cesse de défier Jésus et de persuader les autres de l'imiter ; pendant deux heures, les Orateurs avaient juré et craché, ils lui avaient uriné dessus depuis le paquet de nuages noirs frémissants que le Sauveur de pierre tenait au-dessus de sa tête dans ses bras tendus.
Il passa le restant de l’après-midi à errer dans les salles de détente du refuge, puis il se promena dans les rues alentours, observant les visages avec l’espoir d’y déceler un signe de reconnaissance. Mais sur cette multitude de visages, vieux et jeunes, hommes et femmes, noirs, blancs, latinos, il ne voyait que le désespoir, la solitude et l’échec. Parfois, il ne voyait rien du tout, un vide étrange et inquiétant dans les yeux de ces hommes et de ces femmes affalés dans l’ombre des entrées d’immeubles, ou qui avançaient sur le trottoir en traînant les pieds, tels des zombis. Des dizaines d’ivrognes étaient étalés sur le bitume, certains vomissaient dans le caniveau. La rue de Bowery semblait bordées d’épaves humaines, […]
Tous les psy, excepté Hakim, s’accordent à penser que les probabilités pour qu’une amnésie soit à la fois antérograde et rétrograde sont d’une sur un million ; et dans ce cas, il est impossible qu’un individu puisse poursuivre un raisonnement comme votre ami Bone.
- Vous recherchez une chose que vous avez perdue et que vous ne retrouverez peut-être jamais; Les gens avec qui vous allez cohabiter ont tout perdu, et ils n'ont aucun espoir de le retrouver. Ils n'ont plus rien à quoi se raccrocher, si ce n'est quelques restes de dignité. En face, vous avez un groupe de surveillants mal préparés et mal payés qui savent, ne serait-ce qu'inconsciemment, qu'ils peuvent finir comme les résidents de ce refuge si par malheurs ils perdent leur emploi. Tout cela donne parfois une situation explosive. Des valeurs telles que le respect et le machisme sont très importantes pour ces gens.
Dormir auprès de Jésus l’avait toujours protégée jusqu’à maintenant ; mais ce soir, les voix électriques avaient réussi à pénétrer dans ce sanctuaire. Voguant sur les vents âpres du début avril, enveloppés de ténèbres, copiant le langage primitif et le zézaiement de la pluie, les Orateurs – ils étaient trois cette fois-ci – l’avaient retrouvée peu après minuit. En d’autres occasions, quand les Orateurs l’avaient découverte à cet endroit, Jésus les avait convaincus de s’en aller et de la laisser en paix ; mais ce soir, Hô Chi Minh n’avait eu de cesse de défier Jésus et de persuader les autres de l’imiter ; pendant presque deux heures, les Orateurs avaient juré et craché, ils lui avaient uriné dessus depuis le paquet de nuages noirs frémissants que le Sauveur de pierre tenait au-dessus de sa tête dans ses bras tendus. La douleur provoquée par les voix des Orateurs – des décharges électriques frémissantes qui contractaient ses muscles, faisaient vibrer ses os, lui brûlaient et lui gonflaient les yeux – ne cessait d’empirer ; elle savait qu’il lui fallait échapper aux Orateurs si elle ne voulait pas mourir.
Marilyn Monroe le lui avait dit.
Parfois, il ne voyait rien du tout, un vide étrange et inquiétant dans les yeux de ces hommes et de ces femmes affalés dans l’ombre des entrées d’immeubles, ou qui avançaient sur le trottoir en traînant les pieds, tels des zombies. Des dizaines d’ivrognes étaient étalés sur le bitume, certains vomissaient dans le caniveau. La rue de Bowery semblait bordée d’épaves humaines […].
- Je me souviens d’avoir lu un article sur cet avion rempli de Russes qui retournaient volontairement dans leur pays après avoir vécu ici, pendant plusieurs années pour certains. Ils prétendaient ne pas pouvoir s’habituer à notre mode de vie. Moi, avec mon salaire de cent mille dollars par an, je ne comprenais pas comment on pouvait quitter de son plein gré ce pays de la liberté. Maintenant je comprends. Vous êtes libre ici, mais ça signifie également que vous êtes libre de dégringoler ; d’avoir faim, d’être malade, de perdre votre toit. Oh ! bien sûr, on ne vous laissera pas mourir. Mais dans ce pays, quand vous perdez, vous perdez pour de bon. On vous donne juste de quoi survivre, et en échange, on vous vole votre amour-propre. Cette société ne vous laisse pas mourir, elle vous en donne envie.