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EAN : 9782262004651
561 pages
Perrin (01/11/1987)
5/5   3 notes
Résumé :
De son avènement sur le trône de France, le 11 juin 1775, à 1789, le roi règne sans partage. Une reconstitution de cette époque, marquée par une volonté réformiste du roi se heurtant à l'aristocratie.
Que lire après Louis XVI. Tome 2 : Le roiVoir plus
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ISBN : 9782262004651

Ce volume s'attache à l'étude détaillée de la politique, tant intérieure qu'extérieure, menée par Louis XVI jusqu'en 1788-1789. C'est probablement le tome de la trilogie que l'on risque de trouver le plus ardu et - pour certains - le moins digne d'intérêt. En réalité, ce tome deuxième constitue toute une mine, que nous fait visiter (avec quelle passion ! ) Jean-François Chiappe, sur le caractère de l'un des monarques les plus calomniés et les moins bien compris de notre Histoire - et d'ailleurs de l'Histoire mondiale. Dans le tome I, l'auteur nous rappelait déjà les liens du sang qui rattachaient Louis à Marie Stuart - Guise et Lorraine par sa mère, ne l'oublions pas - ainsi que la fameuse et sibylline devise de la reine décapitée : "En ma fin est mon commencement", devise qui conviendrait tout aussi bien à son lointain parent. Chiappe parlait aussi de l'intérêt que le Dauphin Louis, bien plus cultivé qu'une certaine tradition a voulu le représenter, portait à l"Histoire d'Angleterre" de Hume et, dans celle-ci, au chapitre consacré à la première victime de la "Glorieuse Révolution", Charles Ier, époux par ailleurs d'Henriette de France, fille de notre bon roi Henri. Or, Charles Ier mourut, lui aussi, décapité ...

Ce tome II nous fait plonger au coeur de la politique de Louis XVI mais aussi au coeur d'une personnalité dont Chiappe, tout en restant d'une rare pudeur sur ce point, ne cesse de nous rappeler le formidable complexe d'infériorité sur lequel se bâtit le monarque. En tant qu'"Oint du Seigneur" et de "Roi Très-Chrétien", Louis XVI n'a jamais douté de lui-même. Mais en tant qu'homme, frère de l'inégalable Louis-Joseph, fils de l'irremplaçable et trop dévot Dauphin et enfin petit-fils de l'incomparable Bien-Aimé, Louis-Auguste n'a jamais cessé de se remettre en question. Sans jamais s'en ouvrir aux autres : héritier du trône puis roi, cela lui était formellement interdit. En outre, même si son siècle commençait à revoir, entre autre, sa vision de l'éducation et de l'enfant, Louis marchait avec lui et ne faisait que pressentir les complexités mentales et psychiques que, au siècle suivant, Freud s'empressera de compliquer encore.

On l'a dit et répété : sur le plan extérieur, la politique menée par Louis XVI et ses différents ministres fut exceptionnelle. Exceptionnelle de détermination, d'audace et d'innovation puisque, n'en déplaise à Mr Obama aujourd'hui, les Colonies américaines n'eussent probablement pu acquérir si tôt leur indépendance sans l'aide militaire et stratégique que leur fournit notre pays. Certes, Louis agissait ainsi surtout pour saper la suprématie anglaise - mais c'était de bonne guerre. Il fallait remonter aux tentatives faites sous le Régent pour voir la France tenter de se réconcilier avec cet "Ennemi Héréditaire" que fut, pendant tant de siècles, la perfide Albion. Sous Louis XV, tout était redevenu normal (avec l'éternel contentieux de la Guerre de Cent Ans), avec d'autant plus de facilité que les monarques britanniques étaient désormais de souche ... germanique. En effet, un an pratiquement avant la mort du Roi-Soleil, Georg Ludwig, Electeur de Hanovre, avait, par le jeu des alliances familiales et des successions, coiffé la couronne de Grande-Bretagne et d'Irlande. Il ne parlait pas un mot d'anglais et ne se donna jamais la peine d'apprendre la langue de ses nouveaux sujets - ses cendres reposent d'ailleurs en terre allemande. Mais il était protestant, et c'était surtout cela qui comptait : tout sauf un Stuart honni et catholique, pour les Anglais, tel était - et resta - le mot d'ordre.

Qu'ils naquissent en Hanovre - ce fut le cas de George Ier et de George II - ou en Angleterre, les souverains britanniques s'entêtaient encore et toujours à régner sur les mers ... et sur le commerce mondial. On l'a aujourd'hui oublié - en tous cas, on ne l'enseigne plus - mais, en ce temps-là, l'Angleterre jouait volontiers au Gendarme du Monde civilisé, ce qui, bien entendu, faisait grincer les dents des puissances continentales. Il est d'ailleurs on ne peut plus piquant de se dire que ce rôle tant envié allait, deux siècles plus tard, être endossé par leurs anciennes colonies outre-Atlantique, devenues les Etats-Unis d'Amérique. Et il est à la fois ironique et un peu navrant tout de même de se dire que, sans la France, tout cela ne serait peut-être jamais arrivé, en tous cas dans les conditions que nous connaissons actuellement.

Bref, Louis XVI et la France permirent l'émergence des Etats-Unis, ce qui n'empêcha d'ailleurs nullement les membres du Congrès de traiter une paix séparée avec l'Angleterre et de placer leurs alliés devant le fait accompli, ce qui ne plut bien entendu pas aux intéressés. Pour la première fois, une monarchie aidait une République à se mettre en place. Les Anglais se dirent-ils, à la chute de Louis XVI, que ce châtiment était bien le seul qu'il méritait ? Une chose est sûre : l'or anglais a beaucoup servi - et Chiappe le démontre maintes fois - à déstabiliser une France où nombre de Philosophes admiraient - on ne voit pas trop pourquoi mais tant pis - le système politique britannique, où l'anglomanie fleurissait chez les plus proches du Trône (tel le comte d'Artois, qui demeura pourtant fidèle à son aîné, et, bien sûr, le duc d'Orléans qui, lui, devait faire basculer le vote de l'Assemblée en faveur de la mort de Louis) et où, fidèle à ses tics habituels et séculaires, le peuple français dans son intégralité trouvait que, ailleurs, l'herbe était bien plus verte.

Un fait cependant est indéniable : la croissance de la dette. C'est sur ce plan strictement intérieur que Louis XVI se révèle parfois trop influençable ou indécis ou encore, ce qui le perdra, pas assez déterminé sur la longueur de l'expérience. Il renvoie l'abbé Terray, qui avait pourtant réussi à réduire le déficit, ne voit pas les erreurs pratiques d'un Turgot dont la théorie ne pouvait se révéler excellente qu'à long terme, troque le rigide baron pour un Necker à qui vient l'idée baroque de publier au grand jour l'Etat des finances du pays (et encore en se référant à des calculs qui ne sont pas tout à fait aussi orthodoxes qu'on devrait en attendre d'un aussi grand expert-comptable), renvoie aussi le Genevois pour le remplacer par un Calonne brillant, talentueux mais dont la méthode foncièrement turgotique est desservie par ce que nous appellerions aujourd'hui une campagne de presse mensongère et éhontée (eh ! oui, à cette époque aussi, la presse était aux ordres de ceux qui avaient suffisamment d'or pour la circonvenir, à savoir essentiellement les Anglais et la clique d'Orléans ), et enfin, au dernier acte, rappelle un Necker qui, malgré toute son adresse, tout son crédit et toute son intelligence - car le personnage est intelligent et même intègre, chose rare pour un banquier : Chiappe ne lui reproche en fait que son narcissisme - n'en peut plus mais. La machine est en marche et les Etats généraux convoqués. Avant cela, Louis a tenté une dernière manoeuvre : réunir l'Assemblée des notables afin de tenter de régler le problème financier. Mais les Parlements, ces Parlements que le jeune roi, encore tout imprégné de Fénelon, avait commis l'erreur de rappeler lors de son accession au trône, rompant ainsi avec la volonté de son grand-père qui se méfiait, avec raison, de tous ces robins, exercent une telle pression sur les notables que ceux-ci se refusent à trancher, acculant par là-même Louis XVI à la convocation des Etats.

En tentant de s'enfoncer dans la psyché de Louis XVI, Chiappe nous ramène à une question que le XXème siècle, lui, s'est posé souvent quant à ses gouvernants : les maladies dont ils souffrent influent-elles ou non sur leurs capacités politiques et, si oui, devrait-on, dans ce cas, les démettre de leurs fonctions ? Physiquement, Louis XVI avait échappé à la tuberculose qui avait frappé son frère aîné et qui, si l'on doit en croire les rapports officiels, mit fin à la vie de l'enfant mort au Temple. Mentalement, c'était un homme de bon sens. Mais, après l'Affaire du Collier - évoquée dans ce tome et dont nous reparlerons - et avec les libelles de plus en plus infâmes qui attaquent la Reine, semble se produire une cassure. L'un de ses écuyers le trouvera, Chiappe l'assure, assis dans l'herbe et pleurant à chaudes larmes sur des pamphlets contre Marie-Antoinette qu'il lisait alors que, logiquement, il aurait dû continuer à chasser. En outre, fait tout aussi grave - sinon plus car il ressuscite le traumatisme central de l'enfance du roi, le destin gâché de son frère aîné et, bien sûr, la transmission du titre d'héritier du trône à un enfant qui, à l'origine, n'était pas fait pour le porter - le petit Dauphin (également prénommé Louis-Joseph, comme son oncle emporté trop tôt) est gravement malade. Là encore, la tuberculose. Elle emportera l'enfant le 4 juin 1789. Les noms, les dates parlent : le passé - son passé - rattrape Louis XVI, et dans une période où, justement, le monarque a besoin de toute son énergie.

Mais Louis XVI est-il encore en phase avec son destin de roi ? Plus précisément, en voit-il toujours avec autant de netteté l'aspect temporel ? Ne s'apprête-t-il pas, avec cette humilité et cette noblesse qu'il sut toujours garder dans les moments les plus critiques, sacrifier ce temporel à l'aspect spirituel de sa charge ? ... Consciemment ou non, Louis, fortement dépressif comme nous le dirions aujourd'hui, n'a-t-il pas perdu le goût de vivre ? Tout semble lui filer des mains. Lui, le premier de nos rois à se vouloir à tous prix "populaire" - en ce sens-là aussi, il innove - se voit incompris, dédaigné, humilié par un Peuple qu'il a aimé avec une passion qu'on ne retrouve que chez son aïeul Henri IV. Son fils, en mourant, s'apprête à laisser la couronne à son cadet, le petit duc de Normandie. L'Histoire se répète dans ce qu'elle a de plus familial et de plus triste. Car Louis-Auguste, le "petit Berry", finalement, n'était pas fait, à l'origine, pour être roi ... ;o)
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... Si doué que soit Calonne [= ministre des Finances], si riche de promesses qu'ait été son action, sa chute présente moins d'intérêt en elle-même que l'étrange lumière dont elle baigne la physionomie du Roi. Jusqu'à présent, il s'est montré, après les décisions délicates à prendre dans les premiers mois du règne, assez sûr de lui, même s'il s'est accordé le temps de la réflexion. Au jour le jour, donnant l'exemple tout à la fois de la modestie et de l'autorité, il s'est initié sans heurt à son métier. Lorsque des ministres ont cessé de lui donner satisfaction, il les a congédiés, non sans élégance, les maintenant dans des fonctions honorifiques, ouvrant largement sa cassette afin de leur offrir des compensations. Changeant parfois les hommes, il n'a point varié dans sa politique. Certes, il a laissé pratiquer des économies inopportunes en restreignant, en supprimant même trop d'unités de sa maison militaire au lieu de procéder à des retranchements plus considérables dans le domaine civil. A coup sûr, il a, par amour, laissé sa femme négliger ses devoirs de représentation pour s'enfermer dans un petit clan, sans doute honorable mais ruineux. Enfin, et toujours par amour, il a mal manoeuvré dans l'affaire du Collier par excès de confiance dans la magistrature. On pourrait relever d'autres erreurs, telle l'ordonnance Ségur [= qui exigeait désormais quatre quartiers de noblesse pour les militaires avant l'obtention de l'épaulette], et l'on est en droit de penser qu'il eût mieux valu dominer Turgot et assouplir son programme plutôt que de se priver entièrement de son concours. S'il fallait un bilan, on le jugerait positif jusqu'au soir de Pâques 1787. A partir de ce jour, un ressort se brise. Louis XVI régnait et gouvernait, même s'il accordait de larges délégations. Désormais, il va régner sans gouverner ou, à tout le moins, donner cette apparence en entrant fréquemment en contradiction avec lui-même. Il ne présente toutefois aucun signe de déficience physique, continue de mener une existence très régulière, n'inquiète pas ses médecins. Une seule anomalie : sa passion pour la chasse se situe maintenant en-dehors des limites raisonnables. S'il ressent le besoin de se dépenser, luttant du même coup contre une tendance à l'embonpoint, s'il trouve, comme ses aïeux, un plaisir extrême à découpler, il prend des risques extravagants. D'évidence, il cherche à s'étourdir. Un jour, le prince de Lambesc le trouve, assis dans l'herbe, sanglotant à la lecture d'écrits anonymes calomniant Marie-Antoinette. Sa tendance à l'éloignement se précise. Il se mure toutes les fois qu'il le peut sans manquer à ses obligations. Ses enfants sont encore trop jeunes pour qu'il puisse s'en occuper efficacement. En outre, le Dauphin continue à inspirer des inquiétudes. Le Louis XVI radieux du voyage de Cherbourg retrouve le caractère taciturne de son enfance. Il n'a pas atteint trente-trois ans qu'il a perdu son enthousiasme, se fige, croit toujours en son principe mais paraît douter de lui-même et des autres. ... [...]
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[...] ... Trois méchancetés vont cependant voiler le bonheur de Marie-Antoinette [lors de la naissance de son premier enfant]. Au jour même de la naissance, alors que l'Hôtel de Ville, les Invalides, le Luxembourg, le Palais-Bourbon, où nichent les Condé, scintillent sous les lanternes et les pots à feu, le Palais-Royal, gîte des Orléans, demeure dans l'ombre. Passant devant le noir édifice, la comtesse de Rostaing, épouse d'un artilleur distingué, s'écrie, et le mot fera le tour de la ville :

- "Oh ! Mon Dieu, voilà une illumination qui a l'air de bouder !"

Deuxième fausse note : le lundi 8 février 1779, lorsque le souverain et son épouse se rendent à Paris pour de nouvelles festivités, les acclamations, crépitantes chez les échevins, fournies à la Cité, se font rares devant Notre-Dame. Elles reprennent bien au Pont-Neuf, grâce aux marchandes d'oranges, mais s'éteignent à nouveau aux abords de la place Louis-XV. A la Reine, affectée de cette tiédeur, M. de Mercy [= ambassadeur d'Autriche à la cour de France] fournit cette explication : "L'idée de la dissipation des dépenses qu'elle occasionne, enfin de l'apparence d'un désir immodéré de s'amuser dans un temps de calamités et de guerre, tout cela peut aliéner les esprits et demande un peu de ménagement."

Troisième fausse note : lors du baptême de Madame Royale, en l'église Notre-Dame de Versailles, le comte de Provence [= Louis Stanislas, frère cadet du Roi, dit "Monsieur" et futur Louis XVIII] représente le parrain, Charles III [= roi d'Espagne]. Le cardinal de Rohan va conférer le sacrement. Monsieur lui fait observer qu'il faut respecter la première formalité : indiquer le nom du père de l'enfant. Il se trouve des assistants pour sourire de manière entendue. L'éminence, distraction ou légèreté, ne pipe mot. Le curé se garde de tout commentaire. Nul ne s'étendra sur cette grossièreté sans nom, et pourtant lorsque l'on connaît les rancunes de Marie-Antoinette et certaines susceptibilités du Roi, n'est-on pas en droit de supposer qu'une affaire dont une reine trop étourdie et un prélat trop préoccupé du siècle seront l'un et l'autre - l'un contre l'autre - les victimes, n'aurait jamais éclaté ? A quoi bon, toutefois, vivre à l'avance des heures grises ? Louis XVI est père. Les temps les plus difficiles semblent passés. C'en est fini des incertitudes. ... [...]
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Video de Jean-François Chiappe (3) Voir plusAjouter une vidéo

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Suite à la diffusion du film "L'enlèvement des Sabines" de Richard POTTIER, Joseph PASTEUR reçoit les historiens Claude NICOLET, Raymond BLOCH, Gilbert Charles PICARD et Jean François CHIAPPE pour débattre de la part imaginaire ou réelle des origines de Rome.
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