A.B.C contre Poirot

Alors, nous parlerons ! Je vous assure, Hastings, qu'il n'y a rien de plus dangereux que la conversation pour quelqu'un qui a quelque chose à cacher ! Le langage, m'a dit un jour un vieux Français fort sage, a été inventé par l'homme pour l'empêcher de penser. C'est aussi un moyen infaillible pour découvrir ce qu'il cherche à dissimuler. Un être humain, Hastings, ne peut résister à l'occasion d'étaler son ego que lui offre la conversation. Chaque fois, il se trahit.
P241,242

Un meurtrier est un joueur, toujours. Et, comme tous les joueurs, il ne sait pas s'arrêter. À chaque rime, sa confiance en ses capacités augmente. Il perd donc tout sens de la mesure. Il ne se dit pas : "j'ai été malin et j'ai eu de la chance », il se dit : "j'ai été malin ! » Point final.
Là-dessus, il se fait une idée de plus en plus haut de son intelligence. Mais la roulette tourne, mes bons amis, et la série des noirs se termine... La boule s'arrête sur un autre numéro et le croupier annonce : « Rouges ! »
P191

Chacun de nous sait quelque chose à son sujet. Si seulenent nous savions ce que nous savons !Je suis convaincu que ce savoir, nous l'avons en nous, et qu'il suffit de le retrouver.
P178

Je pars du principe que l'un de vous - ou peut-être vous tous - sait quelque chose qu'il ne sait pas lui-même savoir.
Tôt ou tard, grâce à votre association, un détail apparaîtra et prendra un sens que nous n'imaginons pas encore. C'est comme un puzzle, donc : chacun de vous peut se trouver en possession d'une pièce apparemment sans signification, mais qui, une fois assemblée avec d'autres, fera apparaître un pan au tableau.
P147

— J'ai déjà dit à Hastings que je suis comme une prima donna qui accumule les fausses sorties, fit remarquer Poirot avec un sourire.
— Je ne serais pas surpris que vous finissiez par élucider le mystère de votre propre mort, lança Japp avec un gros rire. Ah ! ça, pour une idée, c'est une idée ! Ça vaudrait même le coup d'en faire un livre.
— C'est Hastings qui devra s'en charger, répondit Poirot avec un clin d'œil dans ma direction.
— Ha, ha ! Pour une bonne blague, ce serait une bonne blague, pas vrai ? s'esclaffa Japp.

— C'est donc là votre idée de la crème des crimes?
— J'étais sûr que vous ne seriez pas d'accord.
Poirot me jeta un regard de commisération.
— Vous venez de me faire une très jolie compilation de la quasi-totalité des romans policiers écrite à ce jour.
— Merci quand même ! Et vous, que commanderiez-vous ?
Poirot ferma les yeux et se cala dans son fauteuil.
— Un crime tout simple, ronronna-t-il. Un crime sans complications. Un crime domestique... sans passion, intime.
— Comment un crime pourrait-il être intime?
— Imaginons quatre personnes autour d'une table de bridge et une cinquième, l'outsider, assise devant la cheminée. A la fin de la soirée, l'outsider est retrouvé mort. L'un des quatre joueurs s'est levé et l'a tué quand c'était son tour de faire le mort. Les trois autres, absorbés par la partie, n'ont rien vu. Voilà qui serait un crime pour vous ! Lequel des quatre l'a tué ?

Mon bon ami, nous nous trouvons dans une situation particulière où nous ne savons pas quelles questions poser. Nous sommes comme des gosses qui jouent à cache-cache dans le noir.

— Poirot! répétai-je, sur un ton de reproche, cette fois.
— Que voulez-vous, mon bon ami ? Vous fixez sur moi un regard de chien fidèle et attendez que je vous fasse une déclaration à la Sherlock Holmes ! La vérité, c'est que je ne sais pas à quoi ressemble le meurtrier, ni où il habite, ni comment lui mettre la main dessus.

Si je vous demandais de me raconter votre journée d'hier, vous me répondriez sans doute : « Je me suis levé à 9 heures, j'ai pris mon petit déjeuner à 9 heures et demie, j'ai mangé des œufs au bacon avec mon café, je suis allé au club, etc. » Mais vous ne prendriez pas la peine de me dire : « Je me suis cassé un ongle et j'ai dû le couper. J'ai sonné pour avoir de l'eau chaude. J'ai renversé un peu de café sur la nappe. J'ai brossé mon chapeau avant de le mettre. » On ne peut pas tout dire. Et donc on choisit.

Le langage, m'a dit un jour un vieux Français fort sage, a été inventé par l'homme pour l'empêcher de penser. C'est aussi un moyen infaillible pour découvrir ce qu'il cherche à dissimuler. Un être humain, Hastings, ne peut résister à l'occasion d'étaler son ego que lui offre la conversation.
Chaque fois, il se trahit.