L'affaire Prothero

Jeune homme, vous sous-estimez le goût des habitants d'un petit village comme le nôtre pour l'espionnage. A St Mary Mead, tout le monde sait tout de votre vie privée. Il n'est pas, en Angleterre, de fin limier capable de rivaliser avec une vieille fille désoeuvrée.

Il est tellement extraordinaire de voir Miss Marple moins bien informée que nous qu'il ne me serait même pas venu à l'idée qu'elle eût pu ne pas être au courant des dernières nouvelles.

- Mon devoir, dit-elle. Mon devoir de femme de pasteur. Thé et potins à 4 heures et demi.
- Qui attendez-vous ?
Griselda recensa ses invitées sur ses doigts avec une mine angélique.
- Mrs Price Ridley, miss Wetherby, miss Hartnell et la terrible miss Marple.

- Un remord ? (Miss Marple paraissait toute surprise.) Oh ! mais voue ne croyez pas à sa culpabilité, très cher pasteur ?
Ce fut à mon tour d'ouvrir de grands yeux.
- Mais il a avoué...
- C'est ça ! C'est ça ! dit-elle. Il a avoué ? Eh bien ! mais c'est la preuve, précisément, qu'il n'est en rien mêlé à cette affaire !

- Eh bien fit Griselda, ne lui avez-vous pas dit que cette pendule était toujours en avance d'un quart d'heure ?
- Non, je ne lui ai pas dit, car il ne m'en a pas laissé le temps... J'ai pourtant fait mon possible.
- Mais Len, dit-elle, cela rend la chose tout à fait extraordinaire. Car, tandis que la pendule marquait six heures vingt, il était six heures cinq, et à six heures cinq, le colonel Prothero n'était même pas arrivé à la maison !

Néanmoins, je me sentis très inquiet. Je comprenais que j'avais méconnu la nature d'Anne Prothéro. Elle m'apparaissait à présent comme une femme désespérée, tout entière à sa passion, et que rien ne saurait arrêter. Oui, elle était sauvagement, follement amoureuse de Laurence Redding, comme peut l'être une telle femme d'un homme plus jeune qu'elle.

Pour ce qui est de laisser exploser une rage primitive, il n'y a rien de tel qu'un homme aux principes humanitaires bien ancrés, une fois lancé !

Les jeunes croient par principe que les vieux sont des imbéciles, mais les vieux savent par expérience que les imbéciles, ce sont les jeunes.

Elle a presque toujours raison, et c’est pourquoi tout le monde s’en méfie.

On dit que l’on aime ceux qui aiment, mais le même adage pourrait s’appliquer au meurtre : nul ne saurait rester indifférent à un meurtre.