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Critique de Malaura


La guerre qui fait rage depuis de nombreuses années a tout pris à Monsieur Linh. Son pays ravagé, son village détruit, son fils et sa belle-fille morts dans les rizières, il ne lui reste rien…sauf, le plus important peut-être, qui permet de se raccrocher à l'existence, une vie, une petite vie à s'occuper.
Cette petite vie c'est Sang Liû, sa petite-fille, un bébé de quelques semaines trouvé au milieu du saccage, miraculeusement épargné par les bombes.
Alors, pour cette enfant si calme, si sage, cette petite fille de l'aube, Monsieur Linh a décidé de partir à jamais.
La petite blottie tout contre lui, il a entrepris un long voyage en bateau vers un pays étranger dont il ne connait pas la langue et au terme duquel il a été placé dans un centre de réfugiés.
Dans cette ville sans odeur, froide et grande, où les gens vont et viennent, pressés, indifférents, où la foule « est noueuse comme un serpent de mer », Monsieur Linh se sent perdu.
Un jour pourtant, alors assis sur un banc, la tête emplie d'un passé détruit et Sang Liû bien serrée contre sa poitrine, un homme vient lui parler. Monsieur Bark est un grand homme sympathique, au visage chaleureux. Il est seul, il est veuf, il est triste.
Alors, entre ces deux hommes qui ne comprennent rien à la langue de l'autre, qui se méprennent même sur leur nom respectif, une amitié profonde naît, faite de petits riens, de l'apaisement d'une voix grave et profonde, de l'odeur de cigarettes, de l'échange de menus présents, de promenades, d'une main amicale posée sur l'épaule.
Cette amitié, c'est un baume au coeur pour Monsieur Linh et pour Monsieur Bark, c'est l'espoir qu'ils n'attendaient plus, c'est l'espérance qui les rattache à la vie car « ce peut-être aussi cela l'existence ! Des miracles parfois, de l'or et des rires, et de nouveau l'espoir quand on croit que tout autour de soi n'est que saccage et silence ! ».

Comme ces artisans patients qui cisellent leurs oeuvres dans la discrétion et l'humilité, Philippe Claudel parfait ses livres avec cet effacement de soi et ce naturel qui donnent au final de grands ouvrages, de ceux qui atteignent à l'universel par cette émotion juste qu'ils communiquent.
Roman de l'amitié, roman de l'exil, roman des ravages de la guerre même si celle-ci - comme c'est souvent le cas avec l'auteur - reste en arrière-plan, roman profondément humain, « La petite-fille de Monsieur Linh » bouleverse et ébranle par l'humanisme de son propos, par l'empathie qu'il fait naître en nous, par la sincérité et la lumière qui émanent d'une écriture tout en simplicité et fluidité, tout en réserve et demi-teinte.
Si les sujets qui y sont abordés sont graves - la guerre, la perte, l'exil, la solitude dans un monde d'indifférence et d'anonymat – ils sont néanmoins traités de façon moins sombre que dans « Les âmes grises » ou « le rapport de Brodeck » et laissent émerger de belles lueurs d'espoir comme les rayons de soleil jouant à travers les bambous dans le village de Monsieur Linh.
La lecture, dans le dépouillement et la souplesse des mots, se fait ici plus sereine, plus éthérée, d'une grâce aérienne, on aimerait même dire d'une grâce « asiatique » tant l'ensemble s'écoule dans la douceur d'une tristesse ouatée, cotonneuse, feutrée.
C'est beau, c'est poignant, c'est lumineux…c'est ce refrain plein d'espérance que chante tout bas Monsieur Linh à l'oreille de Sang Liû :
« Toujours il y a le matin, toujours revient la lumière, toujours il y a un lendemain, un jour c'est toi qui sera mère »
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