Trois âmes sœurs

Une fantastique découverte que ce roman, dans tous les sens du terme ! Vous aimez Edgar Allan Poe et les maîtres du genre ? Vous aimerez à coup sur la plume de Martina Clavadetscher et ses Trois âmes soeurs. On y suit Iris, femme semblant sensiblement tourmentée et sous l'emprise d'Éric, son mari.

Tous les soirs, ils reçoivent à 18h30 tapantes, Wollstone et Godwin, deux amies. Avec elles, ils ont pour coutume de se raconter tour à tour des histoires dont ils jugent ensuite respectivement la qualité. Des histoires étranges de grenouilles capables de faire geler leurs cellules jusqu'au printemps et de passer l'hiver en état de mort apparente, de doigts coupés retrouvés coincés dans la portière d'une voiture… Une ambiance qui n'est pas sans rappeler celle qui entoure la naissance de Frankenstein un soir d'orage par Mary Shelley.

Iris peine à ordonner son récit, à atteindre la substantifique moëlle. Puis, un soir, elle le sait, elle le sent, elle va pouvoir aller au bout de l'histoire. Dans une formidable mise en abîme qui occupe la presque intégralité du roman, elle raconte la vie de sa « Demi-soeur Ling ».

On est rapidement sous le charme des mots, de l'atmosphère, de l'intrigue… Qui est Ling ? Est-ce vraiment la demi-soeur d'Iris ? Quel lien unit ces deux femmes ? Martina Clavadetscher nous plonge dans une ambiance pluvieuse, ouvrière, mécanique, minutée. Ling, sans que jamais sa particularité ne soit nommée, est à n'en pas douter dans le spectre des troubles autistiques. Elle calcule tout, tout le temps, n'apprécie pas le contact humain et a trouvé un travail qui lui convient parfaitement : mesurer des corps… sans tête.

On laisse les lecteurs et lectrices découvrir petit à petit l'histoire de ces formes humanoïdes qui passent de salle en salle dans une usine qu'on devine aisément localisée dans un pays asiatique. Un pays qui ne porte pas de nom. Au stade où Ling les a en main, ces créations n'ont pas de visage, pas d'esprit, elles sont orifices et silicone. Ce n'est que dans la dernière salle, la « salle des têtes » que ces créations prennent vie. Cette salle, Ling ne souhaiterait y travailler pour rien au monde, car, selon elle, dès que la tête s'en mêle, tout se complique.

C'est sans compter la venue d'une nouvelle arrivante qui va sérieusement bouleverser la routine et les habitudes de Ling. Sans compter l'intervention du gardien John B. dans son quotidien, hors du travail à l'usine…

Martina Clavadetscher pose dès le début de son roman les jalons d'une trame parfaitement ciselée aux mots choisis avec soin. Une fois la dernière page tournée, on se prend à relire les premières en s'extasiant devant la finesse du travail de l'autrice qui maîtrise parfaitement son oeuvre. On a adoré !

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Pour une expérience de lecture originale, ce fut une expérience de lecture originale, tant sur le fond que sur la forme. L'autrice est philosophe, poète aussi certainement, et cela se sent. Elle se plaît à brouiller les pistes, nous naviguons à vue dans les confins des limites entre le rêve et la réalité. Oui, ce roman possède une portée onirique indéniable.

Véritable roman gigogne, les trois histoires - Iris, Ling, Ada - se répondent en écho pour finalement donner au lecteur une sensation de malaise, mais pas forcément dans le mauvais sens du terme.

J'avoue pour ma part sortir très mitigée de cette lecture. J'ai pris beaucoup de plaisir dans sa première moitié, j'ai vite compris qui était Iris, j'ai beaucoup aimé suivre Ling. Cela a commencé à se gâter lorsque l'autrice parle d'Ada, j'ai commencé à décrocher, lisant parfois un peu en diagonale. Et à partir de de ce moment-là, même si j'ai encore eu quelques bonnes surprises avec ce roman, j'y ai quand même trouvé beaucoup de redondances, et j'étais pressée de le terminer.

La forme est également déroutante, pas de réels dialogues, une mise en page très spéciale (d'où le côté poétique dont je parlais), je comprends aisément que cela puisse perturber, voire rebuter.

Mais au fait, de quoi ça parle? Je pense qu'il faut juste accepter de plonger dans le récit, de s'y laisser prendre, ou pas. Martina Clavadetscher nous offre une critique de notre façon de vivre, de la façon dont sont traitées les femmes à travers le temps et l'espace, de notre rapport à la technologie. Ne serions-nous pas finalement des machines comme les autres?

En bref, un roman déroutant à bien des égards, qui ne laisse pas indifférent, si ce n'est sur le fond, au moins sur la forme, ou vice-versa, ça passe ou ça casse. Pour moi, cela fut un peu des deux au final.

Le récit est ouvert par Iris qu'on retrouve dans son luxurieux appartement au coeur de Manhattan, dans un environnement immaculé, où elle essaie d'exister sans contrarier son mari Eric. On ressent tout de suite une sorte de dominance et de supériorité chez Eric, ainsi que chez les deux personnes – Wollstone et Godwin – auxquelles Iris doit raconter une histoire chaque soir. Et justement cette fois-ci, elle est prête à raconter l'histoire de sa demi-soeur Ling.

Ling est employée dans AI-Doll-Technology, une usine asiatique fabriquant des humanoïdes où elle contrôle si les corps sont impeccables et parfaitement lisses. Il ne s'agit que de coques corporelles sans vie, car les têtes leurs seront ajoutées dans la salle des têtes. En attendant, ils sont suspendus au plafond. Ling est le prototype de l'ouvrière parfaite – minutieuse, rigide dans son emploi du temps et peu loquace. Un jour, elle est assignée assistante de Nian dont la tâche est l'amélioration des capacités d'interactions verbales. En effet, les clients ne souhaitent plus être ennuyés par un humanoïde aux échanges prévisibles, on est à la recherche de la spontanéité et de la surprise (autant garder les femmes classiques, me diriez-vous). On leur inculque donc le désir, la volonté, mais de là, il n'y a qu'un petit pas vers le mensonge…

Ling, qui serait orpheline, désire connaître ses racines. Pour en savoir plus, elle se servira de Harmony, une humanoïde améliorée, ce qui lui fera remonter le temps, à travers l'histoire d'Ada Lovelace, fille de lord Byron, et mathématicienne géniale, qui est le troisième personnage clé de l'histoire.

Avec son roman, Martina Clavadetscher brouille parfaitement les frontières entre les humains et les humanoïdes et pose ainsi des questions intéressantes sur l'intelligence artificielle et l'éthique, en captant ce moment où, en voulant toujours faire mieux, on dépasse certaines limites de façon irréversible. Elle montre des gens réduits aux objets ou machines qui s'affairent à accomplir sans relâche des tâches répétitives. Elle juxtapose des personnages vivant soit dans des environnements riches et aseptisés (des clients de l'usine en fait) ou alors dans de grandes villes fortement polluées, en proie aux inondations et à la vermine, portant des masques de protection.

Trois âmes soeurs est un roman idéal pour ceux qui aiment bien sortir des sentiers battus et se faire surprendre, que ce soit par la mise en page, la créativité de l'autrice ou l'originalité de l'histoire… le lecteur saura vite si « ça passe ou ça casse ». Personnellement et à mon grand étonnement, je me suis retrouvée happée par cette histoire originale qui amène à réfléchir sur certaines questions toujours d'actualité, que ce soit l'identité, l'émancipation, le progrès pas toujours maitrisé ou notre rapport à l'intelligence artificielle.
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le roman m'est tombé des mains extrêmement rapidement... je n'ai pas pu rentrer dans le récit. je ne sais pas si c'est le style, les très nombreux sous entendus qui l'alourdissent, les personnages pas très emphatiques...
bref, tout ça fait que la rencontre n'a pas fonctionné !