Le verbe aimer est difficile à conjuguer:
son passé n'est pas simple, son présent n'est qu'indicatif, et son futur est toujours conditionnel.
Je ne suis ni gai ni triste. Mais je peux être tout l'un ou tout l'autre avec excès. Dans la conversation, si l'âme circule, il m'arrive d'oublier les chagrins que je quitte, un mal dont je souffre, de m'oublier moi-même, tant les mots me grisent et entraînent les idées. (p.21)
Il est dangereux de ne pas correspondre à l'idée que le monde se fait de nous car il ne recule pas volontiers dans ses avis.
c'est par où on lui échappe que la légende va son train. (p.29)
De la lecture.
Je ne sais ni lire ni écrire. Et quand la feuille du recensement me le demande, j'ai envie de répondre que non.
Qui sait écrire ? C'est se battre avec l'encre pour tâcher de se faire entendre.
Ou bien l'on soigne top sa besogne ou bien on ne la soigne pas assez. Rarement on trouve l'entre-deux qui boite avec grâce. Lire est une autre affaire. Je lis. Je crois lire. Chaque fois que je relis, je m'aperçois que je n'ai pas lu. C'est l'ennui d'une lettre. On y trouve ce qu'on y cherche. On s'en contente. On la range. Si on la retrouve, à la relire on en lit une autre qu'on n'avait pas lue. (p.83)
La France est un pays qui se dénigre. C'est tant mieux car sinon ce serait le pays le plus prétentieux du monde. (...) Drôles sont ceux qui la veulent grande en paroles. "Grandeur, pureté, oeuvres constructives." C'est le refrain moderne. Pendant ce temps, la grandeur, la pureté, les oeuvres constructives se produisent sous une forme qui leur demeure invisible et qui leur apparaîtrait comme une honte pour leur pays. (...) Qu'est ce que la France, je vous le demande : un coq sur un fumier. Otez le fumier, le coq meurt. C'est ce qui arrive lorsqu'on pousse la sottise jusqu'à confondre tas de fumier et tas d'ordures.
Écrire est un acte d'amour. S'il ne l'est pas il n'est qu'écriture.
Nous ne pouvons courir de lieu en lieu sans perdre quelque chose, passer vite d'un endroit à l'autre toute notre marchandise et changer de travail en une minute comme il nous plait. Rien n'est plus long à voyager que l'âme, et c'est lentement, s'il se déplace, qu'elle rejoint le corps. AInsi s'embrouillent ceux qui se croient rapides, mal regroupés à force que l'âme, les joignant peu à peu et les ayant rejoints lorsqu'ils partent, ils lui imposent le même exercice à rebours. A la longue ils finissent par croire qu'ils sont et ne sont plus.
Je me reproche d'avoir dit trop de choses à dire et pas assez de choses à ne pas dire.
Qui sait écrire ? C'est se battre avec l'encre pour tâcher de se faire entendre.
Ou bien l'on soigne trop sa besogne ou bien on ne la soigne pas assez. Rarement on trouve l'entre-deux qui boite avec grâce. (p.83)
Quels sont mes vrais héros ? Des sentiments. Des figures abstraites qui n'en vivent pas moins et dont les exigences sont extrêmes.