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Critique de Cathy74


Colette est connue pour une modeste part de son oeuvre. Nous enchante la célèbre série des Claudine, La Chatte, le Blé en herbe, Chéri, Dialogues de bêtes... Certains écrits ont été portés à l'écran avec bonheur, comme "Gigi" en 1958. Plus près de nous, le téléfilm "Colette, une femme libre" de Nadine Trintignant, joué par sa fille Marie, a ranimé la flamme mémorielle. Malgré cela, demeurent des pépites peu connues dans la production de cette grande écrivaine (substantif que l'Académie refuse encore, à ma connaissance). le Képi, recueil de quatre nouvelles, appartient à ces pépites. Compilation de mémoires mêlées de fictions, Colette nous convie à un voyage exotique dans ces temps des XIXème et début XXème siècles.

La première nouvelle, le Képi, qui donne son titre au recueil, narre l'histoire de l'amour malheureux d'une femme, Marco, pour un jeune lieutenant de l'active, cette réserve de forces militaires de l'armée française de l'époque. Dans ce contexte entre guerre et paix des années 1900, le soldat représente une figure héroïque à laquelle une femme « sur le retour » ne résiste pas. A quarante ans, Marco, divorcée d'un peintre et sans le sou, est condamnée au célibat. Colette, jeune, sensible et féministe avant l'heure, s'attache à cette femme et la défend contre les sarcasmes de son mari et de ses amis masculins. Dans cette aventure en effet, ces derniers prennent fait et cause pour le lieutenant : « le Lieutenant Trallard a été parfaitement correct. C'est Marco qui a compromis le Lieutenant Trallard ». Ainsi, ils condamnent sans appel leur amie commune, au nom d'une fraternité masculine qui ne s'est pas encore remise en question.

La seconde, le Tendron, est plus sombre encore. Dans les années 40, un vieil ami de Colette va lui raconter une de ses aventures de Don Juan scélérat. A la cinquantaine, dans les années 1920, celui-ci séduit Louisette, une toute jeune fille d'une quinzaine d'années. le récit a beau être dit en langue fleurie, les arguments présentés avec style, ça ne passe pas, ça ne passe pas non plus chez Colette, qui ne mâche pas ses mots. La réalité est sordide et le reste, d'autant que le monsieur en question, loin de battre sa coulpe, est certain de s'être conduit en parfait gentleman. Il s'estime même lésé, la fin de l'aventure, désastreuse pour lui, le poursuivant de cauchemars...

La troisième, La Cire verte, nous entraîne dans un de ces faits-divers qui faisaient le bonheur des lecteurs des gazettes du XIXème siècle. L'héroïne de la Cire verte est une de ces empoisonneuses célèbres, meurtrières, rédactrices de faux testament, qui finissent à l'asile. Les familles sont alors friandes de ces lectures qui les sortent de la vie ordinaire, et je reprends un extrait de notes de recherche d'Anne-Claude Ambroise-Rendu : "Dans le dernier tiers du XIXe siècle, les faits divers prennent leur forme définitive. La chronique est la plus lue et la mieux mémorisée. Elle ouvre des horizons sur la manière dont sont compris et interprétés les dérèglements de l'existence et témoigne d'un état des consciences et des sensibilités".

La quatrième, Armande, finit le recueil sur une note plus optimiste, jolie histoire entre deux jeunes gens qui s'aiment, n'osent se l'avouer, et découvrent leurs sentiments par la grâce d'un accident, un lustre ayant l'idée opportune de se décrocher sur la tête de l'amoureux transi avant son départ. Toute la partie du texte où, perdant la tête, l'amoureuse se débat pour secourir son ami et où le lecteur est invité dans l'esprit de Maxime qui feint l'inconscience et épie le désarroi d'Armande, est un régal de lecture. Petite histoire tendre entre deux guerres, celle de 14 et celle de 40 déjà en germe, le lecteur est touché par la grâce.

Colette est un des meilleurs passeurs d'histoires et de l'Histoire.

Lien : https://questionsdecommunica..
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