AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,36

sur 104 notes
5
12 avis
4
5 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Les pauvres diffèrent du reste de la population en cela qu'ils ont moins d'argent que les autres. C'est la thèse défendue par l'auteur, et elle est beaucoup moins tautologique qu'on pourrait le penser à première vue.

En effet, les pauvres, de nos jours, sont souvent considérés comme peu instruits, incapables de résister à leurs envies, dépensiers, m'as-tu-vu, non-prévoyants, paresseux, fainéants… et leur pauvreté n'est finalement qu'une lointaine conséquence de ces traits de caractère : dans un monde où le mérite est censé amener aux sommets de la société, on ne peut pas invoquer la malchance quand on se retrouve en bas.

L'auteur commence par passer en revue les comportements des pauvres qui sont souvent pointés du doigt pour conclure que, finalement, ces gens méritent bien leur sort : oui, acheter un smartphone est un choix rationnel et aide à s'en sortir ; oui, se précipiter sur du Nutella à 70 % a du sens ; oui, acheter des vêtements de marque est un service rendu aux enfants. Vivre à flux financier tendu impose d'autres habitudes, qui n'en restent pas moins rationnelles que celles des personnes plus aisées : on les adopterait sans doute soi-même dans la même situation.

Concernant les solutions, même principe : les politiques préfèrent mettre en place des cours, des formations, des accompagnements… pour « attaquer le problème à la source ». Or, les études montrent que ce qui fonctionne encore le mieux c'est… donner de l'argent. Sans imposer comment le dépenser. Il semble que les pauvres aient généralement une idée assez nette de leur situation, et de la voie la plus rapide pour la quitter, sans avoir besoin de conseils de vie de spécialistes en tout genre.

Où va l'argent des pauvres est un livre salutaire : on entre dedans avec la certitude déjà tout connaître du sujet, et chacun de nos préjugés est soigneusement détruit. Sans agressivité aucune d'ailleurs, avec pédagogie, en nous interdisant la posture de juge et en essayant de nous placer dans la situation vue de l'intérieur. Et c'est parfois tellement évident qu'on a un peu honte de nos condamnations hâtives passées.
Commenter  J’apprécie          330
Voici un livre de vulgarisation de la sociologie économique qui a eu un retentissement et un succès inhabituels pour la discipline. D'une lecture très abordable, riche d'exemples quotidiens, de débats d'actualité mais néanmoins rigoureux dans les références théoriques, l'essai prend son essor sur un thème assez classique de la sociologie de l'argent : les préjugés contre la gestion budgétaire des pauvres. Après avoir rappelé (Introduction) à la fois la difficulté de la définition du « seuil de pauvreté » et les ambiguïtés des politiques d'assistance destinées aux démunis, le chap. Ier suggère que les préjugés « pauvrophobes » (personnellement j'aurais préféré dire : « paupérophobes ») dérivent de deux biais moralistes : contre le misérable et contre l'argent en soi. Les chap. 2 et 3 ont pour dessein de démontrer que la gestion du budget des pauvres qui, selon la logique la plus courante dans les classes moyenne – mais aussi chez les travailleurs sociaux et autres préposés officiels à « l'éducation budgétaire »... – est irrationnelle, blâmable et révélatrice de leurs incapacités au point que leur condition en deviendrait justifiée, correspond en fait à une logique propre à leurs contraintes spécifiques ; à la fin de la démonstration, qui se garde de tout angélisme vis-à-vis de la pénurie ainsi que de la prétention de renverser les critères de l'épargne et de la consommation pour tous, il apparaît que, devant le relativisme de la priorisation des besoins selon les classes sociales, les pauvres sont des sujets économiques comme les autres, opérant des choix rationnels tout en se trompant parfois, sauf qu'ils sont soumis à un « moneywork » plus stressant (surtout les femmes des classes populaires) et qu'ils/elles disposent d'une moindre tolérance et d'une infime marge de manoeuvre en cas d'erreur.
À partir de là, l'essai dépasse les questions « microéconomiques » et se penche sur la fonction macroéconomique de la pauvreté (chap. 4 et 5). En dépassant la théorie marxienne du « réservoir de main d'oeuvre exploitable » tout en redonnant un sens actuel et très concret à la notion d'exploitation, l'auteur ne néglige pas les interrogations contemporaines sur la pertinence d'une « culture » ou bien de « pratiques » de la pauvreté, eu égard aussi au sentiment de déclassement et d'insécurité d'aujourd'hui, au stigmate de la misère et à la mise sous contrôle des classes précarisées, pour développer enfin quelques modalités par lesquelles la pauvreté constitue un secteur économique fort lucratif – notamment dans le logement, par l'uberisation de l'emploi, le retour de la domesticité (sous forme d'encouragement des services à la personne) et la finance du crédit à la consommation (y compris les crédits revolving). Enfin le chap. 6 remet sous les projecteurs la centralité du politique : la manière de transformer le discours sur la lutte contre les inégalités en politiques de l'emploi révèle une volonté de ne pas s'attaquer à la réduction de la pauvreté ; par ailleurs, les « vieilles solutions » redistributives de la richesse, sur la base des services publics et de l'assistance, mais aussi de l'assurance (Sécurité sociale, santé, retraites, invalidité), qui pourtant ont fait leurs preuves, sont contestées et démantelées ; le chap. 6 se clôt sur quelques considérations sur le débat concernant le revenu universel.



Table

Introduction. de l'argent pour les pauvres ? Quelle drôle d'idée...

1. Les coupables idéaux. du bon et du mauvais pauvre
- Suspect numéro 1 : les pauvres
- Suspect numéro 2 : l'argent

2. de folles dépenses ? du luxe à la survie
- Dépenses imposées
- de l'inutile tellement indispensable
- Reprendre le contrôle : vivre plutôt que survivre

3. Gérer l'ingérable. Petits arrangements avec la misère
- Vivre sans reste à vivre
- Dépenses et épargne en situation de pénurie constante
- Débrouille, système d'et innovations : les initiatives économiques des pauvres

4. La pauvreté, c'est la pauvreté. de l'utilité publique du pauvre
- Une position plus qu'inconfortable
- de la « culture » à l'expérience
- La classe humiliée

5. Misère des pauvres, opulence des riches. La pauvreté, un business lucratif
- Les business de la pauvreté
- Ce que les riches doivent aux pauvres
- L'éternel retour des classes sociales

6. Tout ça, c'est politique. Solution et volonté
- Une question de volonté... et d'argent
- de vieilles solutions sous le feu de la critique
- Les bonnes questions du revenu universel

Conclusion. Une science publique pour lutter contre la pauvreté.
Commenter  J’apprécie          100
Une étude sociologique des plus complètes sur le thème de la pauvreté, écrit dans une langue claire, fluide, et de construction et rythme propice à la réflexion. A commencer par la remise en question des « prénotions », représentations et préjugés qui, en masse, font précisément obstacle à l'abord du sujet dans sa réalité : la pauvreté, c'est à dire le fait de manquer d'argent, est une cause et non une conséquence.
De là devient possible d'observer tout ce qu'elle induit, de s'interroger sur son éradication potentielle et ce qui y fait blocage, sur le rôle qui lui est délégué dans notre structure sociale.
N'évitant aucune question, n'usant d'aucun raccourci, Denis Colombi nous offre, sur un sujet qui l'est peu, de prendre le temps de penser : remettre en question ce que l'on pense.
Commenter  J’apprécie          80
Le sociologue Denis Colombi signe ici un essai passionnant sur la pauvreté et la manière dont la société considère les pauvres. Il évoque d'abord ce regard accusateur que l'on peut porter à l'égard de ceux qui dépenseraient « mal » leur argent, dans une télé, un pot de Nutella ou un smartphone dernier cri par exemple. On préfère d'ailleurs généralement leur fournir une aide en nature plutôt qu'en argent, signe d'une méfiance sur leur façon de le dépenser. Mais se pose-t-on la question des raisons qui poussent des personnes pauvres à se tourner vers des produits high-tech, plutôt que vers de la nourriture de qualité par exemple ? Denis Colombi nous livre d'éclairantes clés de compréhension.

De ma prise de notes, je ne vais ici pouvoir vous parler que de quelques passages qui m'ont marquée, en espérant qu'ils vous donnent envie d'en savoir plus. La thèse principale de l'auteur, c'est que pour lutter contre la pauvreté, il ne faut pas tourner autour du pot… il faut donner de l'argent aux pauvres. Bête comme chou. Mais pas vraiment ce qui se passe actuellement. Il faut aussi se rappeler que les pauvres consomment normalement. Leurs dépenses inconsidérés ont juste plus d'impact sur leur budget ! Denis Colombi montre finalement que la sociologie permet un changement de regard, un premier pas essentiel pour lutter contre la stigmatisation, et donc la pauvreté.

Un essai sociologique intéressant, au titre volontairement provoc, qui fait réfléchir à ses propres conceptions.
Commenter  J’apprécie          20
Essai très intéressant sur le rapport qu'ont les "pauvres" avec l'argent. Plus globalement, cet ouvrage interroge sur la symbolique de l'argent, son utilisation et la manière dont il devrait l'être pour une catégorie de la population. La lecture est très accessible et incite à réfléchir sur differents sujets.
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (478) Voir plus



Quiz Voir plus

Philosophes au cinéma

Ce film réalisé par Derek Jarman en 1993 retrace la vie d'un philosophe autrichien né à Vienne en 1889 et mort à Cambridge en 1951. Quel est son nom?

Ludwig Wittgenstein
Stephen Zweig
Martin Heidegger

8 questions
159 lecteurs ont répondu
Thèmes : philosophie , philosophes , sociologie , culture générale , cinema , adapté au cinéma , adaptation , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}