"Chéri, comment s'est passé la journée? oh, moi, j'ai récolté un gus qu'a trucidé son colocataire à coups de piolet. Du sept ans de taule.
Et toi?... Oh, moi, j'ai expédié un type cinq ans en prison parce qu'il avait piqué un autoradio pour pouvoir se payer sa drogue." Ça ne marchait tout simplement pas.
Haller, avocat et son ex-femme Maggie de l'autre coté de la barrière
Tout avocat qui fait tourner le système a deux tarifs. Le A qui indique ce qu'il aimerait percevoir pour certains services rendus. Et le B qui, lui, donne les honoraires qu'il accepte parce que c'est tout ce que son client peut lui verser. Le client pactole est celui qui tient à aller jusqu'au procès et a assez d'argent pour régler son avocat au tarif A. De sa première comparution à l'appel en passant par la mise en accusation formelle et le procès lui-même, il exige de son avocat des centaines, voire des milliers d'heures de travail. Grâce à lui, ce dernier peut faire le plein pendant deux ou trois ans. Sur mon territoire de chasse, c'est l'animal le plus rare et le plus convoité de la jungle.
« Il n’y a pas de client plus effrayant qu’un innocent »
J. Michael Haller, avocat de la défense au criminel Los Angeles, 1962
Après quinze ans de pratique du droit, j’envisageais la chose en des termes fort simples. Le droit était une grande machine toute rouillée qui avalait des gens, des vies et de l’argent. Moi, je n’étais que mécano. j’étais devenu expert dans l’art d’entrer dans la machine, d’y réparer des trucs et de soustraire à x ou à y ce dont j’avais besoin en retour.
(…)
Pour moi, le droit n’avait rien à voir avec la vérité. Mais tout avec la négociation, l’amélioration et la manipulation. Je ne faisais ni dans la culpabilité ni dans l’innocence, parce que tout le monde était coupable. De quelque chose.
— Je te dis que la plupart des gens que je défends ne sont pas mauvais, Mags. Ils sont coupables, oui, mais ils ne sont pas mauvais. Tu vois ce que je veux dire ? Il y a une différence. Tu les écoutes et t’écoutes ces chansons et tu comprends pourquoi ils font les choix qu’ils font. Ils essaient juste de se débrouiller, de vivre avec ce qui leur est donné et à certains il n’a jamais été donné quoi que ce soit. Le mal, c’est autre chose. C'est vraiment différent.
Pour moi, le droit n'avait rien à voir avec la vérité. Mais tout avec la négociation, l'amélioration et la manipulation. Je ne faisais ni dans la culpabilité ni dans l'innocence, parce que tout le monde était coupable. De quelque chose.
(P37)
Si je l'avais su ce matin, je lui aurai appliqué la surtaxe innocence. Quand on est innocent, il faut payer plus parce que l'innocent est toujours vachement plus difficile à défendre. (...) (mon père) disait qu'il n'y a pas de milieu avec un innocent. Pas de négociation possibles, pas de plaider coupable, pas de terrain d'entente avec la partie adverse. Et il n'y a qu'un verdict. Et toi, t'es obligé de jouer la carte non coupable et c'est la seule sentence qu'il faut décrocher.
Une mère fait toujours ce qu’il faut pour protéger son enfant.
Il disait qu’il n’y a rien de plus effrayant que d’avoir un innocent à défendre. Parce que si on merde, il va en taule et que ça, ça te marque à vie.
AVANT LE PROCÈS
Ce fut à son tour de hocher la tête, son regard soutenant le mien un instant dans le rétroviseur. Enfin il reporta les yeux sur la route. — Je vois, dit-il en hochant encore une fois la tête. Je me hochai, moi aussi, la tête à moi-même. Je n'avais eu aucune hésitation à faire et dire ce que j'avais fait et dit. C'était mon boulot. C'était comme ça que ça marchait. Après quinze ans de pratique du droit, j'envisageais la chose en des termes fort simples. Le droit était une grande machine toute rouillée qui avalait des gens, des vies et de l'argent. Moi, je n'étais que mécano. J'étais devenu expert dans l'art d'entrer dans la machine, d'y réparer des trucs et de soustraire à x ou à y ce dont j'avais besoin en retour. Le droit n'avait plus rien pour me séduire. Les idées qu'on ingurgite en faculté sur les vertus du système du débat contradictoire, des contrepoids et de la recherche de la vérité s'étaient depuis longtemps érodées comme les visages sur les statues de civilisations antérieures. Pour moi, le droit n'avait rien à voir avec la vérité. Mais tout avec la négociation, l'amélioration et la manipulation. Je ne faisais ni dans la culpabilité ni dans l'innocence, parce que tout le monde était coupable. De quelque chose. De toute façon cela n'avait aucune importance, parce que toutes les affaires que je prenais tenaient de la maison construite sur des fondations creusées par des ouvriers surmenés et sous-payés. On avait rogné sur les coûts. On avait commis des erreurs. Et après, on avait cou-vert les erreurs de peinture au mensonge. Mon travail consistait à écailler la peinture et à trouver les failles. À y faire entrer mes doigts et mes outils et à les agrandir. À les rendre si énormes que c'était la maison qui s'écroulait ou mon client qui filait au travers. Les trois quarts de la société me prenaient pour le diable, mais les trois quarts de la société avaient tort. Je n'étais qu'un ange crapoteux. Le véritable saint du voyage, c'était moi. On avait besoin de moi, on me voulait. Des deux côtés. J'étais l'huile dans la machine. C'était moi qui permettais aux rouages de tourner. Qui aidais à ce que le moteur du système continue de tourner. Mais tout cela devait changer avec l'affaire Roulet. Pour moi. Pour lui. Et plus que certainement pour Jesus Menendez.