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Critique de memma


memma
12 novembre 2016
Victoire a la même force obscure qu'Au Coeur des ténèbres ; je le trouve aussi plus riche, moins conceptuel et à vrai dire plus lisible. le titre de ce roman est ironique, puisqu'aucune victoire n'y a lieu, comme c'est aussi le cas de l'entreprise coloniale, qu'il décrit de façon symbolique.

Axel Heyst, un anglais d'origine suédoise, réside dans l'île fictive de Samburan, au large de la côté de Java en Indonésie, alors colonisée par les hollandais. Il y est venu diriger une compagnie minière de charbon, qui fait faillite. L'île est encore partiellement occupée par des natifs, mais Heyst y vit à l'écart, en la seule compagnie de Wang, un coolie chinois resté sur l'île. Un jour qu'il séjourne dans un hôtel de Surabaya, Heyst enlève Léna, une musicienne plus ou moins esclavagisée et qu'il a prise en pitié. Pour se venger, le directeur de l'hôtel, Schomberg, dirige vers Samburan un trio de "desperados" à la poursuite d'un trésor fictif qu'Heyst y garderait. le roman tient à ces deux actions principales, entre le mélodrame de la liaison Heyst/Léna et l'aventure de la lutte Heyst/le trio.

Comme Nostromo, comme Au coeur des ténèbres, et d'ailleurs comme la plupart du temps chez Conrad, Victoire met en scène un espace confiné, à l'écart, porteur de la dimension aventureuse. Jones, le chef du trio et Heyst sont tous deux cités par Hannah Arendt, dans L'Impérialisme. Ils forment deux visages différents de l'aventurier colonial, authentiques gentilshommes rejetés par leur pays initial, qu'Arendt appelle des "hommes superflus". Jones en est la face (très) noire ; Heyst, lui, incarne la pensée occidentale, celle qui peut apporter l'aide et le progrès, mais aussi celle d'Hamlet, encline au doute et à l'hésitation qui empêchent d'agir. En opposition, le chinois Wang réfléchit moins, mais planifie et prend les bonnes décisions. Enfin le roman met en scène en filigrane les natifs, qu'on ne voit pas personnellement, mais qui forment un "théâtre d'ombres que la race dominante pouvait traverser sans émotion et sans inquiétude à la poursuite de ses incompréhensibles buts et besoins."
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