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Paul Le Moal (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070385652
553 pages
Gallimard (25/09/1992)
4.09/5   169 notes
Résumé :
Ce roman raconte l'histoire d'une république d'Amérique latine avec ses coups d'État, ses guerres civiles, ses luttes pour la démocratie, ses intellectuels libéraux, ses aventuriers, ses traîtres et, derrière tout cela, l'impérialisme américain. Des aventures incessantes révèlent les caractères déchirés entre le bien et le mal, hantés par l'angoisse et le sentiment de culpabilité. Les luttes se déroulent, comme toujours chez Conrad, dans des décors d'une grande forc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (36) Voir plus Ajouter une critique
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Le surnom de Gian'Batista Fidanza, qui donne titre au roman, «Nostromo» (littéralement «maître d'équipage» en italien), correspondrait ici plutôt à une forme contractée de «Nostro Uomo », «Notre Homme» («l'homme de la situation», dirions-nous aussi en français).
«Nostromo», «capataz» des déchargeurs du port de Sulaco, "homme du peuple": encore une magnifique déclinaison de ce qu'on a pu nommer le «modèle conradien». C'est avant tout «Su'omo», celui portraituré systématiquement en clair-obscur par l'écrivain polonais, et qui résiste à se laisser totalement circonscrire, en tout cas pour ce qui est de son essence ou de ses desseins profonds, modèle incarné par ces Marlow, Heyst, MacWhirr, Jim…, hommes libres et fiers, cavaliers solitaires, secrets et au fond insaisissables traversant l'oeuvre conradienne tels les pièces d'un grand puzzle identitaire à recomposer à chaque apparition d'un de ses nouveaux avatars. À la fois différents et complémentaires entre eux. L'énigme entourant ce héros protéiforme -romantique mais sans emportements, sceptique quoique déterminé à aller toujours de l'avant, contradictoire, cédant aussi bien à la démesure et à l'hubris typiques de ceux qui rejettent tout instinct grégaire, qu'aux impératifs d'une conscience morale inflexible envers ses semblables- ne serait-elle au coeur même de la fascination que l'oeuvre de Conrad exerce sur ses lecteurs depuis plus d'un siècle? Certainement, je pense, bien au-delà de l'étiquette prosaïque de littérature «d'aventures», «maritimes» ou «exotiques» qu'on a parfois essayé abusivement de lui coller…
"Notre homme" conradien, en tout cas, fuit systématiquement les idées préconçues, les conventions et l'hypocrisie d'usage régissant les relations sociales. La plupart des entreprises humaines lui semblent d'ailleurs vaines. Il ne passe jamais volontairement aux aveux, ne livre que rarement ses pensées intimes ou ses sentiments personnels. Je n'ai aucun souvenir d'avoir lu chez Conrad un monologue intérieur de type «flux de conscience» le touchant. Aussi, la plupart du temps, ce sont les autres personnages de l'intrigue qui parleront de lui et rapporteront les faits où il aurait été impliqué. Un, ou plusieurs narrateurs retracent le plus souvent l'essentiel de son parcours, de son histoire passée. Il ne se laisse approcher quasiment que de cette manière, indirecte, relative et tangentielle, non seulement par ceux qui le côtoient, mais aussi, en fin de compte, par nous autres, ses lecteurs, (et au fond, ne pourrait-on pas se le demander, peut-être par son créateur lui-même...?). Evoquée par-ci par-là, à travers des anecdotes, par des sous-entendus, ou bien par quelques formules, en général aussi lapidaires que vagues, c'est comme si sa vraie personnalité devait rester en partie inaccessible, comme si l'on se retrouvait devant l'impossibilité de la cerner autrement qu'en recourant à l'épisodique et aux échos laissés par des faits et des situations concrètes, à une rhétorique qui s'apparenterait in fine quelque peu à celle des récits légendaires.
Dans «Nostromo», peut-être comme dans aucun autre de ses romans (je ne puis l'affirmer avec certitude, ne les ayant pas encore tous lus..ça viendra sûrement avec le temps!), l'auteur n'aura de cette sorte imaginé une construction et un cadre fictionnel aussi complexes et divers, aussi spectaculaires et parés d'un tel nombre de détails pour lui servir de toile de fond! Ici, au-delà des décors, paysages ou territoires habituellement délimités par Conrad (une île ou un fleuve, un bateau ou une ville, l'océan ou la jungle…), l'on retrouve ni plus ni moins qu'un pays recréé de toutes pièces, une république d'Amérique latine sortie grandeur nature de la tête de l'auteur! À ce propos, un certain nombre de commentateurs de l'oeuvre conradienne avaient soulevé l'hypothèse (à la lecture notamment de la correspondance de Conrad) que l'écrivain ait pu prendre pour modèle la Colombie et la révolution séparatiste dans l'isthme colombien qui avait abouti à la création de la république du Panama en 1903 (ce qui inspirerait à son tour, en 2007, l'écrivain colombien Juan Gabriel Vásquez pour son roman «Histoire secrète du Costaguana», dans lequel Joseph Conrad figure en tant que personnage). Quoi qu'on en pense, quel tour de force tout de même, de la part de l'auteur! N'ayant jamais vraiment séjourné en Amérique du sud, il aura réussi à parer son « Costaguana» à lui d'une géographie et d'une histoire propres, d'une topographie et d'une économie particulières, de tout un peuple avec ses us et coutumes, ses factions politiques, martyrs et révolutions, ainsi que d'innombrables senteurs et couleurs locales, le tout relevant essentiellement d'une très prolifique imagination!
M'enfin, dira-t-on, un écrin aussi phénoménal pour un si menu butin, pour raconter plus au moins indirectement et en filigrane (Nostromo n'apparaît en effet que très peu durant les trois quarts du récit !) le destin et la légende d'un seul «homme conradien» ?
Pas que! Outre Gian'Batista Fidanza, «Nostromo», le récit est habité par une galerie de personnages absolument remarquables. Tout d'abord, Charles Gould, «don Carlos », «El Rey de Sulaco», propriétaire de la mine d'argent et principale source de richesse du Costaguana, ce dernier étant aussi une autre émanation de cet «homme conradien», en parfaite asymétrie avec le « capataz » (Gian'Batista étant "l'homme du peuple", et Gould celui "des élites"), mais condamné à agir, comme Nostromo, tiraillé entre des forces contraires, et -en héros de sa propre légende- à vouloir à tout prix les concilier, quitte à tout perdre... Aussi, deux magnifiques portraits de femme : Emilia Gould, la «grande dame» de Sulaco, la pragmatique et généreuse épouse de «don Carlos», et Antonia Avellanos, personnage de femme émancipée et cultivée, fidèle à ses principes, héroïne romantique qui semble avoir été inspirée à Conrad par son premier amour d'adolescent. Ou encore cet ambigu Dr Monygham, médecin-chef de la mine de San Tomé, au comportement et au passé troubles ; enfin, Martin Decoud, Français d'origine costaguanéenne qui revient de Paris pour s'engager dans la révolution séparatiste de Sulaco, et tant d'autres personnages permettant accessoirement à l'écrivain d'illustrer les grands thèmes et paradoxes qui traversent son oeuvre : entre désir de puissance et de renoncement, entre matérialisme et idéalisme, entre impératifs éthiques envers ses semblables et d'indépendance vis-à-vis de ces derniers (« être son maître après Dieu »), entre faute et aspiration au rachat, entre affirmation de soi conquérante et l'échec qui inévitablement en résulterait («la fatalité maléfique du succès»).
Les évènements en eux-mêmes, nous dit Conrad, ne l'intéresseraient que par «l'effet qu'ils font sur les personnages». Dans « Nostromo», considéré comme l'un de ses romans les plus ambitieux, celui en tout cas dont la rédaction lui aurait visiblement donné le plus de grain à moudre, l'auteur a choisi une situation révolutionnaire dans une république imaginaire plus vraie que nature. Par un procédé ingénieux et complexe, avec des va-et-vient incessants dans le temps, ignorant avec une maitrise absolue (et sans jamais égarer son lecteur) toute chronologie linéaire classique, l'auteur forge un univers symbolique où l'authenticité, la complexité et la richesse de sa vision de l'homme y sont prépondérantes, imprimant leur rythme propre au développement de la narration. Cette vision n'a rien perdu, un siècle après la publication du livre, de sa pertinence et de son actualité. Encore plus impressionnante et marquante, à mon avis, que le cadre imaginé ou l'ampleur des ressources fictionnelles mobilisées par l'auteur pour la rédaction de son épopée romanesque. Une fois d'ailleurs que le destin de son personnage, dont disait-il, la force désintéressée «ne daignait pas prendre la tête mais gouverner de l'intérieur», avait été définitivement scellé, Conrad, dans sa note à l'édition de 1917, affirmait qu'il ne restait alors à l'auteur «plus rien à faire au Costanaguana» et, malgré toutes les incroyables incidences et perspectives nouvelles ouvertes par la révolution dans le pays, aucune raison particulière n'aurait pu le «persuader d'y retourner»...


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Magnifique !
Depuis longtemps, je voulais lire ce livre, surtout depuis ma lecture de Lord Jim. J'en attendais donc beaucoup, et j'ai été comblé.
L'histoire raconte la vie politique, sociale et sentimentale dans un petit pays de l'Amérique du Sud, à travers un éventail de personnages, de portraits magnifiques et d'évènements douloureux. Cela se passe au Costaguana au tout début du siècle, cet état, son histoire, sa géographie seraient inspiré du Panama, qui a été créé en 1903, en se séparant de la Colombie. le style de Joseph Conrad est bien reconnaissable : l'écriture est belle, élégante et dense, chargé d'images riches, les sentiments des personnages sont subtilement développés, jamais caricaturaux. Joseph Conrad nous parle de destins, au sens le plus large, à travers la politique, la liberté, la richesse, le travail, la foi, l'amour...
et ce qui caractérise aussi sa littérature, c'est cette manière de nous amener lentement, tout en douceur, par une suite de chemins de traverse, avec des errements, des portraits divers, en étendant l'intrigue pour nous faire respirer l'air de ce pays, de nous amener vers une conclusion inéluctable et pourtant surprenante, haletante, avec cette manière de dire dans son écriture :” je connais la fin, mais attendez et écoutez ça d'abord”. J'ai refermé ce livre avec le souffle coupé, comme on dit pour la musique, le silence après le mot “Fin”, c'est encore de la littérature. Ce livre restera marqué dans ma mémoire.
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Encore un grand bonhomme, Joseph Conrad, qui réussit la prouesse de créer de toutes pièces un pays dans toutes ses composantes, le Costaguana, au sein d'un continent sur lequel il a à peine mis le pied, parvenant à construire une immense fresque universelle sur le pouvoir et les combats douteux des hommes.
Inspiré de la naissance du Panama au début du siècle, ce roman foisonnant d'une intensité remarquable donne en effet une sensation de réalité puissante et fait écho aux nombreux bouleversements politiques et aux effets de la domination économique qu'a connu l'Amérique latine tout au long du 20ème siècle, à travers une galerie de personnages iconiques au sein desquels se détache le fier Nostromo, force de vie parti de rien mais dont les valeurs ne s'accordent pas avec un monde nouveau qui détruit les braves.
Grand roman d'aventure, leçon de vie désabusée, Nostromo est de ces romans qui vous laisse des traces profondes et donnent l'envie de quitter le commerce des hommes.
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Dans ce roman d'aventures, Joseph Conrad invente un État imaginaire, un monde, avec sa géographie, son histoire, ses institutions et ses personnages des différentes vagues d'immigration aux personnalités fortes, et réussit à le rendre vraisemblable.
Un décor latino-américain pour un roman-fleuve, où un ingénieur anglais, Charles Gould, hérite d'une mine d'argent, s'installe dans ce pays, l'exploite intensivement quand une rébellion armée éclate. Il fait embarquer son trésor, à bord d'un bateau qui va couler.
Il est difficile de résumer ce roman, riche en péripéties, en personnages. La présentation des faits n'est pas chronologique, elle n'en est que plus moderne, efficace, avec ces allers-retours qui finissent par construire peu à peu une image mentale réaliste de ce monde imaginaire.
Joseph Conrad délivre son message central : l'argent, qui corrompt les êtres, par le pouvoir qu'il confère. L'auteur plonge dans les dilemmes et les frustrations de l'âme humaine, où l'ambition, l'égoïsme rongent les coeurs et les poussent à la violence. Et où la culpabilité, le sens du devoir finissent par se réveiller.
C'est une oeuvre exigeante et qui marque.
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Quel livre! très difficile d'en parler sans trahir, minimiser ou spoiler. Dans ce livre, Conrad a crée un pays: le Costaguana, et l'a doté d'un peuple avec son histoire, de coutumes, d'institutions, de villes, et particulièrement une ville Sulaco, où l'intrigue (même ce mot est réducteur) se déroule. C'est un pays latino-américain, qui se relève tant bien que mal d'une longue série de révolutions et de coups d'états, et qui connait une période de transition paisible sous la présidence de Ribeira, qui veut transformer sa nation et la moderniser à l'image des états européens. le peuple costaguanien est formé d'indiens, majoritaires, qui vivent un peu "comme des sauvages" selon les dires de l'élite économico-bourgeoise blanche, principalement espagnole, mais qui comporte aussi des anglais et des italiens. Ce parti des Blancos détient la plus grande part des richesses du pays, symbolisées dans la ville de Sulaco par l'office maritime, la société de chemin de fer et surtout par la mine de San Tomé, cadeau empoisonné à un un anglais nommé Gould, qui finira par causer sa mort, mais qui une fois entre les mains de son fils Charles, sera transformé en la première puissance économique du pays, dirigé de loin par des capitaux américains. Ce qui est fascinant dans ce livre c'est sa construction: le récit de la révolte des costaguaniens pour chasser le parti blanc et récupérer le pouvoir, l'entrée en scène des personnage, l'un après l'autre : Charles Gould et sa femme, venus d'Europe pour gérer l'héritage maudit du père, la famille Viola, avec à sa tête le vieux patriarche, ancien garibaldien pétri d'idées républicaines, et condamné à l'exile loin de son Italie natale, du capitaine Mitchell, ancien marin anglais, à la tête de la compagnie maritime, du docteur Monygham, au passé trouble sous l'ancienne dictature, des membres de la famille Avellanos, une des plus anciennes bourgeoisies espagnoles du pays, du général Montéro et de son frère Perdito, responsables de la révolte populaire et du coup d'état qui s'en suit, de Martin Decoud, sorte de dandy parisien, improvisé journaliste à Sulaco et qui aura un rôle décisif dans l'histoire (mais pas moins que d'autres), du père Corbellan, mi fanatique mi réaliste, dont la mission est de christianiser absolument tous les indiens, et tant d'autres, tous ces personnages entrent donc en scène, non pas en file indienne, mais selon la pertinence de leurs ambitions, pensées et rôle dans l'histoire. Celle ci est d'ailleurs présentée par des allées retour très subtils entre le passé et le présent, et ces mêmes allées retours sont découpés de façon à servir le rythme de l'histoire; ainsi, la vie d'un personnage peut être présentée d'un seul jet, ou bien s'étaler sur plusieurs chapitres, et tout ce ci se passe sans accroc, sans peser sur la lecture. l'intrigue va crescendo, dominée par l'ombre des îles alentours: les Isabelles, par la mine de San Tomé , tantôt sauveur, tantôt malédiction, et surtout par les ambitions et états d'âmes des protagonistes, puis tout redevient calme, mélancolique. Et Nostromo dans tout ça? et bien c'est un ancien marin gênois, recruté pour gérer les activités du port , mais qu'on sollicite pour à peu près tout, tant il est fort, courageux, ingénieux, fidèle et honnête. En fait, sur les 600 et quelques pages, Nostromo n'apparaît que peu relativement, et il est très difficile à cerner. Ce qu'il en ressort, c'est qu'il un homme vaniteux, mais d'une vanité naïve, innocente, qui ne demande qu'une chose: c'est que tout le monde soit conscient de sa valeur. Il se démène corps et âmes, sans rien demander d'autre en retour, jusqu'au jour où il se révolte, mentalement, contre ces "riches" qui volent et vivent aux dépends des pauvres paysans, plus encore, qui le font en toute légitimité de coeur, pensant faire ce qui est juste, et qui utilisent ces pauvres, qui l'utilisent lui, pour servir leurs passions , qu'elles soient subites ou projetées sur le long terme, et qui passent à un autre projet sans se soucier des conséquences de leurs décisions sur lui notamment. Je pourrais en dire tellement plus, mais ce ne sera jamais assez, en tout cas sans dévoiler des passages importants de l'histoire. Ce qu'il faut en retenir, c'est l'incroyable modernité de ton du livre, tout semble si familier, si actuel, si précis. La ville et son quotidien font penser à Cent ans de solitude, avec ses couleurs chatoyantes et sa lumière aveuglante, mais sur une tonalité moins "magique". Les personnages sont ficelés à la manière de Dostoïevski, avec leurs passions profondes et complexes, il y a du suspense, de la réflexion, de la poésie, du réalisme. Enfin, pour résumer, un petit extrait :" Les intérêts matériels ne souffrent, dans leur développement, ni paix ni repos. Ils ont leurs lois et leur justice, une justice inhumaine et fondée sur des expédients, une justice qui ne s'embarrasse pas d'aucune loyauté et ne comporte ni la continuité ni la force que donnent seuls les principes moraux."
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Ainsi parlait le grand personnage, le millionnaire dont les dotations d’églises étaient proportionnées à l’immensité de son pays natal, le malade à qui les médecins adressaient, à mots couverts, leurs terribles menaces. C’était un homme aux membres robustes et au ton pondéré, dont la solide corpulence prêtait à la redingote à revers de soie un air de dignité parfaite. Avec ses cheveux gris de fer et ses sourcils encore noirs, il avait le profil lourd d’une tête de César sur une vieille monnaie romaine. Il y avait, parmi ses ancêtres, des Allemands, des Écossais et des Anglais ; mais des traces de sang danois et français lui valaient à côté d’un tempérament de puritain, une imagination ardente de conquérant. Il sortait, pour Charles Gould, de son habituelle réserve, à cause de la chaleureuse lettre d’introduction qu’il avait apportée d’Europe, et plus encore peut-être en raison de son goût instinctif pour la fermeté et la décision, partout où il les rencontrait et quelque but qu’elles poursuivissent.
— Le gouvernement du Costaguana jouera son jeu jusqu’au bout, ne l’oubliez pas, monsieur Gould. Et qu’est-ce que c’est que le Costaguana ? Le gouffre sans fond où s’engloutissent les emprunts à 10 pour 100 et les autres placements imbéciles. L’Europe y a jeté ses capitaux à deux mains, pendant des années. Nous n’en avons pas fait autant. Nous savons, dans ce pays, rester à l’abri quand il pleut. Bien entendu, nous interviendrons un jour : il le faudra. Mais rien ne nous presse. Le temps lui-même travaille pour le plus grand pays du monde. C’est nous qui donnerons partout le mot d’ordre, dans l’industrie, le commerce, la loi, le journalisme, l’art et la religion, depuis le cap Horn jusqu’au détroit de Smith, et plus loin même, si nous trouvons au pôle Nord une affaire intéressante. Alors nous pourrons nous occuper à loisir des îles lointaines et des autres continents. Nous mènerons, bon gré, mal gré, les affaires du monde. Le monde n’y peut rien… ni nous non plus, peut-être !
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On le croyait méprisant et aigri, alors que sa vraie nature était constituée par sa capacité d'éprouver la passion et par la sensibilité de son tempérament. Ce qui lui manquait, c'était l'indifférence polie des hommes du monde, cette indifférence qui engendre une indulgence désinvolte vis-à-vis de soi et des autres ; une indulgence qui se trouve aux antipodes de la vraie sympathie et de la compassion humaine. Le manque d'indifférence expliquait son tour d'esprit sarcastique et ses paroles mordantes.
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L’intelligence de doña Emilia n’avait rien de masculin. Un esprit viril n’est point, chez une femme, la marque d’une essence supérieure, mais en fait un être imparfaitement différencié, d’un intérêt stérile et médiocre. L’intelligence toute féminine de doña Emilia lui facilita la conquête de Sulaco, en éclaira le chemin pour sa générosité et sa douceur. Elle savait causer de façon charmante, mais n’était pas bavarde. La sagesse du cœur, qui ne s’occupe ni d’édifier, ni de détruire des théories, non plus que de combattre pour des préjugés, sait éviter les paroles oiseuses. Ses pensées ont la valeur d’actes de probité, de tolérance et de compassion. La véritable tendresse d’une femme, comme la virilité d’un homme, se manifeste par une sorte de conquête continuelle. Les dames de Sulaco adoraient madame Gould.
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N’est-il pas très peu raisonnable de demander à un homme de penser des autres beaucoup plus de bien qu’il n’en saurait penser de lui-même ?
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"Imaginez une atmosphère d'opéra bouffe dans laquelle tous les gestes comiques des hommes d'Etat de théâtre, des brigands de théâtre, etc., etc., tous ces vols, complots et meurtres cocasses, se jouent avec le plus grand sérieux. C'est à se tordre de rire, la sang coule tout le temps et les acteurs se figurent qu'ils ont de l'influence sur la destinée de l'univers. Bien sûr le gouvernement en général, et quelque gouvernement que ce soit et où qu'il soit, est une chose du plus haut comique pour un esprit éclairé; mais réellement, nous, Hispano-Américains, nous dépassons les bornes.
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Un navire de croisière qui s'échoue. le commandant qui prend la fuite. Une trentaine de passagers qui perd la vie. Ca c'est passé il y a quelques années, vous vous en souvenez. Pour un marin, déserter le bord c'est le déshonneur suprême. Et pour un romancier, c'est l'occasion de sonder les abysses de l'âme humaine.
« Lord Jim » de Joseph Conrad, un classique à lire chez Folio.
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