C'est un récit très court mais très dense de l'écrivain australien K Cook qui s'est lui même, en tant que leader de parti, opposé à la guerre du Vietnam. le narrateur, un jeune homme de 20 ans dont on ignore le nom, mais qui est un fervent catholique, s'engage dans la guerre du Vietnam pour sauver le monde libre du communisme. Ce gamin idéaliste, naïf et sensible, va alors découvrir et restituer, à la première personne, toute l'horreur, la brutalité, l'atrocité et la quasi irréalité de cette guerre. Il la décrit sans aucun recul, telle qu'il la voit, telle qu'il la ressent. Aucun héroïsme, aucune glorification pour la justifier tant soit peu. Sorte de Candide qui essaie de garder une part d'humanité, il traverse, effrayé et souvent pétrifié, une guerre apocalyptique. Il nous livre ainsi au fil du récit tant ses réactions devant tous ces corps affreusement mutilés et brûlés que les pensées les plus invraisemblables qui lui traversent la tête. Sans aucun souci de bienséance. Il cherche notamment à comprendre ce que fait Dieu et ce qu'il attend de lui mais il n'obtient pas de véritable réponse. le dialogue avec l'aumônier militaire est à ce titre un chef d'oeuvre de casuistique. Cet écart, cette discordance entre le discours souvent convenu sur la guerre et les propos crus du narrateur a un effet salutaire. le lecteur est pris à partie. Et une seule certitude se dégage, la guerre est laide, elle est sale, et il n'y a pas de guerre juste : l'apocalypse est là. D'où ce titre superbe emprunté au livre de l'Apocalypse de l'Apôtre Jean décrivant le courroux de Dieu s'abattant sur la terre. « Babylone fut détruite quand elle but
le vin de la colère divine » rappelle l'auteur en préface. Et en effet, c'est un vin noir et orange de feu du napalm qui tombe sur la jungle du Vietnam, semant le chaos dans tous les camps. Car les gens normaux ne peuvent que sombrer dans la folie.
C'est donc un récit engagé, extrêmement puissant et violent qui livre ici
Kenneth Cook, bien loin de ses romans désopilants habituels qui ont pour cadre le bush australien. L' auteur mène de façon magistrale, en nous plongeant dans le feu de l'action, une réflexion sur les mécanismes qui poussent les hommes à s'éloigner de leur humanité. A sa lecture, on pense bien sûr au livre référence sur la guerre du Vietnam du correspondant de guerre américain
Michael Herr,
Putain de mort (1967) qui est écrit à partir des dépêches adressées à son journal. Et aux films comme Voyage au bout de l'enfer, Apocalypse Now (1979) et Full Metall Jacket (1987).