Pour la majorité des citoyens, il était un inconnu. Avant que les accents lyriques d'
André Malraux ne lui fasse franchir le seuil du Panthéon :
Jean Moulin. Pour quelques rares vieux messieurs et les passionnés de la Seconde Guerre Mondiale, il était Rex, Max, Régis et tant d'autres pseudonymes de clandestinité.
Il est un homme pour qui il sera toujours " le patron ". Et cet homme, c'est
Daniel Cordier.
C'est le 20 juillet 1942 que le jeune soldat parachuté de Londres fit la rencontre qui allait changer sa vie de jeune homme de 20 ans. Rencontre avec celui qui durant les 18 mois de son action de représentant de la France Combattante allait réussir à unir la Résistance Intérieure. Rencontre avec celui qui après avoir soupé avec ce garçon qui voulait " tuer des boches ", en fit son secrétaire particulier.
Et pourtant..
Pourtant on ne peut avoir que des sentiments contrastés pour ce Compagnon de la Libération.
Le jeune Cordier est d'Extrême-Droite, militant de " L'Action Française ", admirateur de
Charles Maurras, antisémite. Mais c'est aussi un des premiers engagés volontaires qui partent rejoindre les Free French de Londres qu'un autre Charles –
De Gaulle – tente de fédérer.
Alors qu'une bonne partie de ses compagnons d'arme partent combattre en Afrique du Nord, Cordier devient un " rentier de la guerre " : Nommé officier, il encadre les jeunes arrivants. Rêvant de coups de poings comme aux grandes heures des Camelots du Roi, il se porte volontaire pour le Bureau Central de Renseignement et d'Action – les Services Secrets de la France Libre -. Radio, cryptographe, saboteur, assassin : L'Angleterre lui donne les moyens de ses ambitions...
... Tuées dans l'oeuf dès son parachutage. Moulin le prend à son service. Il lui confie la gestion de ses courriers, de ses rendez-vous, mais aussi de la colossale fortune de la Résistance qui arrive tous les mois de Londres.
Avec la rigueur de l'historien qu'est devenu celui à qui on doit une importante littérature sur les enjeux – notamment politiques – de l'action de Moulin, remis en cause dans son action pour fonder le Conseil National de la Résistance, Cordier confie dans ce livre ses souvenirs personnels.
Au jour le jour, démontrant s'il en ai, à contre-courant des idées avancées et avec admiration, que la Résistance s'est construite sur l'abnégation d'une poignée de personnes souvent aussi jeunes et idéalistes que lui...
Ce qu'il reste de ce récit à la chronologique précision ?
Des dates, des lieux, des sommes, mais surtout deux hommes et leur étrange proximité.
L'ancien préfet et le soldat idéaliste, le monarchiste militant et le républicain de coeur et d'âme. L'amateur d'art et le novice. Étrange proximité : Cordier ne connût l'identité de son chef que bien après la guerre. Il l'imaginait ancien ministre, diplomate, artiste.
Et pourtant à son contact, il ne reste rien du Cordier de 1940,sinon le courage, la détermination.
Formidablement bien écrit, ce récit montre la métamorphose du monarchiste en républicain.
D'ailleurs, lui qui voulait tuer du boche ne tira aucun coup de feu de la guerre. Il se fit collectionneur et marchand d'art contemporain...
... Concrétisant l'initiation artistique reçue entre le 30 juillet 1942 et le 21 juin 1943...