Citations sur Polyeucte (35)
NÉARQUE : Après certains moments que perdent nos longueurs,
Elle quitte ces traits qui pénètrent les cœurs ;
Le nôtre s’endurcit, la repousse, l’égare :
Le bras qui la versait en devient plus avare,
Et cette sainte ardeur qui doit porter au bien
Tombe plus rarement, ou n’opère plus rien.
Celle qui vous pressait de courir au baptême,
Languissante déjà, cesse d’être la même,
Et, pour quelques soupirs qu’on vous a fait ouïr,
Sa flamme se dissipe, et va s’évanouir.
POLYEUCTE : Vous me connaissez mal : la même ardeur me brûle,
Et le désir s’accroît quand l’effet se recule.
[…]
NÉARQUE : Jaloux des bons desseins qu’il tâche d’ébranler,
Quand il ne les peut rompre, il pousse à reculer.
Acte I, Scène 1.
[Néarque]
Rompez ses premiers coups ; laissez pleurer Pauline,
Dieu ne veut point d'un coeur où le monde domine,
Qui regarde en arrière, et, douteux en son choix,
Lorsque sa vois l'appelle, écoute une autre voix.
[Polyeucte]
Pour se donner à lui, faut-il n'aimer personne ?
[Néarque]
Nous pouvons tout aimer, il le souffre, il l'ordonne ;
Mais, à vous dire tout, ce Seigneur des seigneurs
Veut le premier amour et les premiers honneurs.
(Acte I, scène 1)
[Sévère]
Qu'est ceci, Fabian ? quel nouveau coup de foudre
Tombe sur mon bonheur et le réduit en poudre ?
Plus je l'estime près, plus il est éloigné ;
Je trouve tout perdu quand je crois tout gagné ;
Et toujours la fortune, à me nuire obstinée,
Tranche mon espérance aussitôt qu'elle est née.
(Acte IV, scène 6)
Néarque
Quoi ! Vous vous arrêtez aux songes d’une femme !
De si faibles sujets troublent cette grande âme !
Et ce cœur tant de fois dans la guerre éprouvé
S’alarme d’un péril qu’une femme a rêvé !
Polyeucte
Je sais ce qu’est un songe, et le peu de croyance
Qu’un homme doit donner à son extravagance,
Qui d’un amas confus des vapeurs de la nuit
Forme de vains objets que le réveil détruit ;
Mais vous ne savez pas ce que c’est qu’une femme ;
Vous ignorez quels droits elle a sur toute l’âme
Quand, après un long temps qu’elle a su nous charmer,
Les flambeaux de l’hymen viennent de s’allumer.
Pauline, sans raison dans la douleur plongée,
Craint et croit déjà voir ma mort qu’elle a songée ;
Elle oppose ses pleurs au dessein que je fais,
Vous me connaissez mal : la même ardeur me brûle,
Et le désir s’accroît quand l’effet se recule.
(…) lorsqu'on dissimule un crime domestique,
Par quelle autorité peut-on, par quelle loi,
Châtier en autrui ce qu'on souffre chez soi ?
Et le désir s'accroît quand l'effet se recule.
On ne sait pas les maux dont mon coeur est atteint :
De pensers sur pensers mon âme est agitée,
De soucis sur soucis elle est inquiétée ;
Je sens l'amour, la haine, et la crainte, et l'espoir,
La joie et la douleur tour à tour l'émouvoir ;
J'entre en des sentiments qui ne sont pas croyables :
J'en ai de violents, j'en ai de pitoyables,
J'en ai de généreux qui n'oseraient agir,
J'en ai même de bas, et qui me font rougir.
J'aime ce malheureux que j'ai choisi pour gendre,
Je hais l'aveugle erreur qui le vient de surprendre ;
Je déplore sa perte, et le voulant sauver,
J'ai la gloire des dieux ensemble à conserver ;
Je redoute leur foudre et celui de Décie ;
Il y va de ma charge, il y va de ma vie :
Ainsi tantôt pour lui je m'expose au trépas,
Et tantôt je le perds pour ne me perdre pas.
À raconter ses maux souvent on les soulage.
Pauline : _"Vous n'avez point ici d'ennemi que vous-même :
Seul vous vous haïssez, lorsque chacun vous aime ;
Seul vous exécutez tout ce que j'ai rêvé :
Ne veuillez pas vous perdre et vous serez sauvé.'