En dedans, je pense que pour sauver le monde, il faut d'abord se sauver du monde
et le laisser un peu tranquille parce qu'il était là avant nous.
Ta présence
a englouti dans ma vie toutes
choses que je pensais nécessaires.
LE NOUVEAU MONDE ET APRES
Ils auront tondu des kilomètres de pelouse
Autour de maisons plus larges qu’un paradis fiscal au milieu de l’océan,
Ils auront couru d’un bout à l’autre de la ville pour livrer des enveloppes, des pizzas, des assignations,
Ils auront délaissé leur vieille mère ou l’ami d’enfance
Qui attend sous l’abribus à côté de son vélo,
Ils auront appris à faire l’amour sur internet, à faire la guerre à la télé,
À faire semblant pendant les repas de famille.
Leur premier amour leur aura inculqué que tout sentiment fort est vain,
Grandiose et brûlant
Et ils se tiendront le reste de leur vie à distance raisonnable de ces sentiments forts.
Ils auront été embauchés, intégrés, mariés.
Ils ne pensent plus à leur premier amour.
Seulement les soirs d’ivresse avec les collègues de bureau, c’est-à-dire une fois par semaine,
Et un soir bien sûr ça aura été le soir de trop.
Coup de gueule. Divorce. Démission. Gym. Dieu. Putes.
Tout mais pas l’attente de la mort avec ce vide dans la poitrine et ce gras autour du ventre. Tout, mais pas cela.
Pendant ce temps, à la télévision,
Les présentateurs et les experts annoncent un nouveau monde
Et je sais que je n’en ferai pas partie
Parce que dans ce nouveau monde tout sera
Plus simple
Plus rapide
Plus visible.
Toutes celles et ceux qui passent plus de temps en forêt que devant les vitrines,
Toutes celles et ceux qui trempent des tartines de fromage dans leur vin rouge,
Toutes celles et ceux retranchés dans des rêves de terres noires et d’églises hautes
Ne feront pas partie de ce nouveau monde.
Ayant pour seule consolation la lumière à l’aube sur les volcans endormis,
Je chemine lentement, contournant mes propres colères,
Des ampoules humides sous les doigts et les orteils,
Mon vieux cœur boursouflé de souvenirs :
Il est l’heure de se taire.
D’écrire un peu.
Et le reste appartient au nouveau monde.
« Non mais franchement, qui peut faire une chose pareille ? »
Et après avoir longé la rue des Aimés qui porte si bien son nom,
Je réponds, pour toutes les fois où tu as posé cette question,
Et pour toutes les fois qui, malheureusement, viendront :
« Tout le monde, ma loute.
Tout le monde est capable de faire une chose pareille,
Simplement, quand il s’agit de nous-mêmes,
Et de ceux que nous aimons,
Nous ne le savons pas encore. »
Nous sommes si nombreux à nous taire quand de vives émotions nous déshabillent pour nous laisser là, nus et grelottant d'insécurité.
Nous sommes si nombreux à nous taire quand nous ne savons plus comment faire personne ne nous as appris ce que cela signifie d'être ravagé par la lumière.
Je n'ai rien perdu.
J'ai eu des jours d'amour qui n'en finissaient pas de se promettre.
J'ai eu des jours de longues siestes, de longues marches, de longues étreintes.
J'ai eu des jours d'une légèreté folle, qui tenaient dans la paume d'une main d'enfant.
Je ne serais pas fåchée si tout doit finir une bonne fois pour toutes dans un an ou dans un jour car ma vie a été pleine de choses que je n'ai pas perdues.
Je veux entendre de nouveau
tess grands éclats de rire
qui m'ont tranchés
la gorge.
Comment faire
Comment faire pour cesser,
une bonne fois pour toutes,
d’abîmer la douceur ?
il est l'heure de se taire.
D'écrire un peu.
Et le reste appartient au nouveau monde.
Je me cache derrière mes poèmes
parce qu'ils sont plus forts
que moi.
Nous ne sommes rien en ce monde
mais c’est déjà beaucoup.
Que dois-je faire de ce corps qui balbutie,
de ce ventre comme une île
sans berge ni rivage ?
j'agite de vains poèmes
où tu as dévoré
les autres personnages.
Malgré tout je ne renonce
qu'à moi-même
qu'à mes lointaines palissades
que tu as si facilement
franchies :
pour toi j'échangerais dix années d'ennui
contre trois saisons d'orage.