La nouvelle Jesusalem accueille une famille pour le moins atypique : il y a Mwanito, le narrateur, jeune garçon de 11 ans, son grand frère Ntunzi, le papa, Silvestre Vitalicio, qui est le fondateur de la nouvelle Jesusalem, et son bras droit et homme à tout faire, l'ex-militaire Zacaria Kalash. Voilà, avec l'ânesse Jezibela, les seuls et uniques habitants de la cité. le ravitaillement est assuré mensuellement par l'oncle Aproximado, seul humain de "l'extérieur" à être admis au sein de la cité.
Mwanito est plutôt jaloux de son frère, plus grand, qui se rappelle la vie d'avant. Mais ce frère, c'est aussi son compagnon de jeu, le mentor qui lui apprend ce qu'est une femme (Mwanito n'en a jamais rencontré), à écrire là où l'écriture est proscrite, et c'est aussi le rebelle, celui qui tente de faire fléchir le régime tyrannique du père fondateur.
Mais cet équilibre uniquement masculin et très précaire est remis en cause le jour où l'oncle Aproximado amène, en même temps que son chargement, une jeune portugaise venue dans la réserve faire des photos de hérons. Avec elle souffle un vent de liberté et d'anarchie, le gout du dehors et celui de la vie, et le souvenir de Dordalma, la mère qui manque tant à Mwanito.
Autant avouer tout de suite : je suis absolument et résolument tombée sous le charme de ce roman énigmatique de
Mia Couto. A la fois fable, roman initiatique, roman fantastique, cri déchirant d'un fils pour sa mère, d'une femme pour son mari, ou d'un écrivain pour son pays, la langue utilisée est pleine de musique et de poésie, de vent et de soleil, du parfum des fleurs et de chaleur, d'amour et de tristesse, de Saudade, comme la chanson de Cesaria Evoria de même nom (Sodade ?).
Le récit est scindé en trois livres ; le premier passe en revue les différents habitants de Jesusalemem ; le second débute avec la venue de la femme, Marta, qui évoque son amour pour son mari disparu avec une justesse et une beauté sublime, et le départ forcé de Jesusalem ; le dernier livre est celui des explications, et révèle les secrets de l'histoire de cette famille.
Mia Couto n'a eu aucune difficulté pour me projeter dans la bulle fantasmagorique créée par Silvestre Vitalicio. Métaphore du refoulement du deuil, de la détresse, de l'amour, de la culpabilité, L'accordeur de silence est aussi un hymne à la vie, à l'enfance, à l'amour, au désir. Une splendeur, et un vrai coup de coeur.