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3,8

sur 169 notes
C'est à une expérience surprenante que nous invite l'auteur, tragi-comique pourrait-on dire quand l'on voit un homme transformer son désespoir en folie.
Ce sont ces contre-vérités assénées à tout bout de champ qui font la beauté du texte où les images prennent forme et l'absence, la séparation de tout ce qui nous rend humain : les femmes, l'écriture, la lecture, la musique, la religion, la guerre...
Mais à l'absence répond le silence, non pas l'absence de bruit mais ce silence patiemment tricoté par l.âme pure, le silence qui apaise, qui donne à l'absence sa raison d'être, à la folie son exutoire.
Le roman se bâtit aussi sur une multiplicité des voix, des tons, des styles, ce qui lui donne toute sa richesse plus encore que l,exotisme discret qui l'accompagne.
Une lecture émerveillée qui s'enfonce dans l'humain et tous les recoins du désespoir ou de la résistance mentale.

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La saudade , cet état de tristesse empreinte de nostalgie si cher à nos amis portugais et galiciens ,va vous harponner dès les premières lignes de ce somptueux roman de Mia Couto auteur du Mozambique, de langue portugaise ,
C'est Mwanito ,enfant d'une dizaine d'années qui est le narrateur de ce roman ,Suite à la mort de sa mère Dordalma, son père a fui la ville pour aller se réfugier dans la réserve de chasse , un lieu perdu au milieu de la forêt, sans électricité , le ravitaillement étant assuré par Aproximado ,le beau frère de Silvestre Vitalicio,Il a emmené avec lui ses 2 fils ,l'ainé Ntunzi ,Zacaria Kalash ,le domestique ancien soldat et Jézibela ,l'anesse et compagne de Silvestre,Pour le père l'Autre monde n'existe plus , Leur refuge appelé Jérusalem ,terre où Jésus devait se décrucifier,n'accepte aucune dérogation à la règle, pas de femmes , pas de livres , pas de papier pour écrire,Silvère de père autoritaire va vite disjoncter et devenir tyrannique , oscillant entre la réalité forgée par ses soins et la confusion la plus totale
Seul Mwanito, trouve grâce à ses yeux, cet enfant , né pour se taire, lui apporte par la qualité de ses silences le repos espéré , il l'appelle l'accordeur de silence,
Un beau jour cet équilibre précaire éclate en mille morceaux avec l'arrivée d'une femme Martha venue de Lisbonne pour rechercher de son mari,

Ce texte , surprenant au premier abord , est un pur bonheur ,il faut seulement accepter d'écouter la musique de la langue de Mia Couto, la poésie est là ,il suffit de tendre l'oreille et de se laisser bercer ,,,,Dépaysement assuré
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La nouvelle Jesusalem accueille une famille pour le moins atypique : il y a Mwanito, le narrateur, jeune garçon de 11 ans, son grand frère Ntunzi, le papa, Silvestre Vitalicio, qui est le fondateur de la nouvelle Jesusalem, et son bras droit et homme à tout faire, l'ex-militaire Zacaria Kalash. Voilà, avec l'ânesse Jezibela, les seuls et uniques habitants de la cité. le ravitaillement est assuré mensuellement par l'oncle Aproximado, seul humain de "l'extérieur" à être admis au sein de la cité.
Mwanito est plutôt jaloux de son frère, plus grand, qui se rappelle la vie d'avant. Mais ce frère, c'est aussi son compagnon de jeu, le mentor qui lui apprend ce qu'est une femme (Mwanito n'en a jamais rencontré), à écrire là où l'écriture est proscrite, et c'est aussi le rebelle, celui qui tente de faire fléchir le régime tyrannique du père fondateur.
Mais cet équilibre uniquement masculin et très précaire est remis en cause le jour où l'oncle Aproximado amène, en même temps que son chargement, une jeune portugaise venue dans la réserve faire des photos de hérons. Avec elle souffle un vent de liberté et d'anarchie, le gout du dehors et celui de la vie, et le souvenir de Dordalma, la mère qui manque tant à Mwanito.

Autant avouer tout de suite : je suis absolument et résolument tombée sous le charme de ce roman énigmatique de Mia Couto. A la fois fable, roman initiatique, roman fantastique, cri déchirant d'un fils pour sa mère, d'une femme pour son mari, ou d'un écrivain pour son pays, la langue utilisée est pleine de musique et de poésie, de vent et de soleil, du parfum des fleurs et de chaleur, d'amour et de tristesse, de Saudade, comme la chanson de Cesaria Evoria de même nom (Sodade ?).
Le récit est scindé en trois livres ; le premier passe en revue les différents habitants de Jesusalemem ; le second débute avec la venue de la femme, Marta, qui évoque son amour pour son mari disparu avec une justesse et une beauté sublime, et le départ forcé de Jesusalem ; le dernier livre est celui des explications, et révèle les secrets de l'histoire de cette famille.
Mia Couto n'a eu aucune difficulté pour me projeter dans la bulle fantasmagorique créée par Silvestre Vitalicio. Métaphore du refoulement du deuil, de la détresse, de l'amour, de la culpabilité, L'accordeur de silence est aussi un hymne à la vie, à l'enfance, à l'amour, au désir. Une splendeur, et un vrai coup de coeur.
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J'ai beaucoup aimé ce livre, découvert grâce à Babelio et lu en une journée. C'est à la fois un roman, un conte incantatoire, une fable à tonalité animiste où la pluie remplace les larmes, le feu la colère, et la vipère la violence qu'on pratique contre soi-même (ce venin du silence qui s'infiltre dans les peurs et dans les non-dits) et qui à la fois nous consume et nous sauve.
Ce texte où un homme en butte à la souffrance et au malheur (la mort de sa femme dans des circonstances qui nous sont révélées peu à peu) fuit la civilisation et demande à son fils de le réconcilier avec lui-même par la qualité de son silence est un grand texte, fort et prenant. J'en suis ressortie hantée, craignant vaguement qu'une malédiction obscure et non formulée ne vienne entraver ma vie dès le livre fermé....
Car c'est bien en nous-mêmes à cause de ce que nous sommes que surviennent les pires malédictions dit au final Mia Couto prenant à contre-pied les rites et les croyances africaines tandis qu'il dénonce le poids de la société, de ses usages et de ses violences dans la vie de chacun. le mal qui nous habite passe par ce silence qui nous détruit, ou nous délivre selon qu'on consent ou non à ce qui nous arrive. Un grand livre, assurément.
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Henry David Thoreau croyait rêver lorsqu'il écrivait : « J'aimerais rencontrer l'homme dans les bois –je voudrais pouvoir le rencontrer comme le caribou et l'élan ». Transposons le rêve dans la réalité et il devient cauchemar.


Né dans un no man's land perdu entre un frère, un père et un oncle, Mwanito découvre le monde par le biais d'une femme étrangère qui déboulonne tout le système bien organisé de la réclusion.


Cette histoire nous rappelle, à une échelle supérieure, tous les efforts dont notre personne doit payer cher le prix pour s'extirper de sa zone de confort rassurante.
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L'accordeur de silences.... titre énigmatique, très poétique. À l'image du contenu de ce roman que nous propose Couto. Dès les premières lignes, le lecteur se laisser happer par le style de l'auteur et se laisse envelopper tout le long de sa lecture. Une lecture singulière. Une expérience de lecture. Je ne peut que m'incliner devant le talent certain de l'auteur. Tout m'a plu : la poésie des mots, les personnages, l'histoire dont on ne saisi pas tout, mais qui marque l'imaginaire quand même. Un livre vibrant d'amour d'un fils pour sa mère disparue... D'un père pour ces fils, mais qui a de la difficulté à le dire... de deux frères qui se jalousent, mais dont le lien fraternel remporte sur tout... D'un auteur pour ses personnages... Un livre qui fait vibrer... Bref, une très belle lecture... et une très belle découverte.
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Un homme part avec ses deux fils et un ancien militaire pour une réserve de chasse abandonnée pendant qu'une guerre ravage son pays, le Mozambique. Son départ est lié à un drame, que nous découvrirons peu à peu, la mort de sa femme. Il se mure dans le silence, prétend que le monde en dehors n'existe plus, interdit à ses enfants de lire ou d'écrire, il a changé les noms de tous pour effacer le passé. Les quatre survivent de la chasse du militaire, et aussi des approvisionnements amenés par le frère de l'épouse morte, l'oncle des enfants. Mais on ne peut fuir sa vie entière, et la solitude des réfugiés est troublée par l'arrivée d'une femme, une Portugaise, venue chercher au Mozambique son mari, qui l'a quitté pour une autre femme. Elle va faire bouger les lignes, changer les équilibres, en même temps qu'elle recevra des réponses à certaines questions qu'elle se pose.

J'ai au départ bien embarqué dans ce roman, dans cette écriture, très poétique, très métaphorique, au rythme particulier. L'ambiance de cet endroit, appelé Jésusalem par le père, la voix de l'enfant, Mwanito, qui ressent avec acuité la souffrance de son père, la révolte de son frère aîné, la vie en communion avec la nature, l'invention d'un monde interdit par les enfants confronté à ce père qui s'enferme de plus en plus dans son univers qui confine à la folie, était troublante. L'arrivée de Marta, donnait un deuxième souffle au moment où le roman commençait à patiner un peu.

Et puis, j'ai décroché petit à petit. L'écriture me semblait moins juste, plus forcée, la recherche de la « belle formule » me semblait prendre le pas sur de la recherche de la formule vraie, dans quelque chose d'un peu creux, sans que je puisse définir si c'est le roman qui s'essoufflait ou si c'est moi qui m'était lassée. Il y avait des choses qui me semblaient se répéter, comme cette plongée récurrente et de plus en plus affirmée du père dans la folie. Et en dehors de l'installation du climat et des personnages, la narration à proprement parlé ne m'a pas convaincue, la révélation du secret, de ce qui est arrivée à la mère du narrateur, est finalement un peu expédiée, et l'auteur a déjà laissé largement deviner au lecteur un certain nombre de choses, comme le lien entre le militaire et le fils aîné, et les répéter de façon très explicite, fait un peu redondant à mon sens.

Il y a des livres que l'on voudrait aimer, qui dégagent quelque chose qui nous touche à un moment, et puis le charme disparaît, sans que l'on sache pourquoi. Au final, je ne sais pas trop quoi penser de ce roman, je me dis qu'il y a quelque chose là, entre ces pages, mais qui m'a en partie échappé, comme un parfum trop léger, trop évanescent, trop rapidement enfuit.
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Avec ce beau récit original ,poétique et troublant, nous sommes bien en Afrique
Il faut se laisser bercer , emporté dans cette Jérusalem imaginaire au milieu de nulle part
Entrer dans ce petit monde qui oublie le quotidien et la guerre à peine évoquée
Tout cela peut paraître invraisemblable voire loufoque pour un lecteur occidental
On y retrouve la magie et le mystère ,omniprésents dans le quotidien africain
Mia Couto a su transporter l'oralité dans une écriture chatoyante qui fait entrer le lecteur au coeur même de ce minuscule village replié sur lui même
Un livre très original pour les connaisseurs de l'Afrique et une vraie découverte pour tous les autres
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Incapable de faire le deuil de son épouse, Silvestre Vitalicio décide de quitter le monde en entrainant ses deux fils Ntunzi et Mwanito dans un exil intérieur. Accompagné d'un ami soldat, Zakaria, il enferme ce qui lui reste de famille dans une garnison abandonnée, rebaptisée Jésusalem, loin du monde, loin de la guerre, loin des hommes, et surtout loin des femmes. le petit groupe vit dans le dénuement, et est parfois ravitaillé par l'oncle Aproximado. le quintet est complété par une ânesse, seul élément « féminin » de cet univers. Enfermé dans sa folie tyrannique il tente d'entraîner ce petit monde dans ses délires. Un jour arrive une femme, la première que Mwanito rencontrera.

Certes l'écriture est poétique, a parfois du souffle. Certes l'atmosphère est particulière, créant une tension et même un malaise. Chaque chapitre commence par un poème. Les allégories sont nombreuses dans ce récit fait par la voix d'un enfant qui ne connaît que cet isolement imposé par le père mais qui soupçonne qu'il existe un ailleurs, au-delà du portail, au-delà du fleuve. Mais l'ensemble m'a paru obscur. J'ai essayé de trouver de l'empathie pour le désespoir de Silvestre, pour la quête d'amour de ses fils, mais je suis restée hermétique à ce texte énigmatique et déroutant. Jusqu'à la dernière ligne j'ai attendu la surprise, le déclic, mais, même si je m'en suis approché dans les dernières pages, le sentiment de frustration domine lorsque je referme le livre.
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« Et chaque silence est une musique à l'état de gestation » pourrait en une seule phrase résumer le plus récent roman de Mia Couto, l'une des voix les plus intéressantes de la littérature contemporaine, lequel réinvente le monde et la langue à chacun de ses livres.

Cette fois-ci, il nous entraîne dans une zone retranchée du monde des vivants, où se sont exilés le veuf Silvestre Vitalício, son beau-frère, un militaire et les deux fils de Silvestre, Ntunzi et Mwanito. Or, si quatre personnages sur cinq ont des souvenirs de ce qu'était leur vie avant l'exil, de la disparue, de cette ville où ils vivaient, Mwanito, parachuté très jeune dans ce no man's land, n'en a pas.

Silvestre s'est installé là pour des raisons obscures, où il est question de mort et de morts, ainsi que de la fine limite qui sépare le monde des vivants de celui des morts. Peut-être voulait-il protéger les siens. Peut-être voulait-il mourir à son tour maintenant qu'est morte celle qu'il a (peut-être) tuée et autour de laquelle le roman se déroule comme une longue écharpe ne dénudant jamais entièrement le corps qu'elle dissimule. Peut-être cherchait-il là, dans ce lieu hors du monde, comment apprendre à vivre autrement, sans mémoire, dans l'oubli total et dans l'absence de mots, puisqu'il interdit à Mwanito la lecture et l'écriture. Mais c'est compter sans la complicité et l'amour de son aîné qui se chargera de transmettre au plus jeune son savoir, ses souvenirs et ses images, et d'en inventer au besoin quand ils commenceront à s'effriter.

« Nous ne vivons pas vraiment durant la majeure partie de notre vie. Nous nous consumons dans une longue léthargie, que, pour nous leurrer et nous réconforter nous-mêmes, nous appelons existence », raconte Mwanito qui a appris à accorder les silences pour qu'ils ne troublent plus personne, en particulier son père. « Chaque jour est une feuille que tu déchires, je suis le papier qui attend ta main, la lettre qui attend la caresse de tes yeux », écrit-il aussi alors qu'il tente de comprendre la vie, le destin, ce lieu que son père a choisi, et de deviner à quoi ressemblent les femmes, jusqu'à ce que l'une d'elles s'aventure dans cette contrée et bouleverse la vie de chacun.

Une fois de plus, Mia Couto signe un livre émouvant, doont chaque chapitre s'ouvre sur un poème ou une phrase, ce qui nous donne le plaisir de (re)lire la grande poète Sophia de Mello Breyner Andresen et, en ce qui e concerne, de faire connaissance avec Adelia Prado. Un roman entre le conte et le roman, autour des racines, celles qui nous ancrent dans notre terre natale, celles que nous devons déployer pour (sur)vivre. Parce que : « Ce n'est pas en lui tenant les ailes qu'on aide un oiseau à voler. L'oiseau vole simplement parce qu'on l'a laissé être oiseau. »
Lien : http://lalitoutsimplement.co..
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