A l'eau de rose,
James Crumley a toujours préféré l'eau-de-feu.
A tel point qu'à sa mort en 2008, son bar préféré a donné son nom à un tabouret réservé pour l'éternité.
Marié six fois, ce grizzly littéraire était un pilier de l'école du Montana, proche de
Richard Ford,
Thomas Mc Guane ou
Jim Harrison.
Dans
le dernier baiser, il nous présente C.W Sughrue, véteran de guerre et détective privé… de dessert mais pas d'alcool, de femmes vénéneuses, de nuits d'insomnies et d'affaires aux intrigues biscornues.
Engagé pour retrouver un écrivain fugueur qui écume son amertume dans les bars de la côte ouest, Sughrue, familier de ce biotope, ne tarde pas à le rejoindre dans un saloon miteux dont la principale attraction est un bulldog alcoolique.
Mission accomplie. Pas tout à fait. La barmaid l'engage pour retrouver la trace de sa fille de Betty Sue, disparue il y a près de 10 ans.
Sughrue embarque l'écrivain et le chien dans une équipée aussi sauvage qu'alcoolisée à la recherche de la disparue. Ce qui ne devait être qu'un petit détour se transforme en cure d'intoxication à des personnages féminins très loin de la caricature habituelle de la femme fatale du roman noir.
Trèves de comptoir et dialogues éthyliques poétisent ce récit désespéré qui est considéré à juste titre comme un chef d'oeuvre du genre.
Un roman qui n'a rien de végan avec un auteur qui paie sa tournée de personnages revenus de tout sauf de la vie. Il ne ménage ni leur foie, ni leur coeur mais la tendresse qu'il porte à ses avatars cabossés suinte à chaque page.
Une flamme sommeille toujours dans les braises, prête à repartir si on lui souffle dessus… et qu'on lui verse pour l'aider un peu d'alcool à brûler, telle pourrait être la morale de cette histoire si
James Crumley n'avait pas été allergique aux moralisateurs.
Petit conseil santé de
James Crumley pour éviter la gueule de bois, ne jamais dessoûler. du coup, je m'en vais d'un pas chancelant comme un lendemain de fête, commander les autres cuvées de cet auteur.
A votre santé.