Les maisons, je ne supportais pas. Je n’étais jamais à l’aise dedans. Même en visite, je m’y sentais oppressé, confiné, comme si leurs murs allaient m’étouffer, me suffoquer. Dans une maison, je ne pouvais pas respirer.
On a cherché à invoquer cette magie insaisissable de l'immobilité, espérant comme toujours pouvoir la capturer, et qu'elle serait peut-être la réponse à tout. Mais, en réalité, on était des enfants du mouvement, et à ce moment-là, on ne savait pas rester immobiles. On ne savait même pas qu'on en était capables.
J’étais celui qui leur fournissait les raisons qu’ils cherchaient pour nous jeter dehors. J’étais celui qui n’avait pas de mère.
Je me disais que le chagrin était sans doute comme un œuf qu’on doit casser, et que je n’avais pas encore brisé la coquille du mien – que je le tenais toujours au creux de mes mains. Avec précaution.
C’était la première chemise neuve que je me rappelais avoir jamais eue, genre non seulement elle était pas-nouvelle-pour-moi, mais elle avait jamais appartenu à personne non plus. Je ne l’ai même pas essayée, au cas où je l’abîmerais.
Tu sais, quelquefois, quand on tombe amoureux de quelqu’un… en réalité, ce dont on tombe amoureux, c’est de l’image que l’autre vous renvoie de vous. »
Elle a jeté un coup d’œil en arrière pour vérifier ma progression avant de continuer à avancer. « On peut entrevoir son reflet dans le regard de son amoureux, et se dire : Bon Dieu, je suis ravissante !
J’ai reniflé l’odeur d’oranges à l’intérieur. Et puis, pendant juste un instant, en plus des oranges, j’ai senti mon odeur à moi, celle de ma famille : sueur, mousse et écorce d’arbre, et du feu, surtout du feu, avec aussi de la terre, de l’humus, des feuilles mouillées et du vent.