La mélancolie c’est le bonheur d’être triste.
Un papillon, c’est beaucoup trop de vie d’un coup. Des mouvements, de la couleur, une présence… J’étais prête à accueillir un rayon, un seul rayon de l’astre maudit, mais un papillon, non…
Il y avait un temps pour panser sa douleur, pour se rappeler, pour dire adieu correctement. Aujourd’hui, à peine l’enterrement passé, le quotidien doit reprendre : le travail, les factures à payer... La société n’a plus le temps pour le deuil.
Autrefois, on observait le deuil pendant des semaines, voire des mois. Les femmes portaient du noir pour exprimer leur douleur, un long voile de crêpe couvrait leur visage et tout bijou était interdit, excepté ceux en bois noirci. Les hommes fixaient un ruban de crêpe noir autour du bras. On interrompait toute activité et on se réunissait en famille. Il y avait un temps pour panser sa douleur, pour se rappeler, pour dire adieu correctement. Aujourd'hui, à peine l'enterrement passé, le quotidien doit reprendre ; le travail, les factures à payer... La société n'a plus le temps pour le deuil.
Comment font les gens? Comment peuvent-ils voir leur univers s’écrouler et reprendre leur vie à l’identique? Retourner au travail au bout de quelques jours, continuer de vivre dans le même appartement, fréquenter le même quartier… C’est au-dessus de mes forces. Ils ont quitté mon monde brutalement, tous les deux, durant cette même nuit, et à partir de ce moment-là ce monde-là, celui dans lequel j’évoluais, je respirais, je me réveillais depuis vingt-neuf ans, ce monde-là a cessé d’exister. (…) Tout ce que je souhaitais, à la sortie de l’hôpital, c’était fuir l’été, ses rayons brûlants et ses foules joyeuses sur les bords du Rhône. J’aurais préféré qu’ils meurent en hiver, un soir de pluie torrentielle, sous un ciel gris-noir. Pas au son des orchestres, des pétards et des rires, pas ce premier jour de l’été. p. 15-16
Je n'ai jamais compris pourquoi les gens s'adressaient à leurs morts devant une pierre froide et rugueuse, aux formes géométriques trop abruptes. Pourquoi ne leurs parlent ils pas en pensée, n'importe ou, n'importe quand? C'est ce que je me suis attachée à faire jusqu'à maintenant. Fuir le cimetière, la pierre froide, parler à Benjamin dans mon esprit, au milieu de mon jardin ou dans mon salon, n'importe ou, en fait.
Mais je n’ai pas besoin d’église, ni de prières, ni de chapelet pour célébrer mes morts. J’ai un saule pleureur qui porte le nom d’un défunt, un chat qui m’a adoptée, et des bougies que j’ai moulées moi-même. J’ai la pleine lune et la brise aussi, car sans elle, les bougies ne valseraient pas…
Heureusement, je ne suis plus vraiment seule depuis que le chat gris a décidé de s'imposer dans ma maison. Sa présence est douce. J'ai des raisons de parler à haute voix désormais.
« Je préfère me concentrer sur l'ombre d'un chat gris
Qui se faufile dans les pins, là-bas. »
Comment c'est de grandir avec une mère égoïste ? Ce n'est pas si difficile, il suffit de s'y habituer. Ma mère était ainsi : elle voulait le beurre et l'argent du beurre. Elle aurait aimé ne renoncer à rien et elle s'y est applique. Connaître la maternité sans s'infliger une vie de couple.