La renaissance d'Amande
Avec
Les lendemains Mélissa da Costa confirme les promesses nées avec
Tout le bleu du ciel. L'histoire de la reconstruction d'Amande, après la perte d'un mari et d'un enfant, est toute de sensibilité et de finesse.
Mélissa Da Costa a indéniablement un talent fou pour tricoter de belles histoires, de celles qu'on a un mal fou à lâcher dès les premières pages. Après avoir réussi l'exploit d'entrer en littérature avec «
Tout le bleu du ciel», un roman de plus de 800 pages qui retraçait le parcours initiatique suivi par Émile et Joanne, un homme se sachant condamné et une jeune fille avide de découvrir de nouveaux horizons, elle dresse cette fois le portrait d'une jeune fille doublement frappée par le sort.
Amande est au printemps de sa vie. Elle partage sa vie avec Benjamin et se réjouit de partager bientôt avec lui la naissance de leur enfant. Un bonheur tranquille du côté de Lyon où elle est employée et lui animateur dans une MJC.
Mais le 21 juin tout va basculer en quelques heures. Alors qu'ils s'apprêtent à sortir pour la fête de la musique Benjamin reçoit un coup de fil lui demandant de rejoindre la MJC pour ouvrir une armoire dont il a le double des clés. Il enfourche sa moto et promet de faire au plus vite. Il ne reviendra pas. Sa moto a dérapé et s'est encastrée sous un camion. le choc est tel pour Amande qu'elle est hospitalisée d'urgence. À son réveil, elle va apprendre que leur fille n'a pas survécu. Elle aurait dû s'appeler Manon.
Ne sachant comment surmonter ce choc, elle décide quitter tout ce qui peut lui rappeler cette vie sacrifiée et part s'installer dans une maison isolée à quelques kilomètres de Clermont-Ferrand. Ne lui reste alors que des questions sans réponse: «Comment font les gens? Comment peuvent-ils voir leur univers s'écrouler et reprendre leur vie à l'identique? Retourner au travail au bout de quelques jours, continuer de vivre dans le même appartement, fréquenter le même quartier… C'est au-dessus de mes forces.» Dans la vieille maison, elle vit comme une recluse, chassant les importuns, jusqu'au jour où Julie, la fille de Madame Hugues, la propriétaire décédée, lui propose de la débarrasser de cartons et d'objets qui encombrent le grenier.
Dans ce bric-à-brac, Amande va récupère les agendas annotés de la vieille dame. Sans le savoir, elle vient d'entamer un long travail vers une nouvelle vie. D'abord parce qu'elle a adressé la parole à quelqu'un sans se sentir agressée, ensuite parce qu'elle a trouvé de quoi occuper son esprit et ses mains. Les conseils de la vieille dame quant aux soins à apporter au jardin, les semis, les récoltes, les recettes de cuisine sont désormais son viatique. Elle se rapproche de la nature, des arbres, des plantes. Elle a même l'idée d'ériger un endroit dans le bois attenant auprès d'un arbre majestueux pour converser avec son défunt mari. Plus tard, à la pleine lune, elle organisera même des cérémonies de plus en plus joyeuses.
Désormais, elle peut reparler à Anne et Richard, les parents de Benjamin, à
Yann, son et à sa femme Cassandra qui attendent à leur tour une petite fille. Si elle a plus de mal avec sa propre mère, c'est que leurs liens étaient déjà bien distendus avant le drame. Amande la renvoie sur son île, La Réunion. Elle peut même envisager de laisser rentrer le chat gris dans sa maison.
Mélissa da Costa, comme dans
Tout le bleu du ciel, a trouvé le juste équilibre pour raconter cette remontée des enfers, évitant tout sentimentalisme et tout voyeurisme, ne cachant rien de la peine et des difficultés, montrant avec lucidité qu'il n'existe pas de remède-miracle pour ce genre d'épreuves et qu'il faut laisser du temps au temps…
N'en disons pas davantage, de crainte d'en dire trop. Soulignons en revanche combien tous ceux qui ont subi de pareils drames trouveront dans ce roman la confirmation qu'ils ne sont pas fous avant, peut-être, de chercher quelques réponses à leur mal-être. le jour venu, ils sauront que ce n'est pas dans la solitude qu'ils pourront se reconstruire mais en acceptant les autres. Mieux même, en allant vers eux. Émouvant, touchant, intense et beau: faisons chanter
Les lendemains !