Fatima Daas, dans
La Petite dernière, réalise un roman hors normes qui m'a souvent mis mal à l'aise mais aussi qui m'a enchanté par son originalité et son caractère répétitif.
C'est une succession de courts chapitres commençant toujours par « Je m'appelle Fatima », ajoutant de temps à autre son nom de famille.
Fatima Daas, la mazoziya,
la petite dernière de la famille, celle qui aurait dû être un garçon comme l'espérait Ahmad, son père. Ses deux soeurs sont nées en Algérie. Elle est la seule à être née en France, par césarienne. Sa mère, Karmar, est maîtresse en son Royaume, sa cuisine.
Tout cela est important mais bien peu finalement à côté de la religion. Sans cesse, elle répète qu'elle est musulmane. La lecture de ce livre est alors très instructive car elle démontre de façon magistrale toute l'emprise psychologique qu'impose l'islam avec ses rites, ses invocations pour n'importe quelle situation, ses prières égrenées tout au long du jour.
Fatima Daas est complètement asservie mais ne s'en dégage pas. Au contraire, elle voudrait trouver dans sa religion un moyen d'être acceptée avec son amour pour les filles, pour les femmes et tente d'obtenir satisfaction auprès d'imams.
Elle qui dit s'être rendu compte qu'elle était une fille lorsqu'elle a eu ses premières règles, se comporte comme un garçon, puis essaie avec un ou deux petits amis. Finalement, c'est avec des femmes plus âgées qu'elle trouve affection et tendresse. de plus, son asthme ne lui laisse guère de répit.
Surtout, il y a Nina dont elle est amoureuse mais rien n'est simple car Fatima est mal dans sa peau. Elle est torturée par le fait de ne pas respecter les préceptes de l'islam, nous gratifie du texte de plusieurs prières, de beaucoup de mots et de citations en arabe, cite aussi
Annie Ernaux et
Duras.
J'ai apprécié d'apprendre la signification de beaucoup de mots, de noms arabes. Par exemple, « Fatima signifie « petite chamelle sevrée ». Sevrer, en arabe : fatm. »
J'ai pu aussi comprendre toute la souffrance de ces gens déracinés, heureux de retourner en Algérie, d'y retrouver la famille mais pressés de revenir en France.
Fatima Daas a vraiment des dons pour l'écriture. Elle est adoubée par
Virginie Despentes et prouve toute son originalité avec ce premier roman.
Tout au long de ma lecture, je me suis demandé comme une fille aussi intelligente, toujours en rechercher d'elle-même, ne réussissait pas à s'extraire de la gangue religieuse qui lui interdit formellement de vivre son homosexualité et ses amours comme elle l'entend. Ce n'est peut-être qu'une question de temps ?