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Il y a un grand plaisir à lire les amers . Léautaud , Renard , Cioran , Pessoa .
Ils sont tellement négatifs , sur eux-mêmes et sur les autres , et sur la farce d'être là .
Ils écrivent très juste , très sec et la sveltesse de leur phrase est comme une évidence : ils ont raison .
Avec eux , on se sent à l'abri .
Rien ne peut faire mal , puisque tout fait mal .
[...].
On se protège .
Leur négativité est presque délicieuse .
Ils ont raison bien sûr , mais ils n'y peuvent rien . Ils ont un style .
Plus que les autres , ils aiment donc la vie .
" Le bonheur des amers " p. 92 - 94
mais on n'est pas non plus de ceux qui ont envie de lire seulement ce que les autres lisent
Avec les mots rester solaire. Je sais ce qu'on peut dire à ce sujet: l'essentiel est dans l'ombre, le mystère, le cheminement nocturne. Et puis comment être solaire quand l'humanité souffre partout, quand la douleur physique et morale, la violence , la guerre recouvrent tout ? Eh bien rester solaire à cause de tout cela.Constater, dénoncer sont des tâches essentielles.Mais dire qu'autre chose est possible, ici. Plus les jours passent et plus j'ai envie de guetter la lumière, à plus forte raison si elle s'amenuise. Rester du côté du soleil.
A soixante ans on a franchi depuis longtemps le solstice d’été. [...] Plus les jours passent et plus j’ai envie de guetter la lumière, à plus forte raison si elle s’amenuise. Rester du côté du soleil.
Dans un grain de sable, toute la plage...
Oui, tout un sahara au ras du sol. Autant d'immensité dans le monde à ses pieds.
Je le sens, je le touche ici, allongé sur mon banc, dans cette absence d'heure. C'est ça l'été !
Et les vacances devraient toujours être ainsi, une bulle d'éternité tranquille avant une sieste possible.
Il est cependant un domaine où le plaisir de l'autre compte davantage que le sien. Ce plaisir-là restera toujours un mystère.
C'est pour cela qu'on fait l'amour.
Chaque individu reste une île. Une île courtoise, qui se laisse accoster, mais pas envahir.
Ce qui reste le plus fort, dans la lecture, c'est le paradoxe. Parfois on a la chance de rencontrer un auteur qui a écrit : "le désir de trouver le sommeil me réveillait". (p.78)
Mes angoisses. Mes affections. Mes souvenirs. Mes troubles. Toutes mes contradictions, qui ne me font certes pas brûler comme une cire très pure, mais cette consumation extatique ne me tente guère. Je préfère brûler en vacillant au moindre souffle. Oublier, me souvenir, connaître le plaisir et la tristesse, et le remords. Sentir que le bonheur est à la fois possible et impossible. Vivre cette éblouissante absence de certitude. Refuser toute sagesse trop longue.