Le roman historique a encore de beaux jours devant lui et c'est un véritable plaisir de découvrir, sous la plume d'une auteure contemporaine, un portrait de femme qui traverse la fin du 18ème siècle en souffrant à la fois des vicissitudes de l'ancien régime et des sanglants dangers de la Révolution.
On peut dire une chose, c'est que le titre "les infortunes" est particulièrement bien choisi puisque la malheureuse héroïne, proie de la convoitise des hommes, va de Charybde en Sylla...
Elle n'échappe que de justesse à l'inceste fraternel pour se trouver mariée de force à 15 ans à une brute de trois fois son âge qui la traite avec dureté.
Délivrée de son détestable conjoint par un accident de cheval, la voici déshéritée car elle n'a pas su donner à son mari d'enfant mâle. Elle "monte" à Paris avec sa petite fille et cède aux avances d'un bel aristocrate qui , s'il se comporte mieux avec elle que le défunt mari, n'en refuse pas moins énergiquement le mariage, contraignant la pauvre Gabrielle à accepter l'humiliation de sa condition.
Certaines se seraient contenté de leur sort , mais pas elle ! Elle résiste à l'amour que pourrait lui inspirer son bel amant et refuse même le mariage que celui-ci finit par lui proposer .
Les évènements politiques n'arrangent pas les affaires de la jeune femme qui en tant que noble bien introduite à la Cour, ne devra son salut qu'à son amour de jeunesse miraculeusement retrouvé . Juge au Tribunal révolutionnaire, il sera en effet bien placé pour lui accorder une protection dont elle a bien besoin.
Mais pourra t'elle retrouver les élans de sa jeunesse pour le beau révolutionnaire dont elle a été séparée par ce mariage maudit ?
Cette pauvre Gabrielle n'est vraiment pas douée pour le bonheur et ne profitera ni de la douceur de vivre, façon ancien régime, ni de la passion farouche animant les élans politiques .
Roman féministe ? Certes pas car la jeune femme ne fait que subir ce que les hommes lui imposent et ne se départira jamais du statut de victime qui lui colle à la peau. Obéissante et soumise , elle poursuit son chemin et ne profite guère de ses attraits.
A travers ce parcours, que je qualifierai de tragique, l'histoire est contée avec brio , de l'intérieur et on a l'impression d'assister en direct à ces terribles évènements qui ont ensanglanté la France. Les personnages historiques qui apparaissent au fil des pages sont bien vivants avec leurs faiblesses et leurs foucades. La reine
Marie Antoinette n'est guère épargnée et le portrait qui est tracée de cette souveraine en fait une peste arrogante qui finalement a bien mérité son sort !
Ce roman est passionnant et puissamment ancré dans un contexte historique parfaitement documenté et la plume de l'auteure est d'une élégance qui colle à l'époque du récit. Dommage qu'à aucun moment on ne retrouve la légèreté ironique de la société élégante de la fin du 18ème siècle. Cette trop belle Gabrielle aurait mérité de s'amuser au moins un petit peu ....