Philibert Sarrazin est médecin à Lyon en cette année 1559, c'est un notable protestant, à une époque où la tolérance religieuse n'est pas de mise. Il se rend à Paris pour assister à une dissection clandestine. Les autorités interdisent les dissections humaines et la médecine nouvelle, celle de Paré, n'arrive pas à percer l'obscurantisme de la médecine traditionnelle de Galien et d'
Hippocrate. Philibert croit fermement dans le progrès et la science. A peine arrivé à Paris, il retrouve un de ses anciens condisciples et ils s'en vont déterrer une morte à peine ensevelie. Mais c'est un piège et des soldats emmènent Philibert chez un gentilhomme qui lui laisse le choix entre la potence et le fait d'espionner son beau-frère Michel de Nostredame, dit
Nostradamus, le célèbre astrologue de la reine Catherine de Médicis. le même jour le roi Henri II est blessé dans un tournoi comme l'a prédit
Nostradamus et Philibert est envoyé à son chevet. La blessure dépasse les possibilité de la médecine de l'époque et l'état du roi est désespéré.
Philibert rentre à Lyon, mais le soldat du gentilhomme parisien l'y a précédé pour avertir sa femme. Celle-ci est sage-femme et le dernier accouchement qu'elle a pratiqué s'est mal terminé. Philibert comprend que les autorités ne vont pas tarder à l'arrêter. Les Sarrazin décident d'envoyer leurs enfants à Genève chez leur parrain,
Jean Calvin et ils prennent le route de Salon pour percer les mystères de
Nostradamus comme on le leur a demandé. Philibert a de l'estime pour lui, alors que sa femme Louise le déteste, elle l'accuse d'avoir assassiné sa soeur Isabelle, son épouse vingt ans auparavant. Ils se mettent en route et vivront bien des aventures sur la route et surtout dans la ville de Salon.
Ce livre est édité dans la collection Science fiction de Folio, mais il ne s'agit pas de ce genre-là. Il s'agit plutôt d'un roman historique teinté de fantastique. La fin de l'histoire est très étrange et l'on peut l'interpréter soit comme du fantastique, soit comme un roman psychologique, une espèce de rêve que ferait
Nostradamus, une sorte de dédoublement de personnalité. Personnellement je pencherais plutôt pour cette version.
Tant Philibert est un personnage à la fois naïf, généreux et moderne qui se pose les bonnes questions, tant
Nostradamus est un prétentieux imbuvable. Les notables de Salon sont aussi particulièrement versatiles et peu sympathiques. Les personnages féminins principaux, Louise et Diane, sont intéressants, ce sont de beaux portraits de femmes qui essaient de trouver leurs marques et d'être libres dans une société oppressante.
Outre les péripéties d'un bon roman historique, je trouve que le principal intérêt du livre est dans la confrontation des idées. Philibert oscille du protestantisme au catholicisme selon les moments et je trouve que le débat entre ces deux points de vue est très bien restitué. Si les bourgeois de Salon sont plutôt caricaturaux, Philibert a bien su saisir les enjeux du débat. Son dialogue avec Dieu est plutôt moderne et nombre de chrétiens d'aujourd'hui se posent les mêmes questions en employant d'autres mots. le débat sur la prédestination, même si on n'emploie plus ce terme existe toujours dans certains courants protestants. Philibert saisit aussi tout à fait les enjeux de la pensée moderne, lorsque
Nostradamus lui dit que le monde est ce que les hommes en font, idem dans sa réflexion sur la sorcellerie (à croire qu'il avait prédit les idées de
Sartre !!). J'ai trouvé que la réflexion sur les idées et les concepts qui agite Philibert est particulièrement intéressante et montre la racine ancienne de ces questions existentielles que l'on se pose encore, même si c'est avec un tout autre langage. Un livre que j'ai eu grand plaisir à lire.
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