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Critique de CDemassieux


Avant d'aller plus avant dans mon compte rendu, et sans entrer dans des détails autobiographiques qui n'intéressent que moi, je dois confesser mon appréhension à l'idée de lire un roman français contemporain, dans lequel je ne trouve presque jamais la substance qui inonde les oeuvres De Balzac, Flaubert, Proust, Céline, Giono, etc.

Rares sont en effet les textes contemporains qui me transportent. Mais comme je ne veux pas passer pour ce que je suis en réalité – c'est-à-dire un nostalgique de l'Avant –, je m'impose de lire plus ou moins régulièrement des récits du temps présent. J'ai donc souhaité lire Un homme sans volonté, de Marc Desaubliaux. Tout ce qui va suivre n'est donc qu'un avis très subjectif…

« Après mon bac, la liberté. En fait la découverte du vide. Je mets enfin un nom dessus : l'ennui. » Telle est la précoce constatation du narrateur, Louis. L'ennui, « ce fruit de la morne incuriosité », écrivait Baudelaire. Pour poursuivre dans la veine baudelairienne, on trouve aussi cette phrase : « Il n'y a pas pire solitude qu'au milieu des gens heureux. » Constat sans appel et si évident…

Louis, jeune homme riche et de bonne famille, selon l'expression consacrée, tente de conjurer cet ennui dans des expériences destinées à éprouver un certain danger ; des expériences qu'il subit plutôt qu'il ne les commande, faute de volonté précisément. Parmi celles-ci, il développe une sexualité quelque peu morbide avec sa partenaire Carole-Anne, elle-même en quête d'extrêmes.

C'est ainsi une recherche angoissée et obsessionnelle d'un sens à son existence qui hante Louis, lequel se frotte de manière inconsciemment suicidaire aux limites du possible, jusque dans sa sexualité donc – évoquée de manière trop répétitive, ce qui est dommage. Existence dont on a peut-être tracé trop vite les grandes lignes au sein d'une famille où tout semble codifié. Et sa volonté se voit entravée par des contraintes insupportables, dont la maladie de sa soeur Eugénie n'est pas des moindres. Louis se trouve donc dans une impasse : « Refusant d'aller de l'avant, je me suis interdit de cicatriser mes blessures. »

Certains tenants de la lutte des classes verraient dans cette histoire une maladie de riches qui peuplent de frissons transgressifs leur confortable oisiveté. Mais se chercher n'est pas l'apanage des milieux aisés, Holden Caulfield – principal protagoniste de L'Attrape-coeurs, de J.D. Salinger – est là pour en témoigner.

Dès lors, tout ce qui est – ou lui paraît – exotique, est bon à prendre, notamment une amitié durable avec des membres de la famille impériale Romanov exilés à Paris, si éloignés de son propre modèle familial. Ce qui lui vaudra un apprentissage de langue russe et surtout un dangereux voyage en URSS à la fin des années 1970.

Son approche totalement libre de la peinture participe aussi pour Louis de cette recherche d'un ailleurs, autant qu'elle est un exutoire à ses états d'âme. Recherche qui sera l'occasion de rencontres avec des peintres, dont un certain Antoine de Brétilly, qui aura cette remarque très juste à propose de la peinture : « Un tableau n'est pas une vérité en soi : c'est surtout ce qu'en découvre le spectateur qui est une vérité. Et encore, le peintre peut avoir joué à dissimuler bien des choses que personne ne comprendra jamais. » À ce propos, les passages consacrés à la peinture et au processus de création sont les meilleurs à mon sens.

Oscillant entre le « je » et le « il », le récit, qui cède trop au langage parlé, déroute par ces ruptures narratives, ce qui empêche la pleine fluidité de la lecture. Mais, au risque de me répéter, je crois être un lecteur d'un autre temps, et ce roman mérite d'être lu car il émane de lui cette sincérité du malheur qui se raconte non moins sincèrement…

(PS : je tiens à remercier l'auteur pour sa disponibilité ainsi que sa convivialité lors d'une rencontre très agréable organisée entre lui et ses lecteurs dans les locaux de Babelio, mercredi 26 janvier 2022)
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